La maladie professionnelle : comment la traiter en paie ?

La maladie professionnelle : comment la traiter en paie ?
Laetitia Baccelli

Consultante et formatrice en paie, j'apporte mon expertise pour optimiser efficacement vos services paie

Répondant à des critères et process différents des arrêts maladie classique, le traitement de la maladie professionnelle demande quelques ajustements au gestionnaire de paie. Dans notre article, nous vous guidons pas à pas de la déclaration de la maladie professionnelle à sa prise en compte dans la paie.

La maladie professionnelle est une maladie qui se manifeste par des symptômes physiques ou psychiques en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle.

Mais quelles sont les maladies professionnelles reconnues par la Sécurité Sociale ? Quelle est la procédure ?  Comment sont indemnisés les salariés en maladie professionnelle ? Comment gérer la maladie professionnelle en paie ?

Nous proposons dans cet article un éclairage sur la gestion de la maladie professionnelle.

Qu’est qu’une maladie professionnelle ?

Avant de s’intéresser au niveau d’indemnisation des salariés en maladie professionnelle et sa gestion en paie, intéressons-nous dans un premier temps à la définition d’une maladie professionnelle et les conséquences sur les droits des salariés.

La maladie professionnelle, c’est quoi ?

Une maladie professionnelle est une maladie dont l’affection est liée à l’exercice de l’activité professionnelle. Toutes les maladies dont la cause est supposée être professionnelle ne sont pas pour autant considérées comme une maladie professionnelle.

Ainsi, pour être reconnue par la Sécurité Sociale comme maladie professionnelle, la maladie doit figurer dans le tableau des maladies professionnelles et le salarié doit avoir été exposé au risque de manière habituelle dans le cadre de son activité professionnelle.

Quelles sont les maladies reconnues par la Sécurité Sociale ?

Le tableau des maladies professionnelles précise la liste des maladies reconnues par la Sécurité Sociale comme une maladie professionnelle ainsi que la liste des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie et le délai de prise en charge.

D’autres affections non présentes dans ces tableaux peuvent être reconnues par la Sécurité Sociale par un système complémentaire.

  • La maladie figure dans le tableau, mais les conditions ne sont pas remplies (caractère habituel, délai de prise en charge, durée d’exposition, …). Le salarié doit alors justifier que la maladie est directement causée par l’activité professionnelle.
  • La maladie ne figure pas dans le tableau. Le salarié doit alors apporter la preuve que la maladie est directement causée par l’activité professionnelle habituelle. Le taux d’incapacité permanente doit être au minimum de 25%.

Les maladies psychiques comme le syndrome d’épuisement professionnel également appelé « burn-out » peuvent être reconnues via le système de reconnaissance complémentaire. Dans ce cadre, une procédure spécifique s’applique.

Par ailleurs, l’affection au SARS-Cov2 ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance ventilatoire est reconnue comme une maladie professionnelle pour les salariés soignants et non soignants en contact direct et de manière habituelle avec des personnes atteintes du Covid-19.

La désignation de la maladie et les personnels concernés sont définis dans le décret n°2020-1131 du 14 septembre 2020.

Conséquences de la maladie professionnelle sur les droits du salarié

De la même manière que pour l’accident de travail, la période de suspension du contrat de travail est considérée comme du temps de travail effectif pour :

La reconnaissance de la maladie professionnelle : quelle est la procédure ?

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La reconnaissance de la maladie professionnelle est instruite par l’Assurance Maladie, le délai peut prendre jusqu’à 240 jours et notamment en cas de procédure complémentaire, d’où l’intérêt de bien suivre le dossier et de respecter les étapes et les délais tant pour le salarié que pour l’employeur.

Déclaration de la maladie à la CPAM

Le salarié doit déclarer la maladie professionnelle à la CPAM dans les 15 jours suivant le début de l’arrêt de travail par le formulaire de déclaration de maladie professionnelle (cerfa N°N 50562#02).

Concernant le Covid-19, une procédure de déclaration spécifique est prévue sur le portail https://declare-maladiepro.ameli.fr/.

Instruction de la CPAM

La CPAM dispose d’un délai d’instruction de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou pour saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Questionnaire à l’employeur

Lors de cette instruction, la caisse d’Assurance Maladie adresse à l’employeur un questionnaire portant sur les conditions de travail du salarié. Celui-ci est également transmis au salarié. Ce questionnaire doit être renvoyé à la CPAM sous 30 jours francs.

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Saisine du CRRMP (facultatif)

La CPAM a la possibilité de saisir le CRRMP. Un nouveau délai de 120 jours francs court à compter de cette saisine pour notifier la décision de reconnaissance. Cette saisine est obligatoire dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles.

Consultation du dossier

Le dossier est à la disposition du salarié et de l’employeur pendant 10 jours. Pendant ce délai, ils ont la possibilité d’indiquer au dossier des éventuelles observations.

En cas de saisine du CRRMP, l’employeur et le salarié peuvent émettre des observations pendant 30 jours.

Notification de la décision

La CPAM notifie sa décision motivée au salarié ainsi qu’à l’employeur. À noter que l’absence de réponse de la CPAM vaut reconnaissance de la maladie professionnelle.

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Contestation de la décision

L’employeur et le salarié ont la possibilité de contester la décision dans un délai de 2 mois devant la commission de recours amiable (CRA). À noter qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, celui-ci n’a pas la possibilité de contester la décision.

Attestation de salaire

En parallèle à l’instruction de la procédure, l’employeur doit déclarer l’arrêt de travail à la CPAM par l’intermédiaire du signalement « Arrêt de travail » en DSN.

Maladie professionnelle : indemnisation du salarié

Le salarié en maladie professionnelle perçoit des IJSS de l’Assurance Maladie et peut percevoir des indemnités complémentaires de l’employeur.

Indemnités versées par la Sécurité Sociale

Un salarié en incapacité temporaire de travail pour maladie professionnelle reconnue par la Sécurité Sociale peut bénéficier d’un régime spécifique au titre du versement des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (IJSS). Il s’agit du même régime que pour l’accident du travail ou l’accident du trajet.

Ainsi, un salarié en maladie professionnelle perçoit des indemnités journalières à hauteur de :

  • Les 28 premiers jours : 60 % du dernier salaire rétabli précédent l’arrêt de travail.
  • À compter du 29ème jour : 80 % du dernier salaire rétabli précédent l’arrêt de travail.

L’IJSS pour maladie professionnelle ne peut en aucun cas être supérieure au gain journalier net soit le dernier salaire rétabli / 30,42 X 79% (déduction d’un taux de charge forfaitaire de 21%).

L’IJSS maladie professionnelle est versée sans délai de carence dès le premier jour d’arrêt.

Toutefois, l’instruction du dossier peut prendre un certain temps et notamment dans le cadre de la procédure complémentaire de reconnaissance si la maladie n’est pas présente au tableau.

La Sécurité Sociale verse alors au salarié, ou à l’employeur dans le cadre de la subrogation, des indemnités journalières pour maladie non professionnelle. En cas de reconnaissance de la maladie professionnelle, une régularisation ultérieure intervient en maladie professionnelle.

Pour en savoir plus sur le mode de calcul des IJSS en maladie professionnelle, vous pouvez consulter notre article : Les IJSS accident du travail : Qui peut en bénéficier ? Comment les calculer ? Comment les traiter en paie ?

Indemnité complémentaire de l’employeur

En complément du versement des IJSS, les salariés en maladie professionnelle peuvent bénéficier d’une indemnité complémentaire versée par l’employeur conformément à l’article L1226-1 du code du travail.

Ainsi, le salarié en maladie professionnelle qui a plus d’un an d’ancienneté bénéfice d’un maintien partiel du salaire brut dans les mêmes conditions que pour la maladie non professionnelle, soit :

Nombre d’années d’ancienneté90% du salaire brut2/3 du salaire brut
De 1 à 5 ans d’ancienneté30 premiers jours30 jours suivants
De 6 à 10 ans d’ancienneté40 premiers jours40 jours suivants
De 11 à 15 ans d’ancienneté50 premiers jours50 jours suivants
De 16 à 20 ans d’ancienneté60 premiers jours60 jours suivants
De 21 à 25 ans d’ancienneté70 premiers jours70 jours suivants
De 26 à 30 ans d’ancienneté80 premiers jours80 jours suivants
À partir de 31 ans d’ancienneté90 premiers jours90 jours suivants

L’indemnisation complémentaire légale commence à compter du 8ème jour d’arrêt après un délai de carence de 7 jours.

D’autres dispositions conventionnelles ou par accord d’entreprise peuvent être plus favorables au salarié. Il convient alors de comparer les différentes dispositions et d’appliquer celles qui sont les plus favorables dans leur globalité en prenant en compte le niveau d’indemnisation ainsi que le délai de carence.

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La gestion en paie de la maladie professionnelle

Gestion des IJSS, requalification en maladie non professionnelle, impact sur les droits des salariés, … le dossier d’un salarié en maladie professionnelle doit être suivi de manière très méticuleuse.

La gestion des IJSS

Le suivi des IJSS est notamment en cas de subrogation dans la perception des IJSS doit être réalisée avec la plus grande attention. L’instruction du dossier de reconnaissance de la maladie peut prendre jusqu’à 120 jours voire plus en cas de procédure complémentaire de reconnaissance. En attendant l’instruction du dossier, l’Assurance Maladie verse des IJSS au titre de la maladie non professionnelle et régularise ensuite les IJSS en maladie professionnelle lorsque celle-ci est reconnue.

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Si le salaire est maintenu partiellement ou totalement par l’employeur, celui-ci doit déduire de cette indemnité les IJSS brutes. En cas de maintien du salaire net, il doit également déduire la différence de cotisations entre les IJSS et le salaire afin de neutraliser le gain en net pour le salarié par rapport à s’il avait travaillé.

En cas de subrogation dans la perception des IJSS, les IJSS nettes doivent être reversées au salarié après déduction des cotisations sociales.  

La régularisation en cas de non-reconnaissance de la maladie professionnelle

Si la maladie professionnelle n’est pas reconnue par l’Assurance Maladie, il convient de modifier le code absence sur le logiciel de paie afin d’affecter au salarié une maladie non professionnelle. Cette modification entraîne donc une régularisation sur le bulletin de salaire qui impacte notamment :

  • L’éventuel maintien de salaire.
  • Des régularisations éventuelles de l’organisme de prévoyance.
  • L’acquisition des congés payés.

Maladie professionnelle et prélèvement à la source

Les IJSS en maladie professionnelle sont imposables à hauteur de 50%. Il convient alors d’intégrer la moitié des IJSS imposables perçues dans le cadre de la subrogation dans la base de calcul du prélèvement à la source.  

En tout état de cause, les IJSS en maladie professionnelle ne doivent jamais être intégrées dans le net imposable transmis à l’administration fiscale par l’intermédiaire de la DSN. C’est l’Assurance Maladie qui se charge de cette déclaration pour chaque assuré.

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Laetitia Baccelli

Fort de plus de 10 ans d’expériences dans le domaine de la paie, j'ai toujours eu à cœur de développer des outils et méthodes améliorant la productivité et facilitant la gestion au quotidien. J'accompagne désormais les entreprises en qualité de consultante pour des missions d'audit et de formalisation de processus, de développement d’outils de gestion ainsi qu' en tant que support pour la production de la paie.