Transparence des salaires : Faut-il se lancer ? Décryptage !

Transparence des salaires :  Faut-il se lancer ? Décryptage !
Sandrine Dorbes

La transparence des salaires est une chimère qui revient régulièrement dans la bouche des professionnels RH mais également des salariés. Mais faut-il vraiment se lancer ? Quels sont les avantages de mettre en place la transparence des salaires en entreprise ? Quels sont les limites de cette pratique ? Décryptez les enjeux grâce à Culture RH.

La transparence des salaires en entreprise suscite des réactions très contrastées. Publiez un post à ce sujet sur LinkedIn et vous verrez la polarisation des opinions.

D’un côté, certains sont très favorables, citant des entreprises pionnières qui ont adopté cette pratique sans perturbation majeure. De l’autre, certains s’y opposent fermement, énumérant les raisons pour lesquelles cela serait inefficace et inutile.

Ce débat n’est pas nouveau et persiste depuis des années. Cependant, il semble revenir de plus en plus fréquemment ces derniers mois.

Les États-Unis, et en particulier la Californie, en sont partiellement responsables, car ils imposent désormais l’affichage des salaires sur les offres d’emploi, provoquant des réactions mitigées. Et si cette « mode » gagnait l’Europe ? Comment réagirions-nous ?

Comme d’habitude, nous nous adapterons en essayant de voir les choses du bon côté. Faisons l’exercice ensemble. Que peut apporter la transparence des salaires ?

Quels sont les avantages de la transparence des salaires ?

Améliorer sa marque employeur

Je commence par celui-ci, car il ne se passe pas une journée sans que l’on me parle des problématiques de marque employeur.

Travailler sur sa marque employeur permet d’améliorer son attractivité et de fidéliser les équipes. Dans un contexte de pénurie de talents et de grande démission, ce n’est pas du luxe !

L’attractivité, d’abord

Selon le site spécialisé en recherche d’emploi Indeed, les annonces mentionnant le salaire sont 80% plus susceptibles d’être lues et reçoivent plus de 20% de candidatures supplémentaires par rapport à celles qui ne le font pas.

Indeed va encore plus loin : leur enquête révèle que l’absence de salaire sur une offre d’emploi irrite fortement un tiers des candidats interrogés. C’est un chiffre significatif.

En publiant le salaire, une entreprise projette une image beaucoup plus positive. Cela contraste avec certains dirigeants qui s’opposent fermement à cette pratique sur les réseaux sociaux, affirmant : « Je ne ferai jamais ça ! #notinmyentreprise ». Cette transparence est d’autant plus importante dans un contexte d’inflation.

La fidélisation, ensuite

On omet souvent que les gens ont besoin de deux choses :

  • Comprendre leur situation.
  • Se projeter dans l’avenir.

En matière de rémunération cela donne :

  • Comprendre comment le salaire a été défini.
  • Avoir de la visibilité sur les évolutions à venir.

C’est parce que les gens ont des perspectives d’évolution qu’ils restent. Quelque soit la forme qu’elles prennent. Mais l’engagement passe aussi par le fait d’avoir le sentiment d’être rétribué à la hauteur de sa contribution.

J’en vois venir certains. Oui, il faut penser la rémunération au sens large.

Eh bien communiquons clairement au sens large.

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Prouver que l’on est « juste » et « équitable »

Malheureusement, il ne suffit pas d’affirmer que l’on est une chose pour que l’on nous croit. Il faut le prouver.

Les entreprises qui claironnent autour de leurs valeurs de justice et d’équité doivent se justifier, sans quoi elles seront classées dans la catégories des « bullshiters ». Et on reboucle sur la marque employeur.

Comment démontrer sans contestation possible que l’on est juste et équitable ?

En publiant les salaires, les employés peuvent former leur propre opinion sur les règles de rémunération. Il est impossible de satisfaire tout le monde. Je me souviens d’une comptable qui ne comprenait pas pourquoi un médecin de la même entreprise gagnait plus qu’elle. Elle a le droit d’avoir cette opinion, mais les règles sont claires, éliminant ainsi les rumeurs et les malentendus.

Edouard Pick, PDG de Clinitex, a pris la décision de rendre les salaires transparents dans son entreprise de 3000 employés. Confiant dans l’équité de ses pratiques de gestion, il s’attendait à une réception positive. Cependant, la publication des salaires a révélé des situations perçues comme injustes par certains employés.

Cela montre que, même avec les meilleures intentions et une grande prudence, nous ne sommes jamais à l’abri de maladresses ou d’erreurs. Cette initiative a permis de détecter et de corriger des écarts injustifiés. Désormais, Clinitex peut affirmer sans équivoque que sa politique de rémunération est juste et équitable.

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Faire de la rémunération un sujet opaque pour éviter les mauvaises réactions de quelques fâcheux est contre productif. Car plus on est opaque, plus on alimente le mystère et plus on parle de rémunération.

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Pour moins parler de rémunération

Imaginez un environnement où les règles de définition des salaires sont clairement spécifiées. Où l’on documente objectivement le niveau de compétences et de responsabilité à acquérir pour être promu. Où l’on peut se projeter clairement à la fois en termes de progression de carrière et de salaire.

Dans cet environnement là il y a moins de légendes, moins de rumeurs et moins de frustration.

Et cet environnement existe. Il s’agit de la fonction publique. Un poste, un grade, un salaire connu de tous.

Dans le café Freelance du 21 octobre 2022, l’autrice Laetitia Vitaud, spécialisée dans le futur du travail, confessait : « Au fond, je pense que je suis devenue fonctionnaire pour ne pas avoir à négocier mon salaire. On a un grade, il y a une grille, on sait combien on gagne ».

Il y a tout de même des discussions plus ou moins agréables sur l’objectivité de l’acquisition des compétences. Et il y a quand même des comparaisons et des jalousies.

Mais il y a des règles clairement définies, en lien avec la stratégie de l’entreprise (encore faut-il que la politique de rémunération soit bien à jour, mais c’est un autre sujet), qui permettent aux échanges d’être cadrés et objectivés.

Ça fait envie non ?

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Pour agir VRAIMENT sur les inégalités de salaire

À titre personnel et en tant qu’experte RH, quand j’entends qu’il faut « réduire les inégalités de salaire », je ressens une profonde fatigue.

Les inégalités de salaire sont aussi vieilles que le salariat. L’histoire déborde d’exemples où les femmes sont moins payées que les hommes uniquement en raison de leur genre. C’était de notoriété publique et généralement accepté.

Pourtant à une époque pas si lointaine, les salaires des entreprises dépendaient majoritairement d’une grille, comme dans la fonction publique.

C’est dans les années 80, avec l’accent mis sur l’individualisation des rémunérations, que les choses se sont compliquées. Plus les pratiques salariales se sont diversifiées entre les employés, plus la transparence s’est perdue.

Mais le monde a changé. À travail égal, salaire égal. On a fait des lois. On a créé un index pour mesurer l’égalité professionnelle. On a multiplié les chartes au point qu’on ne sait plus qui s’est engagé sur quoi. On a créé des enveloppes budgétaires spéciales pour réduire les écarts de salaire aux conditions de distribution opaques.

Et malgré tout, on continue d’avoir des inégalités de salaires notables.

Alors oui, quand on dit que la transparence des salaires n’est pas une solution, mais que « on a pris des mesures pour réduire les écarts de salaire », je fatigue.

Et si on essayait autre chose ?

Ce n’est pas la transparence qui pose problème, mais plutôt l’opacité et l’incompréhension de la politique de rémunération, ainsi que le manque d’objectivité. C’est l’incapacité à expliquer clairement comment les salaires sont déterminés et à assumer ces décisions.

Le problème c’est le manque de cohérence et d’objectivité sous-jacente.

« Le salaire est le reflet de l’histoire de chaque salarié » me dit-on pour justifier le fait qu’une grille à l’embauche et la transparence des salaires n’ont pas de sens.

Cependant, ce que j’entends le plus souvent, c’est : « L’équité n’a jamais été notre priorité et nous sommes maintenant incapables de justifier objectivement les écarts de salaire entre deux postes identiques. »

Dans ce contexte, il est vrai que la transparence des salaires peut poser des problèmes.

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Sandrine Dorbes

Après avoir exercé son métier de spécialiste rémunération et avantages sociaux au sein du CAC40, Sandrine Dorbes créer sa société de conseil How Much, parce que dans combien il y a comment. Convaincu que la rémunération n’est pas qu’une question d’argent, elle accompagne les dirigeants qui souhaitent mettre en place une stratégie de rémunération pertinente et efficace. Elle intervient également au sein d'un M2 RH pour le CNAM et anime l'atelier "Aller à l'essentiel" de la School of Life Paris. Administratrice indépendante certifiée elle s'intéresse également au lien entre le mode de gouvernance et le rôle donné à la fonction RH.