Le licenciement pour inaptitude est une procédure complexe qui soulève de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne les indemnités dues au salarié. En 2024, les employeurs et les salariés doivent être particulièrement attentifs aux règles en vigueur pour calculer ces indemnités, car elles peuvent varier selon l’origine de l’inaptitude.
Dans cet article, nous allons vous guider à travers les différents aspects de ce processus, en commençant par définir ce qu’est un licenciement pour inaptitude et en rappelant brièvement la procédure à suivre. Nous examinerons ensuite en détail les indemnités dues au salarié, en distinguant les cas d’inaptitude d’origine non professionnelle et professionnelle.
Nous aborderons également l’impact de ces indemnités sur le bulletin de salaire, en expliquant leur régime social et fiscal, ainsi que les modalités de leur versement. Enfin, nous répondrons à quelques questions pratiques fréquemment posées concernant le licenciement pour inaptitude, telles que la possibilité de licencier un salarié en arrêt de travail, l’indemnisation pendant la procédure, et le maintien des avantages sociaux après le licenciement.
Qu’est-ce qu’un licenciement pour inaptitude ?
Lorsqu’un salarié est licencié pour inaptitude, il peut prétendre à différentes indemnités en fonction de l’origine de l’inaptitude, professionnelle ou non.
Définition
Un salarié déclaré inapte par le médecin du travail peut être licencié pour inaptitude suite à une impossibilité de reclassement ou refus du salarié.
L’inaptitude peut être d’origine non professionnelle suite à un arrêt de travail pour maladie par exemple ou d’origine professionnelle suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle.
Rappel de la procédure
À partir du moment où le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit respecter une certaine procédure avant de pouvoir prononcer le licenciement de ce dernier.
Quelles sont les indemnités dues au salarié en cas de licenciement pour inaptitude ?
Selon l’origine de l’inaptitude, c’est à dire d’origine professionnelle ou non, le salarié licencié pour inaptitude n’a pas le droit aux mêmes indemnités.
Inaptitude d’origine non professionnelle
Pas d’indemnité compensatrice de préavis
Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, lorsque l’inaptitude du salarié fait suite à une maladie ou un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté en raison de l’impossibilité du salarié à le réaliser et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement.
Le salarié licencié pour inaptitude non professionnelle ne bénéficie donc pas d’indemnité compensatrice de préavis (article L1226-4 du Code du travail).
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Je télécharge gratuitementPar contre, la durée du préavis est prise en compte pour la détermination de l’ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement.
Comment calculer l’indemnité de licenciement pour inaptitude ?
Formule de calcul
Le salarié licencié pour inaptitude non professionnelle a droit à l’indemnité de licenciement “classique” prévu par le Code du travail ou la convention collective, si elle est plus favorable au salarié.
L’indemnité légale de licenciement est calculée de la manière suivante :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans.
- 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de 10 ans.
Une convention collective peut prévoir une indemnité spécifique en cas de licenciement pour inaptitude. En tout état de cause, il convient de toujours appliquer l’indemnité la plus favorable au salarié.
Par ailleurs, une convention collective ne peut exclure de l’indemnité conventionnelle de licenciement les salariés déclarés inaptes en raison d’une maladie ou d’un accident non professionnel, car ceci consisterait à discriminer le salarié licencié en raison de son état de santé ( arrêt de la cour de cassation N°13-11789 du 08/10/14).
Le salaire de référence à appliquer
Pour déterminer le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement, il convient de comparer le montant le plus élevé entre (article R.1234-4 du code du travail) :
- 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédent la notification du licenciement.
- 1/3 des 3 derniers mois précédent la notification du licenciement : les primes et gratifications annuelles ou exceptionnelles doivent alors être calculées au prorata temporis.
Tous les éléments de rémunération sont à prendre en compte hormis les remboursements des frais professionnels.
En cas d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ce qui est souvent le cas pour les licenciements pour inaptitude, la période de référence à prendre en compte concerne les 12 ou 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail.
Exemple
Un salarié est en arrêt de travail pour maladie non professionnelle depuis le 1er octobre, il est déclaré inapte par le médecin du travail le 15 octobre de l’année suivante.
L’employeur propose un poste au salarié, correspondant aux préconisations du médecin du travail, le 20 octobre, après consultation du Comité Social et Économique.
Le salarié refuse le poste le 25 octobre et il n’existe pas d’autres postes dans l’entreprise adaptés au salarié, le licenciement peut alors être prononcé.
Compte tenu des délais concernant la procédure de licenciement, le salarié est licencié pour inaptitude le 8 novembre.
Calcul de l’ancienneté
À la date de notification du licenciement, le salarié a une ancienneté de 19 ans et 4 mois. La durée légale de préavis est de 2 mois, mais dans la mesure où le salarié est reconnu travailleur handicapé, elle est de 3 mois.
Le préavis n’est pas effectué, mais sa durée est prise en compte dans la détermination de son ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement, soit 19 ans et 7 mois.
La salaire de référence
Dans la mesure où le salarié était en arrêt de travail avant la notification de son licenciement, il faut prendre en compte les 12 ou 3 derniers mois de salaire précédant son arrêt de travail.
12 derniers mois précédent l’arrêt de travail
Mois | salaire à prendre en compte |
octobre | 2500 |
novembre | 2500 |
décembre | 5000 |
janvier | 2500 |
février | 2500 |
mars | 3000 |
avril | 2500 |
mai | 2500 |
juin | 2500 |
juillet | 2500 |
août | 2500 |
septembre | 2500 |
Total des salaires | 33000 |
Salaire moyen | 2750 |
3 derniers mois précédent l’arrêt de travail
Mois | Salaire à prendre en compte |
juillet | 2500 |
août | 2500 |
septembre | 2500 |
prime de 13ème mois | 625 |
Total des salaires | 8125 |
Salaire moyen | 2708,33 |
Calcul de l’indemnité de licenciement
1/4 de 10 ans de salaire | 6875 |
1/3 de 9 ans de salaire | 8250 |
1/3 de 7/12 mois de salaire | 534,72 |
Total indemnité de licenciement | 15659,72 |
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Inaptitude d’origine professionnelle
Lorsque l’inaptitude est due à un accident de travail ou une maladie professionnelle, le salarié licencié pour inaptitude bénéficie d’indemnités spécifiques (article L1226-14 du Code du travail).
L’indemnité compensatrice de préavis
Le salarié licencié pour inaptitude d’origine professionnelle bénéficie d’une indemnité compensatrice de préavis même si le salarié n’est pas en mesure d’effectuer son préavis. L’indemnité compensatrice de préavis se calcule de la même manière que celle due en cas de licenciement.
La durée de préavis prise en compte pour calculer l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle est la durée légale et non conventionnelle même si cette dernière est plus favorable au salarié.
Par ailleurs, le doublement de la durée de préavis pour les travailleurs handicapés et mutilés de guerre ne s’applique pas pour l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.
Contrairement à l’indemnité compensatrice de préavis “classique”, celle-ci ne recule pas la date de cessation du contrat de travail. Celui-ci est donc rompu à la date de notification du licenciement.
Ainsi, dans la mesure où elle n’est pas considérée comme une indemnité de préavis, mais comme une indemnité spécifique, elle n’entraîne pas l’acquisition de congés payés et n’entre pas dans la base de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
L’indemnité de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle
Dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié a droit à une indemnisation spéciale. Cette indemnité est calculée de manière à être deux fois plus élevée que l’indemnité légale de licenciement standard.
Il est important de noter que ce doublement ne s’applique généralement pas à l’indemnité conventionnelle de licenciement, sauf si la convention collective applicable prévoit expressément des dispositions contraires. Cette distinction est cruciale pour éviter toute confusion dans le calcul des indemnités dues.
Lors de la détermination du montant final de l’indemnité, l’employeur doit effectuer une comparaison entre deux options : l’indemnité légale de licenciement doublée et l’indemnité conventionnelle de licenciement. Le principe directeur est de toujours opter pour la solution la plus avantageuse pour le salarié, garantissant ainsi une protection optimale de ses intérêts financiers dans cette situation délicate.
Le salaire de référence
Le salaire de référence pris en compte pour le calcul de l’indemnité compensatrice spécifique de préavis et l’indemnité spéciale de licenciement est la moyenne des 3 derniers mois précédant le suspension du contrat de travail provoquée par l’accident de travail ou la maladie professionnelle (article L1226-16 du Code du travail).
Exemple
Une salariée est déclarée inapte à tous postes dans l’entreprise le 1er octobre suite à un accident de travail. Elle était en arrêt de travail pour accident du travail depuis le 1er octobre de l’année précédente.
Son licenciement est prononcé le 15 octobre 2019. À cette date, la salariée a une ancienneté de 14 ans et 4 mois.
Moyenne des 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail
Mois | Salaire à prendre en compte |
juillet | 2500 |
août | 2500 |
septembre | 2500 |
Total des salaires | 7500 |
Salaire moyen | 2500 |
Calcul de l’indemnité compensatrice spécifique de préavis
Le préavis légal de licenciement est de 2 mois. Ainsi, l’indemnité compensatrice spécifique de préavis due à la salariée est de 5000 euros.
Calcul de l’indemnité spéciale de licenciement
1/4 de 10 ans de salaire | 6250 |
1/3 de 4 ans de salaire | 3333 |
1/3 de 4/12 mois de salaire | 277,78 |
Total indemnité spéciale de licenciement | 19722,22 |
Quel est l’impact sur le bulletin de salaire ?
Régime social et fiscal des indemnités pour inaptitude
L’indemnité compensatrice spécifique de préavis
L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié licencié pour inaptitude est assujettie en totalité aux cotisations et contributions sociales, à CSG/CRDS et à l’impôt sur le revenu.
L’indemnité de licenciement pour inaptitude
Régime fiscal
L’indemnité de licenciement pour inaptitude est soumise aux règles qui régissent le régime social et fiscal des indemnités de rupture.
Ainsi, l’indemnité de licenciement pour inaptitude est exonérée d’impôt sur le revenu à hauteur du montant le plus élevé entre :
- Le montant minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement.
- 50% du montant de l’indemnité versée au salarié ou 2 fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié durant l’année civile précédant la rupture, dans la limite de 6 fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale en vigueur à la date de versement de l’indemnité.
Régime social
L’indemnité de licenciement pour inaptitude est exonérée de cotisations et contributions sociales pour la fraction exonérée de l’impôt sur le revenu dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale en vigueur au moment du versement de l’indemnité.
CSG/CRDS
L’indemnité de licenciement pour inaptitude est exonérée de CSG/CRDS pour le montant le plus petit entre :
- Le montant minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement.
- La part exclue de l’assiette de cotisations sociales.
Versement au moment du solde de tout compte
L’indemnité de licenciement pour inaptitude et/ou l’indemnité compensatrice de préavis sont versées lors du solde de tout compte en même temps que les autres indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail et notamment :
- L’indemnité compensatrice de congés payés.
- L’indemnité compensatrice de repos compensateur.
- Le prorata de primes comme la prime de 13ème mois par exemple.
Exemple de bulletin de salaire
Quelques questions pratiques sur le licenciement pour inaptitude
Un salarié en arrêt de travail peut-il être licencié pour inaptitude ?
Pour être déclaré inapte par la médecine du travail, le salarié ne doit plus être en arrêt de travail, car la déclaration d’inaptitude doit être consécutive à la visite de reprise. En effet, l’inaptitude ne peut pas être déclarée lors d’une visite de pré-reprise avant la fin de l’arrêt de travail.
Comment le salarié est-il indemnisé pendant la procédure de licenciement pour inaptitude ?
Durant la procédure de licenciement pour inaptitude, le salarié qui n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions ne perçoit pas de rémunération. Face à cette situation, certaines entreprises proposent des solutions alternatives pour atténuer l’impact financier sur le salarié. Parmi ces options, on trouve la possibilité de prendre des congés payés ou d’utiliser des jours de repos compensateur, permettant ainsi au salarié de maintenir un certain niveau de revenus pendant cette période.
Par ailleurs, le salarié conserve la possibilité de présenter un nouveau certificat d’arrêt de travail, ce qui peut lui ouvrir droit à des indemnités journalières, selon sa situation.
Il est important de noter qu’une disposition légale protège le salarié au-delà d’un certain délai. En effet, si la procédure se prolonge au-delà d’un mois après la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, l’employeur est tenu de reprendre le versement du salaire.
Le montant de cette rémunération doit correspondre à ce que le salarié aurait perçu s’il avait été en mesure de reprendre son poste de travail initial. Cette mesure vise à garantir une certaine sécurité financière au salarié en cas de prolongation de la procédure.
Un salarié licencié pour inaptitude peut-il encore bénéficier de la mutuelle et la prévoyance ?
Le salarié licencié pour inaptitude bénéfice de la portabilité des garanties mutuelle et prévoyance pendant une certaine durée en fonction de son ancienneté dans la limite d’un an, sous conditions de sa prise en charge par l’assurance chômage.
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