La cause réelle et sérieuse de licenciement : comment la justifier ?

La cause réelle et sérieuse de licenciement : comment la justifier ?
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Qu’est-ce qu’une cause réelle et sérieuse de licenciement ? Qu’est-ce qui la motive ? On vous dit tout !

Le licenciement est la possibilité pour l’employeur de rompre unilatéralement  le contrat de travail à durée indéterminée de son salarié. Cependant, cette rupture du contrat de travail ne peut pas être décidée par l’employeur, selon ses convenances personnelles ou de son bon vouloir. En effet, pour être légitime et valide, il est nécessaire que l’employeur justifie son licenciement par une cause réelle et sérieuse.

Qu’est-ce qu’une cause réelle et sérieuse ?

Le Code du travail ne donne pas de définition de la cause réelle et sérieuse dont la signification a été dégagée par la jurisprudence.

La cause réelle et sérieuse peut être définie comme la preuve tangible que doit apporter l’employeur pour justifier et légitimer sa décision de licencier un salarié. Elle est la condition de fond que tout licenciement doit respecter. 

Le licenciement sans cause réelle et sérieuse est injustifié et entraîne des sanctions pour l’employeur. 

Pour être valide et justifiée, la cause doit présenter un certain nombre de caractéristiques essentielles que nous étudierons dans un première temps. Puis nous passerons en revue les motifs justifiant une cause réelle et sérieuse de licenciement et par voie de conséquence, justifiant le licenciement lui-même.  

Les conditions de validité de la cause réelle et sérieuse de licenciement

Il n’existe pas de définition légale de la cause réelle et sérieuse.

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C’est la jurisprudence qui a consacré et construit cette  notion en dégageant certains critères de validité. 

Les caractéristiques d’une cause réelle et sérieuse valide

La cause du licenciement doit être licite

Un licenciement doit être fondé sur une cause licite. Cette cause ne peut donc pas aller à l’encontre de libertés publiques ou privées garanties par la Constitution ou la loi, ou encore violer la réglementation du travail en vigueur. 

Par exemple, l’exercice du droit de grève, droit fondamental reconnu par la Constitution, ne peut pas justifier à lui seul la rupture du contrat de travail d’un salarié. Un licenciement pour cause de grève serait donc illicite.

La cause du licenciement doit être réelle

La réalité de la cause du licenciement ne peut être établie que si elle est existante, exacte et objective.

Une cause existante

L’employeur est tenu de fonder le licenciement sur des faits existants dont la matérialité est établie. La cause doit être concrète et vérifiable. Une cause inexistante rend le licenciement automatiquement nul et sans effet. 

Une cause exacte

Il peut arriver qu’un employeur dissimule ses vraies raisons derrière un motif de façade. Le motif invoqué dans la lettre de licenciement doit être le motif exact de licenciement. 

L’exigence d’une cause exacte permet au juge de remplir son obligation de vérification et de recherche du véritable motif de licenciement lorsqu’il est différent de celui allégué par l’employeur.

Une cause objective

Les faits invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement doivent être extérieurs, précis et objectifs, ce qui exclut les préjugés, les convenances personnelles de l’employeur ou les sentiments qu’il peut éprouver à l’égard du salarié. Autrement dit, l’exigence d’objectivité implique la production d’éléments matériellement vérifiables. Il faut des faits et non des impressions.

C’est la raison pour laquelle la perte de confiance envers le salarié ne constitue pas une cause réelle de licenciement tout simplement parce qu’elle ne présente pas l’objectivité nécessaire. 

La cause du licenciement doit être sérieuse

Le licenciement a une cause sérieuse si les faits sur lesquels il se fonde revêtent un caractère de gravité suffisant pour que la poursuite de l’exécution du contrat de travail se révèle préjudiciable à l’entreprise voire impossible.

Par ailleurs, la cause doit résulter de faits graves, fautifs ou non, qui doivent s’être déroulé non seulement sur le lieu de travail, mais également durant les horaires de travail. 

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Contrôle de la réalité de la cause par les juges du fond

En cas de litige relatif à la qualification ou à la validité d’un licenciement, le caractère réel et sérieux du licenciement est évalué par le juge.

En effet, aux termes de l’article L.1235-1 du Code du travail, le juge est le seul à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement. Aucune clause du contrat de travail ou d’une convention collective ne peut se substituer au juge et décider valablement qu’une circonstance quelconque constituera une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La date d’appréciation de la cause réelle et sérieuse se situe à la date de rupture du contrat de travail, c’est à dire au jour où l’employeur envoie la lettre recommandée notifiant le licenciement ou la remet en mains propres au salarié contre décharge.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Il ordonne, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.  

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des deux parties.

Mais dans le cas où un doute subsiste sur la réalité et le sérieux de la cause du licenciement, il profite au salarié et le juge devra se prononcer en sa faveur.

L’absence de cause réelle et sérieuse équivaut à un licenciement injustifié.

Quand le licenciement du salarié est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une des deux parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié, qui sera différente selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise.

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Les différents motifs de licenciement pouvant justifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse valide

Il faut distinguer deux types de licenciement :

  • Le licenciement pour motif personnel lorsque la cause réelle et sérieuse est inhérente à la personne du salarié. 
  • Ou le licenciement pour motif économique  qui repose sur des circonstances extérieures de nature économique.

Le licenciement pour motif personnel

Ce licenciement, régi par l’article L.1232-1 du Code du travail, suppose que la cause réelle et sérieuse soit justifiée par un motif lié à la personne du salarié, à son comportement ou à ses agissements. 

On distingue deux types de licenciement pour motif personnel : le licenciement disciplinaire et le licenciement non disciplinaire. 

Le licenciement disciplinaire 

Dans ce licenciement, la cause réelle et sérieuse repose sur une faute du salarié. Cette faute peut motiver le licenciement en fonction de la gravité de la faute.  

Il existe trois types de fautes pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement disciplinaire et le justifier:

La faute simple : 

il peut s’agir d’une négligence, d’une erreur ou d’un refus d’exécuter une tâche. Cette faute doit être vérifiable et suffisamment grave. Le salarié bénéficie alors d’un préavis, d’indemnités de licenciement et de congés payés.

La faute grave

Peuvent être considérés comme des fautes graves des faits de vol, de harcèlement ou d’absences injustifiées provoquant des troubles sérieux ou des pertes pour l’entreprise et rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le collaborateur ne perçoit alors que l’indemnité compensatrice de congés payés et doit quitter l’entreprise sans préavis.

La faute lourde

La faute lourde a toutes les caractéristiques de la faute grave, avec en plus, la manifestation d’une intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, telles que violence, dégradation du matériel, séquestration d’un supérieur ….. Le salarié quitte alors l’entreprise immédiatement sans aucune indemnité.

Le licenciement non disciplinaire

Un licenciement non disciplinaire repose sur l’absence de faute du salarié. Les motifs suivants constituent des causes réelles et sérieuses acceptées et peuvent le justifier :

L’insuffisance professionnelle 

Le salarié ne parvient pas à remplir correctement ses fonctions (erreurs à répétition…).

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement à condition qu’elle repose sur des éléments objectifs, vérifiables et sérieux et que cette insuffisance soit telle qu’elle rende impossible le maintien du contrat de travail du salarié. 

L’insuffisance de résultats

Les résultats non atteints par le salarié doivent être pourtant réalisables et raisonnables. L’insuffisance de résultats doit être imputable au salarié (insuffisance de résultats, faute…) et non à des difficultés économiques de l’entreprise. 

Par exemple, a été jugé cause réelle et sérieuse de licenciement, le non remplissage par le salarié des objectifs commerciaux fixés par l’employeur, alors que ces objectifs étaient réalistes, compatibles avec le marché (le secteur d’activité de l’entreprise) et que le salarié avait reçu les moyens de les atteindre. À l’inverse le licenciement a une cause non réelle et non sérieuse lorsqu’il s’appuie sur les résultats médiocres d’un salarié alors que cette médiocrité s’est manifestée dans les résultats d’autres salariés remplissant les mêmes fonctions.

L’inaptitude

D’origine professionnelle ou non, l’inaptitude peut être considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement quand elle a été prononcée par le médecin du travail et que l’employeur a épuisé toutes les possibilités de reclassement du salarié au sein de l’entreprise.  

Les absences répétées et prolongées

Les absences répétées non justifiées peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Les absences répétées et justifiées peuvent également être considérées comme une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque ces absences sont de nature à perturber le fonctionnement global de l’entreprise et qu’il n’y a pas d’autres alternatives que le remplacement du salarié. 

La modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié

En cas de refus d’une modification du contrat de travail, le salarié s’expose à un licenciement pour cause réelle et sérieuse, si l’employeur refuse de renoncer à modifier le contrat.

Le licenciement pour motif économique

Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, la cause réelle et sérieuse repose sur une considération d’ordre économique, sans rapport avec le comportement ou les aptitudes professionnelles du salarié.

En vertu des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du Code du travail, il doit respecter les critères suivants :

  • Reposer sur un motif qui n’est pas inhérent au salarié.
  • Résulter d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification ou d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié.
  • Cette modification, suppression ou transformation doit, elle-même, être liée à une réorganisation, une mutation technologique ou à des difficultés économiques et financières de l’entreprise.
  • Le reclassement du salarié dans l’entreprise ou les autres filiales du groupe doit être impossible.

Comme tout licenciement, le licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Peuvent constituer des causes réelles et sérieuses de licenciement économiques, les circonstances suivantes : 

  • Les difficultés économiques.

Précisées par l’article L. 1233-3 du Code du travail, les difficultés économiques sont caractérisées par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation…. Et ce, pendant une durée déterminée précisée dans l’article L. 1233-3 du Code du travail.

  • Les mutations technologiques.

Elles sont constituées par l’acquisition de nouveaux outils entraînant de nouvelles méthodes de travail. Le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque l’employeur a établi un plan d’adaptation au bénéfice des salariés, que tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié n’a pas pu s’effectuer. 

  • La réorganisation de l’entreprise.

Elle doit être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. 

  • La cessation d’activité.
  • La suppression d’emploi.
  • La transformation d’emploi.

Il s’agit d’une modification de la nature de l’emploi : tâches nouvelles, informatisation… qui entraîne une modification du contrat de travail.

  • La modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Ces éléments essentiels du contrat de travail sont la qualification, la rémunération et la durée du travail. Leur refus par le salarié peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement économique.

Les motifs de licenciement rejetés 

Sont rejetés par la jurisprudence, car ne constituent pas des causes réelles et sérieuses de licenciement, les motifs  suivants :

  • La perte de confiance d’un employeur envers son collaborateur. Toutefois, les éléments ayant entrainé cette perte de confiance peuvent constituer la cause de licenciement.
  • Les divergences, mésententes et incompatibilités d’humeur : prises isolément, elles ne sont pas des motifs légitimes de licenciement à moins de pouvoir démontrer par des faits objectifs que celles-ci perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et que les faits lui sont imputables et vérifiables.
  • Les motifs discriminatoires liés à l’âge, au sexe, à l’origine, à l’orientation sexuelle, à l’exercice du droit de grève, à la situation familiale… sont interdits.
  • Les motifs liés à un harcèlement subi ou dénoncé sont également interdits ainsi que la dénonciation par le salarié d’une infraction ou de faits de corruption dans l’entreprise.

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.