Actualités jurisprudentielles Septembre 2024

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Comme chaque rentrée, l'activité jurisprudentielle de la Chambre sociale de la Cour de cassation est dense. Nous vous invitons à découvrir sans tarder les dernières décisions de la Cour, dont une série de décision sur le droit à réparation automatique du salarié particulièrement intéressant.

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

Une rentrée jurisprudentielle chargée en ce mois de rentrée, avec une actualité riche, et en particulier une série de décisions dans lesquelles la Cour de cassation précise des cas où le salarié bénéficie d’un droit à réparation automatique de son préjudice.

Nous aborderons également deux autres jurisprudences intéressantes sur la charge de la preuve lorsque le salarié estime que l’employeur n’a pas été loyal dans ses propositions de reclassement d’une part, et sur les délais de prescription en matière de litige en droit du travail d’autre part.

Enfin, nous parlerons de télétravail et du droit à la déconnexion.

Tour d’horizon des arrêts choisis pour ce mois de septembre .

Droit à réparation automatique pour le salarié

Plusieurs arrêts rendus le 4 septembre 2024 ont permis à la Cour de cassation de préciser certains cas dans lesquels le salarié peut obtenir réparation automatique sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice, arrêts en rupture avec l’arrêt de cassation du 13 avril 2016 depuis lequel la Cour considérait qu’il appartient au salarié d’apporter la preuve de l’existence d’un préjudice pour être indemnisé.

1. Manquement de l’employeur à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité. 

Cass.soc. 4 septembre 2024, n°22-16.129

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Ce qu’il faut retenir

Le seul constat du manquement de l’employeur à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité, ouvre droit à réparation automatique pour la salariée.

Le cas détaillé

Une salariée démissionne après avoir bénéficié d’un congé de maternité puis d’un congé parental.

Elle saisit la juridiction prud’homale en violation par l’employeur de son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité et sollicite, à ce titre, le versement de dommages et intérêts.

La juridiction prud’homale ainsi que la Cour d’appel la déboutent de sa demande au motif qu’elle ne justifie d’aucun préjudice. 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Elle rappelle le droit de la salariée de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci et qu’il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement, ainsi que dans les six semaines qui suivent son accouchement.

La fourniture d’un travail par l’employeur durant le congé maternité d’une salariée constitue, sans qu’aucun préjudice n’ait à être prouvé, une atteinte au droit fondamental à congé maternité et ouvre, pour la salariée, un droit à réparation et pour l’employeur une condamnation automatique. 

De même, ouvre, pour le salarié, un droit automatique à réparation :

2. Le non respect par l’employeur du temps de pause quotidien

 Le cas détaillé

Cass.soc., 4 sept 2024, n°23-15-944

Un salarié qui travaille 6 heures doit bénéficier d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes. 

En l’espèce, l’employeur avait fait travailler le salarié 10h30 sans pause. 

La Cour a considéré que l’employeur avait manqué à son obligation de santé et de sécurité à l’égard du salarié et que le seul constat de ce non-respect du temps de pause quotidien cause nécessairement un préjudice et ouvre un droit automatique à réparation.

A lire également :

3. Le manquement de l’employeur à l’interdiction de faire travailler un salarié pendant son arrêt maladie 

Le cas détaillé

Cass.soc., 4 sept 2024, n°23-15-944

Le seul constat du manquement de l’employeur à l’interdiction de faire travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation automatique, sans que le salarié n’ait à démontrer l’existence d’un préjudice. 

4. Le manquement de l’employeur à ses obligations en matière de suivi médical

Le cas détaillé

Cass.soc 4 sept. 2024, n°22-23.648

En l’espèce, l’employeur avait omis de faire bénéficier d’une visite de reprise un salarié classé en invalidité de 2ème catégorie.

Dans ce cas, la Cour de cassation a considéré que le seul constat du manquement de l’employeur qui n’a pas organisé une visite de reprise en temps utile n’ouvre pas droit à réparation « automatique » et que le salarié doit démontrer l’existence d’un préjudice pour être indemnisé. 

Il s’agit là d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation

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Délais de prescription en matière de litige en droit du travail

Cass. soc. 4 septembre 2024, n° 22-22860 

Le cas détaillé

Une salariée est licenciée et saisit le Conseil de prudhomme 17 mois plus tard pour demander la nullité de son licenciement estimant avoir subi un harcèlement moral d’une part, et pour réclamer à son employeur le paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d’autre part. 

La suite après la publicité

La question qui se pose à la Cour porte sur le délai applicable pour demander la nullité du licenciement pour harcèlement d’une part, et pour agir en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé d’autre part. 

1. Action en nullité du licenciement pour harcèlement moral

L’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 5 ans lorsqu’elle est fondée sur le harcèlement moral. Cette prescription court à compter du dernier acte de harcèlement commis.

La salarié avait été déboutée de sa demande par les juges d’appel qui considéraient que le délai de 12 mois applicable à la rupture du contrat était prescrit tandis que la salariée estimait bénéficier du délai de droit commun de 5 ans.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel et donne raison à la salariée. 

2. Action en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

La salariée avait été embauchée dans des conditions de travail dissimulé, la déclaration à l’embauche n’ayant pas été effectuée. 

La Cour considère que l’action en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé concerne l’exécution du contrat, en l’espèce l’inexécution par l’employeur de ses obligations liées à l’embauche.  Le délai applicable est donc de 2 ans.

Rappel 

Le délai de droit commun est de 5 ans

Lorsque l’action du salarié porte sur l’exécution du contrat de travail, ce délai pour agir est de 2 ans.

Lorsqu’elle porte sur la rupture du contrat de travail, ce délai est de 12 mois à compter de la notification de la rupture. 

Inaptitude

Cass.soc. 4 septembre 2024, n°22-24.005 

Ce qu’il faut retenir

Lorsque l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite, c’est au salarié de démontrer que les propositions n’ont pas été faites loyalement

Le cas détaillé

Suite à un accident du travail, un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Dans le cadre de son obligation de reclassement, l’employeur lui propose 9 postes compatibles avec ses qualifications et capacités physiques. Le salarié les refuse toutes. L’employeur le licencie alors pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale au motif que l’employeur aurait manqué de loyauté dans ses offres car les propositions concernaient des postes éloignés de son domicile alors que, selon lui, d’autres postes étaient à pourvoir dans la région. 

La Cour d’appel donne raison au salarié : l’employeur, n’ayant pas apporté la preuve de l’absence de postes disponibles dans la région, il ne démontrait pas avoir respecté son obligation de reclassement dans des conditions suffisamment loyales et sérieuses.

L’employeur se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et donne raison à l’employeur. Elle rappelle, qu’en vertu de la loi El Khomri du 8 aout 2016, lorsqu’un employeur a proposé un emploi conforme aux conditions prévues aux articles L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail, il est réputé avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

La Cour précise que cette présomption ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi répondant aux caractéristiques requises

Dans ce cas, la charge de la preuve de l’absence de loyauté de la proposition de l’employeur pèse sur le salarié et il revient donc au salarié de démontrer que la proposition de reclassement n’a pas été faite loyalement.

Télétravail

CP Paris, section encadrement, 1er août 2024

Ce qu’il faut retenir

Le télétravail à l’étranger sans autorisation de l’employeur constitue une faute grave. 

Le cas détaillé

Une salariée télétravaillait au Canada sans autorisation préalable de son employeur. Elle avait dissimulé ce télétravail et n’avait pas repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure de cesser son télétravail depuis l’étranger. Estimant son licenciement injustifié, la salarié saisit le Conseil des Prud’hommes. 

Elle est déboutée de sa demande, les juges ayant considéré que la dissimulation persistante de son télétravail constituait une violation grave des obligations découlant de son contrat rendant impossible son maintien au sein de l’entreprise y compris durant la période de préavis. 

Pour rappel, le télétravail suppose toujours un accord de l’employeur et du salarié qui peut être mis en place par accord collectif, après avis du CSE ou, à défaut d’accord collectif, par une charte élaborée par l’employeur, après avis du CSE, ou, à défaut, par un accord entre l’employeur et le salarié, formalisé par avenant au contrat de travail.   

Respect du droit à la déconnexion

CA Paris, 3 juillet 2024, n°22/00145

Ce qu’il faut retenir

En l’absence d’accord collectif ou de charte sur le droit à la déconnexion, l’employeur s’expose au paiement de dommages et intérêts. 

Le cas détaillé

Un employeur ne justifiait pas de l’existence d’un accord collectif ou d’une charte garantissant à ses salariés le droit à la déconnexion. Par ailleurs, le directeur commercial imposait aux commerciaux d’être présents sur un groupe WhatsApp sur lequel il leur adressait des messages à des heures tardives parfois, ou encore le week-end. 

Saisie par une salariée, la Cour d’appel a établi le non-respect par l’entreprise du droit à déconnexion des salariés et l’a condamnée au paiement de dommages et intérêts. 

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