Actualités jurisprudentielles Février 2024

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Quelles sont les décisions jurisprudentielles marquantes de ce mois de février ? Découvrez-les en lisant notre article !

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

jurisprudence-février-2024
Sommaire de l'article

Dans cette revue jurisprudentielle de fĂ©vrier, nous aborderons les thèmes suivants : la rĂ©ponse du Conseil constitutionnel concernant l’acquisition de congĂ©s payĂ©s durant un arrĂŞt maladie, le non-respect du temps de repos du salariĂ©, la requalification du contrat Ă  temps partiel en contrat Ă  temps plein, la preuve des heures supplĂ©mentaires par l’employeur, la date d’apprĂ©ciation du statut de salariĂ© protĂ©gĂ© et enfin le recours au travail intĂ©rimaire. Bonne lecture.

CongĂ©s payĂ©s et arrĂŞt maladie : conformitĂ© du Code du travail avec la Constitution

Cons. const. 8 février 2024, n°2023-1079 QPC

Suite Ă  sa dĂ©cision du 13 septembre 2023 concernant l’acquisition de congĂ©s payĂ©s durant un arrĂŞt maladie, la chambre sociale de la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ©, sur le lien Ă©tabli entre le travail effectif et l’acquisition des congĂ©s payĂ©s, matĂ©rialisĂ© par les articles L.3141-3 et 5° de l’article L.3141-5 du Code du travail et dĂ©clarĂ© contraire Ă  la Constitution.

Dans sa dĂ©cision du 8 fĂ©vrier 2024, le Conseil confirme la conformitĂ© des dispositions lĂ©gales Ă  la Constitution les articles du Code du travail qui rĂ©gissent l’acquisition de congĂ©s payĂ©s durant les pĂ©riodes d’arrĂŞt maladie respectent la Constitution et les salariĂ©s en arrĂŞt de travail pour maladie n’acquièrent pas nĂ©cessairement de congĂ©s payĂ©s. 

Ă€ travers cette confirmation, le Conseil constitutionnel rĂ©affirme que la loi française, et en particulier le principe d’absence d’acquisition de congĂ©s pendant les absences maladies simples et la limitation Ă  l’acquisition des congĂ©s payĂ©s pendant les absences pour accident du travail ou maladie professionnelle, ne mĂ©connaissent ni le droit au repos ni le principe d’égalitĂ© devant la loi. Elle ne mĂ©connaissent pas non plus le droit Ă  la protection de la santé (ni aucun autre droit ou libertĂ© garanti par la Constitution).
Ce constat vaut quelle que soit l’origine, constitutionnelle ou internationale de ces droits.

Il n’en demeure pas moins, comme l’a jugĂ© la Cour de cassation le 13 septembre dernier, que ces dispositions ne sont pas conformes au droit de l’Union europĂ©enne.

Un projet de loi serait en préparation pour mettre le Code du travail en conformité avec le droit de l’UE.

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Temps de repos du salarié

Cass.soc. 7 février 2024, n°21-22.809

Ce qu’il faut retenir

Le non-respect des temps de repos entre deux pĂ©riodes de travail, gĂ©nère, nĂ©cessairement, un prĂ©judice pour le salariĂ©, qui ouvre droit Ă  rĂ©paration.

Le cas détaillé

Un salariĂ© saisit la juridiction prud’homale d’une demande de rĂ©siliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi qu’au versement de dommages et intĂ©rĂŞts, au motif qu’à plusieurs reprises, il n’avait pas bĂ©nĂ©ficiĂ© du temps de repos de douze heures entre deux services, prĂ©vu par la Convention collective des entreprises de prĂ©vention et de sĂ©curitĂ©.

La Cour d’Appel dĂ©boute le salariĂ© de ses demandes constatant qu’il ne justifie d’aucun prĂ©judice spĂ©cifique. 

Le salarié se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrĂŞt d’appel. Elle considère que le non-respect du temps de repos quotidien du salariĂ© ouvre automatiquement un droit Ă  indemnisation. Le salariĂ© n’a donc pas besoin de prouver un prĂ©judice spĂ©cifique pour obtenir rĂ©paration.

Requalification du contrat Ă  temps partiel en contrat Ă  temps plein

Cass.soc.7 février 2024, n°22-17.696

Ce qu’il faut retenir

Seul le dĂ©passement de la durĂ©e lĂ©gale hebdomadaire ou annuelle du travail a pour consĂ©quence la requalification du contrat Ă  temps partiel en un contrat Ă  temps complet. 

Le cas détaillé

Une salariĂ©e en contrat Ă  temps partiel Ă  70 heures par mois est soumise Ă  l’accord d’amĂ©nagement du temps de travail des salariĂ©s Ă  temps partiel applicable au sein de l’entreprise.

Suite à son départ de l’entreprise, la salariée saisit le Conseil des prud’hommes d’une demande de requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps complet et d’un rappel de salaire, en faisant valoir que le nombre d’heures complémentaires réalisées avaient eu pour effet de porter ses horaires de travail au-delà de l’horaire de travail hebdomadaire.

Constatant que l’accord collectif relatif Ă  l’amĂ©nagement de la durĂ©e du travail applicable prĂ©voit des variations des horaires de travail de 0 Ă  20% par rapport Ă  l’horaire mensuel de rĂ©fĂ©rence et une durĂ©e de travail des salariĂ©s Ă  temps partiel infĂ©rieure Ă  1 600 heures, la Cour d’appel dĂ©boute la salariĂ©e qui se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation confirme la dĂ©cision d’appel, et considère que la salariĂ©e ne dĂ©montre pas que les heures de travail rĂ©alisĂ©es ont pour effet de dĂ©passer la durĂ©e annuelle de travail fixĂ©e Ă  1.600 heures par l’accord. Sa demande de requalification de son contrat Ă  temps partiel en un contrat Ă  temps complet est donc infondĂ©e.

Mode de preuve par l’employeur des heures supplémentaires

Cass.soc. 7 février 2024, n°22-15.842

 Ce qu’il faut retenir

L’absence de mise en place par l’employeur d’un système de mesure fiable de la durĂ©e de travail journalier effectuĂ©e par le travailleur ne le prive pas du droit de soumettre au dĂ©bat contradictoire tout Ă©lĂ©ment quant Ă  l’existence et au nombre d’heures de travail accomplies.

Le cas détaillé

Une salariée saisit la juridiction prud’homale pour solliciter, notamment, le paiement d’heures supplémentaires.

Au soutien de sa demande, elle produit les Ă©lĂ©ments suivants : un tableau rĂ©capitulatif des heures invoquĂ©es, un dĂ©compte hebdomadaire, un relevĂ©s d’heures journaliers, des tĂ©moignages.

L’employeur, de son côté, produit les bulletins de salaire de la salariée, un cahier de relevés d’heures journaliers, des témoignages.

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Au vu des documents produits par chacune des parties, les prud’hommes puis la Cour d’appel considèrent que la salariée n’a pas effectué les heures supplémentaires alléguées et la déboutent de sa demande.

La salariée se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrĂŞt d’appel et dĂ©boute la salariĂ©e. Elle rappelle que, selon la CJUE, les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible qui permette de mesurer la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ© par chaque travailleur. 

Elle retient nĂ©anmoins, que l’absence de mise en place par l’employeur d’un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au dĂ©bat contradictoire tout Ă©lĂ©ment de droit, de fait et de preuve, quant Ă  l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies. 

En l’espèce, après examen des éléments produits par chacune des deux parties, le juge a estimé que la salariée n’avait pas accompli d’heures supplémentaires.

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Statut de salariĂ© protĂ©gĂ© : Ă  quelle date s’apprĂ©cie t’il ? 

Cass.soc. 31 janvier 2024, n°22-18.618

Le cas détaillé

Un salarié se porte candidat aux fonctions de membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par courriel du 27 décembre 2016.

Par jugement du 2 juin 2017, le tribunal d’instance annule les élections des représentants du personnel au CHSCT.

Le salariĂ© envisageait de se porter candidat Ă  de nouvelles Ă©lections qui devaient ĂŞtre dĂ©cidĂ©es par le collège dĂ©signatif le 4 juillet 2017. 

Le 3 juillet 2017, le salarié est convoqué à un entretien préalable au licenciement qui se tient le 12 juillet 2017 et son licenciement pour faute grave lui est notifié par courrier du 18 juillet 2017.

Il saisit les Prud’hommes le 27 avril 2018 pour demander la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement nul pour violation de statut protecteur. 

La Cour d’appel accueille favorablement la demande du salarié, considérant que ce dernier faisait l’objet, à compter du 4 juillet 2017, d’une période de protection du fait de l’imminence de sa candidature à de nouvelles élections et qu’il fallait se placer au jour de l’entretien préalable pour apprécier la connaissance par l’employeur de la candidature du salarié, soit le 12 juillet 2017.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et considère que le statut de salarié protégé s’apprécie au jour de la convocation à l’entretien préalable.

En l’espèce, le salariĂ©, convoquĂ© Ă  son entretien prĂ©alable le 3 juillet 2017, ne bĂ©nĂ©ficiait pas Ă  cette date d’un statut protecteur. 

Par cette dĂ©cision, la Cour de cassation nuance sa jurisprudence relative Ă  la connaissance par l’employeur du caractère imminent de la candidature d’un salariĂ© Ă  des Ă©lections professionnelles. 

En effet, jusqu’à cet arrĂŞt, la Cour considĂ©rait que le caractère imminent de la candidature n’était pas subordonnĂ© Ă  la conclusion prĂ©alable d’un protocole d’accord prĂ©Ă©lectoral et que le salariĂ© bĂ©nĂ©ficiait du statut protecteur lorsque sa candidature avait Ă©tĂ© notifiĂ©e Ă  l’employeur avant la signature du protocole prĂ©Ă©lectoral (Cass.soc. 4 juillet 1990, n°87-44.840 ; Cass. soc 25 oct 2017, n°16-13.844).

Travail intérimaire

Cass.soc. 7 février 2024 n°22-20.258

Ce qu’il faut retenir

Le salariĂ© titulaire d’un CDI intĂ©rimaire peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant Ă  un CDI lorsque le recours Ă  l’intĂ©rim s’est fait en violation des cas de recours lĂ©gaux

Le cas détaillé

Une entreprise de travail temporaire conclut un contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e intĂ©rimaire (CDII) avec une salariĂ©e. ConformĂ©ment Ă  ce contrat, la salariĂ©e est successivement mise Ă  disposition de plusieurs sociĂ©tĂ©s. Ă€ l’Ă©gard de la première de ces sociĂ©tĂ©s, la salariĂ©e engage une action en justice devant la juridiction prud’homale afin de demander la requalification de ses missions intĂ©rimaires en contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e (CDI) et de contester son licenciement. Par la suite, elle est licenciĂ©e par l’entreprise de travail temporaire.

Les juges du fond, constatant que la société utilisatrice ne justifiait pas d’un motif de recours au travail temporaire à la date de la première mission de la salariée, donne raison à cette dernière.

En effet, le Code du travail prévoit que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié intérimaire en méconnaissance des cas de recours légaux et pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ce salarié peut faire valoir auprès de cette entreprise sa requalification en CDI prenant effet au premier jour de sa mission. Dès lors, le salarié peut dans ce cas faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un CDI. Ainsi, le fait que la salariée ait conclu un CDI intérimaire avec l’entreprise de travail temporaire ne la prive pas de la possibilité d’exercer une action en requalification en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice.

La Cour de cassation valide la décision d’appel et la requalification en CDI pour l’ensemble des missions d’intérim effectuées depuis la première mission irrégulière, même si le non-respect des règles de recours à l’intérim n’a été constaté que pour cette première mission d’intérim.

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