Le droit à la déconnexion : règles, obligations, pénalités, deadline

Le droit à la déconnexion : règles, obligations, pénalités, deadline
Pauline Dautresme

Depuis plusieurs années le numérique occupe une place importante dans les pratiques professionnelles.

Que ce soit pour l’organisation, l’information, le suivis d’un projet, les salariés restent bien souvent connectés après leurs heures de travail, le weekend et durant leurs congés.

La frontière entre la vie professionnelle et la vie privée tend à disparaitre petit à petit. C’est pourquoi, la loi du Travail a mis en vigueur le droit à la déconnexion en janvier 2017.

Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ?

Définition du droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion a pour but de conserver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée d’un salarié.

Elle est inscrite dans une démarche de prévention pour inciter les salariés à se déconnecter des outils numériques professionnels en dehors de leurs heures de travail.

Ce respect des temps de repos des salariés est important afin de réduire les effets néfastes d’une « hyper-connexion » (fatigue, stress, burn-out…).

Le droit à la déconnexion pousse à :

  • Respecter les temps de repos et congés,
  • Instaurer une protection de la vie personnelle et familiale,
  • Instaurer une protection de la santé des salariés.

Petit rappel : Les salariés ont le droit à un temps de repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives. S’ajoute à cela un temps de repos quotidien de 11 heures minimum soit une durée totale de 35 heures hebdomadaire.

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Que dit le code du travail ?

Depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion oblige les entreprises à mettre en place un accord d’entreprise sur la gestion de la disponibilité des salariés en dehors des horaires de travail.

  • L’article L 2242-8, 7° du code du travail stipule ainsi que :

« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.

À défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ».

La loi Travail ne donne pas une définition claire et précise, ni de directive concernant les modalités du droit à la déconnexion.

Ce sont aux entreprises elles même de définir les modalités du droit à la déconnexion. Pour cela, elles sont tenues de rédiger une charte.

Quelles sont les obligations ?

Depuis la mise en place du droit à la déconnexion, les entreprises doivent trouver un accord sur les modalités pour constituer un cadre autour de ce droit.

C’est lors de la réunion annuelle obligatoire que l’accord doit être discuté, négocié et fixé.

Si aucun accord n’est établi entre les salariés et l’employeur lors de cette réunion, l’employeur doit mettre en place une charte qui définit les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion.

L’employeur, à travers cette charte, s’engage à respecter les temps de repos alloués aux salariés. Mais son rôle ne s’arrête pas là, il se doit de montrer l’exemple et d’inciter ses salariés à se déconnecter en dehors de leurs heures de travail.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés

Les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation d’aborder le sujet du droit à la déconnexion lors des Négociations annuelles obligatoires (NAO).

Lors de cette réunion, si aucun accord n’est convenu entre l’employeur et les représentants syndicaux, l’entreprise doit concevoir une charte.

Mais l’employeur doit aussi mettre en place des actions de sensibilisation pour les salariés ainsi que des outils pour favoriser et appliquer le droit à la déconnexion.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés

Les entreprises de moins de 50 salariés n’ont pas d’obligation de mettre en place des négociations pour le droit à la déconnexion.

En revanche, il est fortement conseillé aux entreprises d’appliquer ce droit de la même manière qu’une entreprise plus conséquente.

Ils peuvent négocier les accords et rédiger une charte pour valoriser l’engagement envers le droit à la déconnexion des salariés.

Que doit contenir la charte ?

Une charte définit les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion. Elle s’applique pour les salariés, les encadrants et la direction.

Elle doit stipuler les actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques qui devront être mis en place.

La charte est rédigée si aucun accord n’est trouvé lors de la réunion de négociation annuelle obligatoire (NAO) entre l’employeur et le comité social et économique (CSE).

Les mentions légales qui la constituent sont :

  • Le renvoi aux références légales du droit à la déconnexion
  • Les objectifs du droit à la déconnexion
  • Comment l’employeur contribue à ce respect du droit
  • La mise en œuvre d’actions / formations / sensibilisation à l’usage raisonnable des outils numérique professionnel.

Une fois rédigée, elle est annexée au règlement intérieur.

Comment mettre en pratique le droit à la déconnexion ?

Nous pouvons observer que le droit à la déconnexion est une mesure difficilement applicable dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, pour plusieurs raisons.

  • Utilisation quotidienne des outils numériques (téléphone, sms, email) => difficulté à ignorer les informations concernant le travail.
  • L’engagement auprès de l’entreprise incite les salariés, notamment les cadres à se montrer présents alors qu’ils sont en congés.
  • Culture du présentéisme forte en France au sein des entreprises : être réactif dans l’immédiat.

Cependant, voici quelques exemples de mise en pratique du droit à la déconnexion.

Exemples de mise en pratique

Chaque entreprise a la liberté de trouver des outils ou des fonctionnements qui favoriseront la bonne pratique du droit à la déconnexion des salariés.

Nous allons vous donner quelques exemples afin d’illustrer les possibilités de mise en pratique.

Le blocage des e-mails en dehors des horaires de travail

Des entreprises ont, par exemple, mis en place des systèmes informatiques qui bloquent l’accès aux mails professionnels en dehors des horaires de travail.

Ils vont directement agir sur le serveur interne.

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Cette possibilité n’est pas applicable dans toutes les entreprises, notamment celles qui interagissent à l’internationale et sont contraintes du décalage horaire.

L’information du salarié sur son poste de travail

D’autres ont mis en place un système de pop-up qui rappellent aux salariés le droit à la déconnexion lorsqu’ils se connectent en dehors des heures de travail.

Cette pratique informe le salarié de ses droits sans le contraindre. Il est libre de poursuivre ses actions ou non.

Les rappels quotidiens via la signature e-mail

Certaines ont ajouté des messages « déculpabilisants » à la fin d’un mail en stipulant qu’une réponse n’était pas attendue dans l’immédiat.

Ce type de message permet au salarié de se tranquilliser et de répondre durant ses temps en entreprise.

Et pour terminer, des employeurs ont mis des supports à disposition des salariés afin qu’ils renseignent les créneaux horaires où ils sont joignables et injoignables.

Ce fonctionnement permet d’instaurer une réelle frontière entre la vie professionnelle et vie privée.

Quel est l’impact du droit à la déconnexion pour l’entreprise ?

Quel est l’impact pour le management ?

Nous nous trouvons dans une société où la pression du résultat et la productivité sont misent en lumière.

Le droit à la déconnexion vient ralentir cette dynamique en souhaitant instaurer un équilibre entre cette qualité de résultat et ce temps de repos nécessaire.

L’enjeu au niveau du management est donc de réussir à créer une dynamique où le salarié se sentira libre de se couper du monde professionnel tout en étant performant.

De ce fait,  il est important de souligner que le manager ou le responsable a un rôle important dans cette démarche.

En effet, l’exemplarité est primordiale. Un dirigeant se doit d’encourager ses salariés à respecter ce droit à la déconnexion en appliquant lui-même les modalités qui le compose.

Quelles sont les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas la loi ?

Une entreprise a l’obligation d’engager des négociations lors de la réunion annuelle obligatoire.

Si l’entreprise ne respecte pas cette obligation, elle sera sanctionnée. L’employeur encourt un an d’emprisonnement ainsi que 3 750€ d’amende.

En revanche, aucune sanction n’est prévue par le code du travail en cas d’absence de charte liée au droit à la déconnexion des salariés au sein de l’entreprise.

Toutefois, la loi interdit les licenciements pour faute, si un salarié n’a pas répondu aux sollicitations professionnelles en dehors de ses heures de travail.

De plus, depuis juillet 2018, la cour de cassation oblige les employeurs à verser des indemnités d’astreinte aux salariés dès lors qu’on leur demande de rester en permanence disponibles, joignables pour répondre aux urgences éventuelles.

Quels sont les recours disponibles pour les salariés si l’entreprise ne respecte pas la loi ?

Un salarié se trouvant contraint de mener des actions professionnelles en dehors de ses heures de travail est en droit de saisir le conseil des Prud’hommes pour non-respect au droit à la déconnexion.

De ce fait, l’employeur a tout intérêt à respecter le droit à la déconnexion, à prévoir des actions de prévention en amont et être vigilant face à d’éventuelles situations à risque.

Si un salarié décide de saisir la justice pour une affaire de non-respect du droit de déconnexion, il est fortement conseillé au salarié de prendre contact avec un avocat du conseil des prud’hommes.

En effet, un avocat sera dans la capacité d’accompagner et d’assister au mieux le salarié face aux démarches.

Quelques cas particuliers

Le droit à la déconnexion dans la fonction publique

Les aménagements relatifs au droit à la déconnexion contenues dans la loi Travail concernent les salariés du secteur privé.

Cependant, certaines collectivités de la fonction publique ont instauré des modalités de droit à la déconnexion. 

Le droit à la déconnexion ne relève pas d’un caractère obligatoire pour les employeurs de la fonction publique mais de plus en plus de collectivités territoriales et d’administrations agissent face au sujet du droit à la déconnexion.

En effet, elles mettent en place des règles de bonnes pratiques par l’intermédiaire de chartes, de notes de service et instaurent des actions de sensibilisation sur le droit à la déconnexion.

De plus, le Ministère de la Fonction Publique envisage de mettre en place une ordonnance en faveur du droit à la déconnexion des agents dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté.

Il est aussi conseillé aux organismes de formations d’initier les agents de la fonction publiques aux règles et aux modalités qui constituent le droit à la déconnexion.

Ainsi, chacun sera informé sur le sujet et pourra adopter au mieux un comportement adéquat face aux risques que représente la connexion abusive.  

Le personnel d’astreinte

L’astreinte est la période pendant laquelle un salarié doit être joignable par son employeur et doit être en capacité d’intervenir si nécessaire. Un salarié en astreinte ne se trouve pas sur son lieu de travail.  

Les temps d’astreinte doivent être fixés en amont par l’employeur, et le salarié doit en avoir connaissance.

De plus, les temps d’astreinte doivent respecter un délai raisonnable qui est défini dans un accord ou une ordonnance d’entreprise.

En dehors de l’astreinte, l’employeur doit respecter le droit à la déconnexion. Un salarié d’astreinte doit bénéficier d’une compensation financière ou de repos.

Les cadres en forfait jour

Les cadres en forfait jour ont un fonctionnement différent. La durée de leur travail n’est pas comptabilisée en heures mais est comptabilisé en nombre de jours dans l’année.

Ce nombre de jours de travail dans l’année est fixé à 218 jours au maximum. Donc, le salarié n’est pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail. Le cadre bénéficie d’un certain de nombre de jours de repos, prévus à l’avance.

La loi Travail a mis en place plusieurs dispositifs pour les cadres en forfait jour afin de mieux protéger leur santé et leur sécurité.

Pour cela, l’employeur doit s’assurer que la charge de travail du cadre est raisonnable, ainsi que le temps qu’il y consacre.

De plus, il doit s’assurer aussi que le cadre exerce bien son droit à la déconnexion.

Malgré son autonomie par rapport à la gestion de son emploi du temps, le cadre en forfait jour bénéficie d’un repos d’au moins 11 heures consécutives entre deux journées de travail.

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Pauline Dautresme