Actualités jurisprudentielles Novembre 2023

Actualités jurisprudentielles Novembre 2023
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Dans cette revue jurisprudentielle de novembre, nous vous parlons de licenciement, des droits des salariés intérimaires et de calcul du temps de travail effectif des salariés itinérants.

Dans l’actualité jurisprudentielle de ce mois de novembre, nous vous proposons une attention particulière sur le licenciement et certaines de ses particularités dont le contentieux alimente toujours abondamment la jurisprudence de la Cour de cassation.

Deux arrêts concernant les salariés intérimaires d’une part et les salariés itinérants d’autre part, complèteront cette revue jurisprudentielle.

Licenciement

Calcul de l’indemnité de licenciement

À quel moment du contrat est prise en compte l’ancienneté pour l’évaluation du montant de l’indemnité de licenciement ? 

Cass soc 25 octobre 2023 N° 21-24.521

Ce qu’il faut retenir

L’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration normale du préavis, même s’il y a dispense de l’exécuter.

Le cas détaillé

Une salariée, licenciée et dispensée d’exécution de son préavis de trois mois et rémunérée, saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes de paiement de certaines sommes, notamment un reliquat de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

La cour d’appel la déboute de sa demande.

La salariée forme un pourvoi en cassation au motif que l’indemnité de licenciement doit être évaluée en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du préavis, qu’il soit exécuté ou dispensé d’exécution.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Après avoir rappelé que le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, elle juge que l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat, c’est-à-dire à l’expiration normale du préavis, même s’il y a eu dispense de l’exécuter.

Cette solution n’est pas nouvelle. En 2005 déjà, guidée par le fait que le salarié ne doit pas être lésé dans son ancienneté et son indemnité de licenciement par la décision de l’employeur de procéder à une dispense de l’exécution du préavis, la Cour de cassation avait rendu une décision dans ce sens.  (Cass.soc.30 mars 2005 n°03-42.667) 

Licenciement basé sur un avis d’inaptitude

Un licenciement peut-il être invalidé au motif que l’avis d’inaptitude comporte une erreur quant au poste du salarié, alors que l’avis d’inaptitude n’a pas fait l’objet d’un recours ?

Cass. soc. 25 octobre 2023 n° 22-12833 FS-B

Ce qu’il faut retenir

Il ne peut pas y avoir de contestation possible du licenciement sans recours préalable contre l’avis d’inaptitude erroné.

Le cas détaillé

Un salarié est licencié pour inaptitude.

Son médecin du travail avait rendu un avis d’inaptitude comportant une erreur quant au poste qu’il occupait. Le salarié n’avait pas contesté cet avis, mais il conteste son licenciement suite à l’erreur faite par le médecin du travail dans l’avis d’inaptitude.

La Cour d’appel rejette la demande du salarié au motif que le salarié ne peut pas contester le licenciement puisqu’il n’a pas formé de recours contre l’avis d’inaptitude dans le délai légal de 15 jours.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rappelle qu’ en l’absence de recours contre l’avis du médecin du travail, cet avis devient définitif et s’impose aux parties et au juge. 

En l’espèce, le salarié aurait donc dû contester l’avis d’inaptitude en saisissant les prud’hommes dans le délai de 15 jours. Passé ce délai, l’avis d’inaptitude ne peut plus être remis en cause.

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Licenciement économique : identification du périmètre de reclassement dans un groupe

Cass.soc. 8 nov. 2023, n°22-18.784

Ce qu’il faut retenir

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, le reclassement d’un salarié doit être envisagé sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Le cas détaillé

Un salarié engagé dans une société voit son contrat de travail transféré dans une autre société du même groupe.

Licencié pour motif économique, le salarié saisit la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement aux motif que l’entreprise n’avait pas recherché un poste de reclassement sur l’ensemble des autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et qu’en conséquence, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

La Cour d’Appel déboute le salarié de sa demande d’indemnisation.

Le salarié se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation donne raison au salarié et casse l’arrêt d’appel. 

Elle rappelle d’abord que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que ce reclassement ne peut être opéré sur les emplois disponibles.  

Elle rappelle ensuite, selon une jurisprudence constante, que le périmètre à prendre en considération pour l’exécution de l’obligation de reclassement se comprend de l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité

Lien de causalité entre dénonciation d’un harcèlement moral et un licenciement pour faute grave

L’enjeu du cas

À qui incombe la charge de la preuve?

Cass.soc. 18 octobre 2023, n°22-18678

Le cas détaillé

Une salariée est licenciée pour faute grave.

Elle saisit la juridiction prud’homale pour demander la nullité de son licenciement au motif qu’elle avait dénoncé antérieurement un harcèlement sexuel au sein de la société et que selon elle, cette dénonciation serait la cause unique de son licenciement.

La Cour d’appel faisant droit à la demande de la salariée, juge son licenciement nul et condamne la société à lui verser diverses sommes afférentes.

La société se pourvoit en cassation. Elle soutient que la lettre de licenciement ne fait pas mention de cette dénonciation, qu’elle contient plusieurs griefs à l’encontre du salarié justifiant la faute grave et que la concomitance de ces faits avec la date à laquelle la salariée a porté plainte ne suffit pas à justifier que la dénonciation de harcèlement a pesé sur la décision de licenciement et à le rendre nul.

Un licenciement pour faute grave peut-il être déclaré nul au seul motif que les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement sont concomitants à la date de sa dénonciation d’un harcèlement ?

De cette concomitance peut-il être justement déduit que la dénonciation a entraîné la décision de licenciement ?

La cour de cassation répond non et casse l’arrêt d’appel.

Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. 

Dans le cas contraire, c’est à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.

À lire également :

Droit des salariés intérimaires

Cass.soc. 25 octobre 2023, n°22-21845

Ce qu’il faut retenir

Un travailleur temporaire a droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice même s’il a bénéficié de celle de l’ETT

Le cas détaillé

Un salarié intérimaire exécute plusieurs missions d’intérim auprès d’une entreprise utilisatrice. Celle-ci met en place une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat au profit de ses salariés présents en fin d’année, excepté les travailleurs intérimaires, par décision unilatérale de l’employeur.

La juridiction prud’homale est saisie aux fins d’obtenir le paiement de la prime exceptionnelle.

La Cour d’appel rejette la demande du salarié qui se pourvoit en cassation.  

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en s’appuyant sur les articles L.1251-18 et L.1251-43 du Code du travail, selon lesquels la rémunération perçue par le travailleur intérimaire ne peut pas être inférieure à celle que percevrait un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail, après période d’essai, au sein de l’entreprise utilisatrice. 

Elle constate qu’en l’espèce, le travailleur intérimaire n’a pas perçu la prime exceptionnelle, contrairement aux autres salariés de l’entreprise utilisatrice.

Le travailleur temporaire peut donc prétendre au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice et s’ajoute à celle mise en place dans l’entreprise de travail temporaire au bénéfice de ses propres salariés.

On peut penser que cette solution s’appliquerait également pour la prime de partage de la valeur (PPV).

Temps de trajet des salariés itinérants

Cass. soc. 25 octobre 2023 n°20-22.800

Ce qu’il faut retenir

Les temps de trajets du salarié itinérant entre son domicile et le site des premier et dernier clients ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif dès lors que l’intéressé ne se tient pas à disposition de l’employeur, peut vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et a la possibilité de désactiver la géolocalisation par le biais d’un interrupteur dans son véhicule de service.

Le cas détaillé

Un salarié itinérant saisit les Prud’hommes aux fins d’obtenir l’annulation de sa convention de forfait en jours et le paiement de diverses sommes dues au titre de l’exécution de son contrat de travail, notamment un certain nombre d’heures supplémentaires qu’il estime avoir accomplies au titre des temps de trajet entre le domicile et les sites des premier et dernier clients.

La Cour d’appel juge que les temps de trajets entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituent pas du temps de travail effectif et rejette la demande du salarié .

En effet, selon l’article L.3121-1 du Code du travail, le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Or, elle constate en l’espèce, que :

  • Le véhicule de service du salarié est muni d’un dispositif de géolocalisation désactivable.
  • Certes, le salarié reçoit un planning mensuel et hebdomadaire à soumettre à l’accord de son supérieur, mais il prend l’initiative de son circuit quotidien et reste libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier.

Ces constatations ne permettent donc pas, selon la Cour, d’établir que le salarié se tenait à la disposition de l’employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée.

Le salarié se pourvoit en cassation. 

La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail. Elle valide les conclusions de la Cour d’appel et confirme l’arrêt d’appel. 

La Cour de cassation rappelle donc qu’un salarié itinérant n’est pas nécessairement à la disposition de son employeur durant ses trajets entre son domicile et ses clients. Il convient de prendre en compte les contraintes auxquelles il est tenu pour déterminer si son temps de trajet constitue ou non, un temps de travail effectif.

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.