Les occasions de consommer de l’alcool en milieu professionnel ne manquent pas : pots de départ, célébrations internes, repas d’affaires ou encore événements informels entre collègues.
Bien que ces moments soient souvent vécus comme conviviaux, ils ne sont pas sans risque, notamment lorsque la consommation devient excessive ou régulière.
L’alcool au travail soulève de nombreuses questions juridiques, humaines et organisationnelles. Tout employeur peut, un jour ou l’autre, être confronté à un salarié en état d’ébriété, avec à la clé des enjeux de sécurité, de responsabilité légale, mais aussi de cohésion au sein des équipes.
Dans ce contexte, il devient essentiel de savoir comment réagir avec justesse et discernement, sans négliger ni les obligations légales, ni la dimension humaine.
Alors, l’alcool est-il autorisé dans l’entreprise ? Quels sont les droits et devoirs de l’employeur face à un salarié ivre ? Peut-on procéder à un contrôle d’alcoolémie ? Quelles sanctions sont possibles ? Et surtout, que risque l’employeur en cas de manquement à ses obligations de sécurité ?
Autant de questions auxquelles nous répondons dans cet article, à travers un décryptage clair et pratique des règles en vigueur.
Alcool au travail, que dit la loi ?

Est-il autorisé de consommer de l’alcool dans l’entreprise ?
Non, d’après le Code du Travail, art. R 4228-20, « Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail »
Cependant, l’employeur peut autoriser, au restaurant d’entreprise ou lors d’occasions particulières (pot de départ, fête de fin d’année,…) uniquement la consommation des alcools suivants : vin, bière, cidre et poiré.
Aucun autre alcool ne peut être autorisé.
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de consommation d’alcool dans l’entreprise ?
- Une consommation d’alcool au travail restreinte.
- Des pots pas trop arrosés.
Donc si la pratique des « pots » dans l’entreprise n’est pas interdite, l’employeur doit veiller à ce que les salariés qui y participent n’y consomment que les boissons autorisées.
L’employeur peut-il limiter ou interdire l’alcool au travail ?
Oui à condition que :
- D’une part, ce soit prévu par le Règlement intérieur (obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés) ou à défaut par une note de service.
- D’autre part, ces mesures de limitation ou d’interdiction soient justifiées par des raisons de sécurité : quand la consommation de boissons alcoolisées risque de porter atteinte à la sécurité et à la santé physique et mentale des travailleurs. Elles doivent avoir pour objectif de limiter les risques d’accident et être proportionnées au but de sécurité cherché : les postes à risques peuvent notamment être concernés : manipulation de produits dangereux, conduite d’engins de chantier et de camions, travail en hauteur….
Si le chef d’entreprise considère que la sécurité de son entreprise en dépend, il a tout intérêt à limiter ou interdire purement et simplement toute introduction et consommation d’alcool dans l’entreprise, sur le temps de travail et même éventuellement hors du temps de travail.
En effet, sa responsabilité peut être engagée en cas d’accident causé par un salarié ivre.
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L’employeur peut-il accepter la présence d’un salarié ivre au sein de l’entreprise ?
Non, selon le Code du travail, et en tant que garant de l’hygiène et de la sécurité, il est interdit à l’employeur, de laisser entrer ou séjourner sur le lieu de travail un salarié en état d’ivresse, Art.R 4228-21.
Que faire en présence d’un salarié ivre au sein de l’entreprise ?

Quelles sont les premières mesures à prendre ?
L’état d’ébriété d’un salarié constaté sur le lieu de travail constitue une situation d’urgence qui nécessite des actions rapides.
Si cet état est constaté par un collègue de travail, celui-ci doit immédiatement éloigner la personne de son poste de travail, en informer le supérieur hiérarchique de ce salarié et, si nécessaire, appeler les secours.
Si cet état d’ébriété est constaté par le supérieur hiérarchique ou l’employeur, ce dernier doit prendre, le plus rapidement possible, un certain nombre de mesures :
- Faire cesser la personne de travailler, l’isoler et l’éloigner de tout risque (chantier, machine…).
- Utiliser éventuellement l’alcootest dans les conditions prévues dans le règlement intérieur.
- Si la personne est en état de le faire, avoir un entretien avec elle.
- Informer le médecin du travail, lui demander un avis médical et décider avec lui des mesures à prendre (arrêt de travail, hospitalisation ou retour au domicile accompagné).
- Appeler le SAMU si nécessaire ou la police si la personne est violente.
- Rédiger un constat.
- Dès la reprise du travail, prévoir un entretien de la personne avec l’autorité hiérarchique pour rappeler les faits.
Le chef d’entreprise ou son représentant peut-il procéder à un contrôle d’alcoolémie ?
Oui sous conditions (article R. 4228-21 du Code du Travail)
En cas d’ébriété d’un salarié, le chef d’entreprise ou son représentant peut confirmer l’origine alcoolique en pratiquant un dépistage par alcootest ou éthylotest à condition que :
- Le recours à l’éthylotest soit prévu par le règlement intérieur (ou à défaut par une note de service) de manière précise : les salariés susceptibles d’être soumis à un éthylotest et les modalités de réalisation de l’éthylotest (personnes habilitées, présence d’un tiers, contre-expertise) .
- La sécurité ou la mission du ou des salariés l’exige : salariés qui manipulent des produits dangereux, utilisent des machines ou conduisent des engins ou des véhicules.
- Le recours à l’éthylotest soit motivé par le fait de prévenir ou faire cesser une situation dangereuse.
Si l’employeur soupçonne un salarié de détenir de l’alcool, il peut autoriser, pour des raisons de sécurité collective et en présence du salarié, la fouille des armoires individuelles, dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur.
- Le chef d’entreprise ne peut pas obliger les salariés à se soumettre à des examens sanguins.
- Il n’est pas non plus autorisé à organiser une procédure de contrôle systématique ou généralisée, sous peine de porter une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des salariés.
Précision
Tout test de dépistage alcoolémique doit être pratiqué par un responsable hiérarchique ou un agent habilité par la direction, à l’aide d’ un éthylotest et la présence d’un tiers est souhaitable.
En cas de refus du salarié de se soumettre à un éthylotest alors qu’il est prévu par le règlement intérieur et que la sécurité des salariés le justifie, la sanction peut aller jusqu’au licenciement.
Attention
Si le règlement intérieur (ou une note de service) n’a pas prévu les modalités de la vérification de l’état d’ébriété des salariés par ethylotest, le contrôle sera illicite.
Conseil
Lorsqu’un employeur remet en question l’état d’un salarié, il doit être en mesure d’en apporter la preuve. C’est pourquoi il est vivement recommandé d’intégrer au règlement intérieur une clause autorisant les contrôles par éthylotest (ou alcootest) en cas de comportement suspect.
Afin de limiter les contestations, il est préférable qu’un tiers assiste à la réalisation du test. Le salarié doit également avoir la possibilité de demander une contre-expertise.
À l’issue du contrôle, l’employeur doit établir une fiche de constat. Ce document sera transmis au médecin du travail ainsi qu’au service des ressources humaines, et une copie devra être remise au salarié concerné.
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Un salarié ayant un comportement douteux ou un contrôle d’alcoolémie positif peut-il continuer à travailler ?
Non, aux termes de l’article R. 4228-21 du Code du travail, il est interdit au chef d’entreprise de laisser entrer ou séjourner sur le lieu de travail une personne en état d’ébriété.
Par conséquent, tout salarié dont le contrôle à l’éthylotest est positif ou qui a un comportement douteux doit cesser immédiatement de travailler.
De même, l’accès à l’entreprise peut être refusé à tout collaborateur en état d’ébriété manifeste.
Attention
Il ne faut jamais laisser un employé en état d’ivresse rentrer seul à son domicile. Le salarié doit être raccompagné chez lui.
Précision
L’employeur a pour obligation légale de préserver la santé et d’assurer la sécurité de ses salariés. Sa responsabilité peut donc être mise en cause en cas d’accident impliquant un employé sous emprise alcoolique : blessure avec une machine ou accident de la route ou chute de grande hauteur sur un chantier….
Quelles sanctions pour le salarié en état d’ébriété ?

L’employeur peut-il mettre à pied son salarié à titre conservatoire ?
S’il existe déjà dans l’entreprise un règlement intérieur ou une note interdisant l’alcool sur les lieux de travail, le chef d’entreprise doit constater immédiatement le non-respect de cette interdiction et prononcer une mise à pied conservatoire, c’est-à-dire demander au salarié de quitter l’entreprise dans l’attente d’une sanction disciplinaire, voire d’un éventuel licenciement.
Puis il la fait raccompagner chez elle. Par la suite, il lui enverra une lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction ou un licenciement, en y précisant la date de mise à pied.
En l’absence d’un règlement intérieur
S’il n’existe aucune formalisation de l’interdiction de l’alcool dans l’entreprise, la mise à pied pourra également être justifiée par l’incapacité du salarié à effectuer son travail.
Cependant, pour justifier d’autres sanctions plus sévères, d’autres éléments plus probants devront être apportés tels que des antécédents disciplinaires… Attention : Toujours veiller à ce que la personne rentre chez elle dans de bonnes conditions c’est-à-dire raccompagnée.
Un salarié en état d’ébriété sur son lieu de travail peut-il être sanctionné ?
Oui, le salarié ivre sur son lieu de travail peut, et même doit, être sanctionné par l’employeur pour les raisons suivantes:
- L’employeur peut voir sa responsabilité engagée à la suite d’un accident causé par le salarié ivre qui porte préjudice à lui-même ou à un tiers.
- L’employeur qui tolère une telle situation pendant plusieurs années pourra difficilement invoquer soudainement une faute grave.
Quelles sont les conditions préalables à une sanction ?
- Il faut prouver l’ébriété.
Un test d’alcoolémie positif est une base valable à une sanction disciplinaire. Si l’employeur ne dispose pas d’un test positif, il a tout intérêt à recueillir suffisamment de preuves pour pouvoir prouver l’état d’ébriété du salarié :
Exemple : des témoignages dans le cas où l’ébriété du salarié est manifeste (ex :marche titubante), il peut demander aux personnes ayant été à son contact des témoignages attestant de cet état.
Le cas échéant, il peut demander aux services de police ou de gendarmerie de venir constater le niveau d’alcoolémie du salarié.
- Adapter la sanction à la situation
La sanction doit être proportionnée à la faute.
Il convient donc d’adapter la sanction en fonction des antécédents et de l’ancienneté du salarié ainsi que des éléments qui auront été recueillis lors de l’entretien avec lui.
Le salarié peut faire l’objet d’une sanction telle qu’un avertissement, un blâme, une mise à pied ou une rétrogradation.
L’ivresse du salarié peut t’elle être une cause de licenciement ?
Oui, l’ivresse du salarié ou la consommation d’alcool pendant le temps de travail peuvent constituer des motifs légitimes de licenciement, mais seulement si les conséquences ont été particulièrement dommageables à la sécurité ou à l’image de marque de l’entreprise : injures et hurlements sur le lieu de travail devant des clients ou des fournisseurs, manœuvres dangereuses avec des engins de chantier ayant occasionnés des dégâts, ….
Par ailleurs, l’état d’ébriété du salarié est en soi une faute grave qui pourrait entraîner un licenciement. Par exemple, un contremaître ayant consommé de l’alcool sur le lieu de travail et pendant le travail, en violation du règlement intérieur et alors qu’il se devait de donner l’exemple.
Que risque l’employeur en cas de non-respect de sécurité liée à l’alcool ?

Un employeur qui ne respecte pas l’interdiction d’introduire dans l’entreprise des boissons alcoolisées autres que le vin, la bière, le cidre ou le poiré, ou qui tolère la présence d’un salarié en état d’ivresse sur le lieu de travail, s’expose à une amende importante.
En cas de récidive, la sanction s’alourdit : l’employeur risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 10 000 € d’amende, multipliés par le nombre de salariés concernés par l’infraction.
Sa responsabilité civile peut également être engagée pour manquement à son obligation de sécurité. Ainsi, s’il survient un accident impliquant un salarié ivre, par exemple à l’issue d’un pot, et que celui-ci subit ou cause un préjudice, l’employeur pourra être tenu de verser des dommages et intérêts à la ou aux victimes.
Enfin, dans les cas les plus graves, l’employeur peut faire l’objet de poursuites pénales pour non-assistance à personne en danger, voire pour homicide involontaire.
Il encourt alors une lourde amende, ainsi qu’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.