Licenciement d’un membre du CSE : Que faire ? Quelle procédure ?

Licenciement d’un membre du CSE : Que faire ? Quelle procédure ?
Alexandra Congré

Lorsqu’un salarié est représentant du personnel il bénéficie d’une protection qui a notamment pour effet de limiter l’employeur dans son pouvoir disciplinaire. En effet, dans le cadre d’un licenciement par exemple, ce dernier devra suivre une procédure stricte, appelée procédure spéciale de licenciement, dans laquelle il devra demander l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Dans le présent article, nous allons justement nous intéresser au licenciement d’un membre du CSE en évoquant dans un premier temps la procédure à suivre pour ensuite nous diriger vers des exemples de motifs de licenciement reconnus comme étant valables par la jurisprudence.

Pour quels motifs?

Le licenciement pour motif personnel fait partie de la sanction la plus lourde dans l’échelle des sanctions allant de l’avertissement au licenciement.

Au regard de la jurisprudence actuelle ont été notamment reconnus comme motif de licenciement d’un membre du CSE (ou anciennement CE, DUP, DP, CHSCT) :

  • le vol,
  • l’agression physique,
  • le harcèlement moral,
  • le harcèlement sexuel.

En dehors du licenciement sanction, il est également possible d’être amené à licencier un salarié protégé pour cause réelle et sérieuse (licenciement pour insuffisance par exemple), ou pour inaptitude, dans ce cas, il faudra suivre toute la procédure de licenciement pour inaptitude par exemple, en combinant la procédure relative à la protection du salarié protégé. (voir aussi: comment calculer l’indemnité de licenciement pour inaptitude ?)

Quelle procédure suivre? Comment faire?

Plaçons-nous dans le cadre d’un membre du CSE réalisant une faute qui lui est personnellement imputable et qui est préjudiciable à l’entreprise, à tel point qu’un licenciement est envisagé à son égard.

Il convient dans un premier temps, comme pour n’importe quel salarié de l’entreprise de convoquer le salarié à un entretien préalable afin de recueillir ses explications.

Etape 1 : Entretien préalable du membre du CSE

Comment convoquer un membre du CSE?

La convocation doit contenir le la date, l’heure et le lieu de l’entretien préalable.

Il conviendra également de préciser qu’il s’agit d’une convocation en vue d’un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. Il est important d’appuyer sur le caractère éventuel de la sanction car pour décider de la sanction à retenir in fine, vous allez recevoir le salarié pour obtenir ses explications sur les faits qui lui sont reprochés. En effet, le salarié doit pouvoir user de son droit à la défense.

Il faudra veiller à bien inscrire toutes ces mentions de la lettre de convocation car s’il en manquait une, cela pourrait constituer un motif de refus d’autorisation par l’inspecteur du travail.

Modèle de lettre de convocation à télécharger gratuitement :

Comment réaliser un entretien préalable à licenciement d’un membre du CSE?

L’entretien a lieu dans les 5 jours ouvrables qui suivent la date de première présentation du courrier de convocation au domicile du salarié.

Il est à noter que le salarié est en droit de ne pas user de son droit à la défense cela signifie qu’il est en droit de ne pas se présenter à l’entretien préalable. Si tel est le cas, vous pouvez poursuivre la procédure.

Dans le cas où le salarié se présente à l’entretien, il est en droit de se faire assister par tout salarié appartenant à l’entreprise.

De votre côté, vous pouvez également vous faire accompagner à condition de :

  • de ne pas être en nombre supérieur par rapport au salarié, l’entretien ne doit pas ressembler à une audience de tribunal,
  • que votre assistant ait la qualité de vous éclairez sur la situation.

Pour pouvoir recevoir le salarié en entretien, il faut avoir le pouvoir soit via la qualité, soit via une délégation de pouvoir précisant que son détenteur a la possibilité de prendre des sanctions à l’égard des salariés.

L’entretien aura pour but de recueillir les explications du salarié sur les faits qui lui sont reprochés.

A l’issue de l’entretien, vous pouvez expliquer au salarié la suite de la procédure mais en aucun cas lui notifier oralement la sanction décidée. En effet, cela signifierait que vous avez déjà pris votre décision et ceci sans même attendre l’avis de l’inspecteur du travail. Le risque est de rendre le licenciement irrégulier et nul.

Chose à retenir : il ne faut en aucun cas brûler les étapes!

Vous devez impérativement respecter cette obligation d’entretien préalable, à défaut, l’inspecteur du travail pourrait refuser le licenciement. C’est pour cette raison que si le salarié ne se présente pas, il convient de bien conserver la preuve de l’envoi et de la réception du courrier de convocation, et de bien spécifier au moment de la réunion du CSE que le salarié a été convoqué mais qu’il ne s’est pas présenté.

Après avoir convoqué et reçu le salarié en entretien préalable, il est nécessaire de convoquer les membres du CSE afin d’obtenir leur avis sur la mesure envisagée.

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Etape 2 : consultation des membres du CSE

Lorsque le licenciement concerne un membre du CSE, il convient de consulter les membres titulaires du CSE, cela est obligatoire.

Quand?

Pour cela, il conviendra d’informer tous les membres du CSE (titulaires et suppléants) et de convoquer les membres titulaires à l’occasion d’une réunion ordinaire c’est-à-dire une réunion habituellement prévue ou bien à l’occasion d’une réunion extraordinaire c’est-à-dire en dehors des réunions initialement prévues dans votre calendrier social.

La réunion du CSE doit avoir lieu dans un délai raisonnable par rapport à l’entretien préalable pour que le salarié puisse préparer son audition devant les membres.

En pratique, la convocation des membres du CSE peut être envoyée avant l’entretien préalable à condition que celui-ci reste antérieur à la réunion du CSE.

De même, il a été jugé qu’un entretien qui se déroule le matin avec une réunion l’après-midi est possible, à condition que le salarié ait été informé de ce déroulé.

Dans le cadre d’une procédure de licenciement, il est tout de même préconisé de laisser un délai suffisant au salarié afin d’éviter tout risque qualification irrégulière de la procédure et de refus de l’inspecteur du travail.

Convocation des membres du CSE : Quel contenu?

Vous envoyez une convocation dans laquelle vous fournirez les éléments nécessaires permettant aux membres du CSE titulaires de donner leur avis. En pratique, dans le cadre d’une procédure vous pouvez faire une petite fiche dans laquelle vous dites à quel moment vous avez envoyé la convocation, à quelle date a eu lieu l’entretien, pour quel motif le salarié a été convoqué et les explications recueillies le cas échéant.

La convocation doit contenir tous les éléments nécessaires permettant aux membres du CSE titulaires de donner leur avis. En pratique, vous devez faire un dossier de consultation dans lequel vous inscrivez :

  • la date d’embauche,
  • les fonction exercées,
  • l’âge,
  • l’intégralité des mandats détenus,
  • la procédure de licenciement (date d’envoi lettre de convocation, date entretien préalable), présentation succincte des faits et si l’entretien préalable a eu lieu, un résumé de l’entretien comprenant les explications recueillies le cas échéant.

Le délai entre la date de convocation des membres du CSE et la tenue de réunion est de 3 jours minimum, sauf dispositions contraires de votre accord d’entreprise ou Règlement Intérieur. L’ordre du jour peut être joint à la convocation.

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Convocation du membre du CSE intéressé par la procédure

Le salarié est également convoqué à la séance du CSE pour faire part de ses explications aux membres du CSE et répondre à leurs questions. Il recevra ainsi une convocation d’ordre général en qualité de membre de CSE mais aussi une convocation spéciale l’informant qu’il sera entendu par le CSE.

Tenue de la réunion : que faire? que dire?

Le point inscrit à l’ordre du jour sera traité en séance.

L’employeur exposera les raisons de la mise en œuvre de la procédure de licenciement à l’encontre du salarié protégé. Ce dernier sera entendu par les membres du CSE.

Le salarié peut décider de ne pas venir à cette réunion, dans ce cas, les membres du CSE l’acteront dans leur avis.

A la suite du débat, les membres doivent ensuite émettre un avis en votant sur le licenciement envisagé. Ils le feront selon les modalités prévues par le Règlement Intérieur du CSE.

Dans tous les cas, le vote se fait obligatoirement à bulletin secret, à la majorité des présents. Le Président du CSE ne peut pas prendre part au vote.

Il est à noter qu’en l’absence d’un membre titulaire, son remplaçant peut prendre part au vote. Par ailleurs, si le membre concerné est un membre titulaire, il peut également prendre part au vote pour donner un avis sur la procédure le concernant.

En pratique, il conviendra de demander au secrétaire un extrait du PV dans lequel figurera, la présence ou non du salarié, le fait qu’il y a eu un débat, le vote des membres titulaires sur le licenciement envisagé afin de l’envoyer à l’inspecteur du travail en vue de la demande d’autorisation.

Il est à noter qu’en l’absence de CSE en raison d’une carence de candidature aux dernières élections, l’employeur est dispensé de cette étape. Il devra le justifier dans sa demande d’autorisation en envoyant le PV de carence.

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Etape 3 : Demande d’autorisation à l’inspecteur du travail

Suite à l’entretien préalable du salarié, à la réunion du CSE durant laquelle l’avis des membres titulaires a été recueilli, il est nécessaire de faire une demande d’autorisation auprès de l’inspecteur du travail.

Délai d’envoi de la demande d’autorisation

Cette demande est à faire dans un délai de 15 jours qui suivent la délibération du CSE sous la forme d’un courrier recommandé avec accusé de réception auquel seront jointes toutes les pièces permettant de justifier le motif du licenciement et la régularité de la procédure.

Dans le cas de la mise en œuvre d’une mise à pied à titre conservatoire pendant la procédure de licenciement, le délai est réduit à 48 heures.

En cas de carence de CSE, il n’y a pas de délai spécifique à respecter. Si une mise à pied à titre conservatoire est en jeu, il y a un délai de 8 jours à compter de la date de mise en œuvre de la mise à pied à titre conservatoire.

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Délai de réponse de l’inspecteur du travail

L’inspecteur du travail doit accuser réception de la demande en indiquant qu’un délai de 2 mois pour transmettre sa réponse est ouvert. En cas de silence à l’issue de ce délai de 2 mois, cela signifie que la demande de licenciement a été implicitement rejetée.

L’inspecteur pourra procéder à une enquête contradictoire, cela signifie qu’il reçoit respectivement et séparément l’employeur ou son représentant, le salarié et d’éventuels témoins. Depuis les ordonnances MACRON, la durée de l’enquête ne permet pas de prolonger le délai de réponse.

L’inspecteur du travail a pour mission essentielle de rechercher si le licenciement est directement dû à l’exercice du mandat du salarié ou à sa qualité de membre du CSE. En aucun cas, l’inspecteur ne doit entrer dans le fond du dossier, c’est-à-dire qu’il n’est pas en droit de dire si le licenciement a une cause réelle et sérieuse, ceci étant du ressort des conseillers prud’homaux.

Décision de l’inspecteur

La décision de l’inspecteur sera obligatoirement notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception à l’employeur et une copie adressée au salarié ainsi qu’à l’organisation syndicale le cas échéant.

Si la décision est négative, l’employeur ne pourra pas licencier le salarié. Dans ce cas, soit il envisage une sanction plus légère, soit il prend la décision de contester la décision de l’inspecteur dans un délai de 2 mois.

Si la décision est positive, l’employeur est en droit de notifier le licenciement au membre du CSE comme expliqué ci-dessous.

Etape 4 : Notification du licenciement d’un membre du CSE?

Une fois l’autorisation de l’inspecteur du travail obtenue, l’employeur peut notifier le licenciement au membre du CSE par courrier recommandé avec accusé de réception dans un délai d’un mois maximum courant à compter de la date de réception de l’autorisation de l’inspecteur du travail.

La lettre de licenciement sera suffisamment motivée soit en faisant référence à l’avis d’autorisation de licenciement délivré par l’inspecteur du travail, soit au motif qui doit être le même que celui évoqué dans la demande d’autorisation de l’inspecteur du travail.

Récapitulatif du calendrier de procédure spéciale du licenciement :

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Peut-on conster un licenciement autorisé par l’inspecteur du travail?

La décision de l’inspecteur du travail est une décision administrative elle peut donc être contestée tant par le salarié que par l’employeur.

La contestation peut se faire soit selon un recours gracieux, soit selon un recours hiérarchique.

Quid d’une mise à pied à titre conservatoire prononcée à l’encontre d’un membre du CSE?

La mise à pied à titre conservatoire, mesure d’attente, est à distinguer de la mise à pied disciplinaire, sanction disciplinaire.

La mise à pied à titre conservatoire étant liée à la sanction la plus haute, à savoir, le licenciement, il sera nécessaire de respecter une procédure enfermée dans des délais précis, laquelle varie selon le mandat de représentation détenu par le salarié.

S’agissant d’un membre de la délégation du personnel au CSE : la consultation des membres du CSE devra se faire dans un délai de 10 jours à compter de la date de la mise à pied prononcée à titre conservatoire. En pratique, compte tenu du délai de 3 jours pour la communication de l’ordre du jour de l’instance, le délai sera de 7 jours à compter de la notification de la mise à pied à titre conservatoire.

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Quant à la demande d’autorisation de licenciement, il convient de la présenter impérativement dans les 48 heures qui suivent la délibération de l’instance.

La mise à pied à titre conservatoire durera jusqu’à la prise de décision de l’inspecteur du travail.

Quid d’une sanction disciplinaire?

Dans le cas d’une sanction disciplinaire, l’employeur n’a pas à demander l’autorisation de l’inspecteur du travail. Ainsi, il suivra la même procédure que celle observée pour un salarié sans mandat.

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Alexandra Congré

Après un Master II Professionnel de Juriste en Droit Social obtenu à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, j’ai exercé le métier de juriste en droit social pendant 13 ans. Au cours de cette expérience, j’ai conseillé et accompagné les opérationnels (PDG, DRH, RRH, Directeurs des Relations Sociales, Directeurs, Managers) tant dans les relations individuelles que collectives du travail dans différents secteurs d’activité (santé au travail, restauration, grande distribution et presse).