La rémunération variable : Faut-il miser sur le collectif ou sur l’individualité ?

La rémunération variable : Faut-il miser sur le collectif ou sur l’individualité ?
Sandrine Dorbes

Dans cette course à l’ultra performance, mais aussi dans cette lutte à la fidélisation des talents, l’octroie d’une rémunération variable peut-être tentante ? Mais la rémunération fait-elle réellement la différence ?
Notre experte en politique de rémunération, Sandrine DORBES, fait le tour de la question !

Que ce soit sous la forme de primes sur objectifs, de commissions, ou de bonus, la rémunération variable a toujours eu le vent en poupe. Mais est-ce un si bon outil de management, de motivation au travail ? Serait-ce si difficile de s’en passer ?

Au-delà de cette question, la rémunération variable a-t-elle plus d’impact lorsqu’elle est individualisée ou faut-il miser sur le collectif ?

Fixe et variable, quelle différence ?

Chaque élément de rémunération a sa vocation propre.

Il faut donc distinguer la rémunération fixe de la rémunération variable.

La première rémunère des compétences mises en œuvre pour la tenue d’un poste ; quand la seconde rémunère des objectifs précis qui vont au-delà de ce que la fiche de poste prévoit.

Exemple : Un commercial reçoit un salaire fixe pour vendre les produits ou services de son entreprise, ainsi qu’une rémunération variable en fonction d’objectifs de vente déterminés à l’avance.

Historiquement, le variable ne concernait que les commerciaux. L’objectif était d’aligner leurs intérêts à court terme avec celui de l’entreprise. En d’autres termes vendre plus !

À partir des années 80, la notion de méritocratie se construit autour de l’individualisation des salaires et la mise en place d’une rémunération variable pour les salariés des fonctions supports ; bien que la fixation d’objectifs quantitatifs soit moins aisée que pour des commerciaux.

Cette méritocratie peut se schématiser ainsi :

“Michel a bien fait son travail, je voudrais lui donner une prime”.

L’intention est belle, mais accorder une prime à une personne parce qu’elle a “bien fait son travail” ne servira, au final, aucune des parties. Et cela pour plusieurs raisons.

En premier lieu, parce que bien faire son travail est l’un des éléments majeurs et indispensables de l’exécution de son contrat de travail. Pour accomplir son travail, le salarié perçoit un salaire, l’octroi d’une rémunération supplémentaire sur ce seul critère n’est donc pas suffisant.

Il est nécessaire de distinguer ce que l’on attend du poste et ce qui est fait au-delà et qui justifie d’avoir quelque chose en plus.

En deuxième lieu, parce que cela peut entraîner l’effet contraire à ce qui est recherché, à savoir motiver le salarié à se dépasser, à être plus performant au travail. Car :

“À la longue, une prime tous les mois ne motive plus. En revanche, ne pas l’avoir déprime”.

C’est ce que déclare le patron du Groupe LDLC (vente de matériel informatique) qui a décidé de supprimer la rémunération variable de ses équipes commerciales.

D’autres entreprises ont décidé d’en faire autant, comme Alan (mutuelle) ou Lucca (éditeur de logiciel). Derrière cette décision il y a des convictions fortes :

  • Même si le commercial est une rock star, il y a aussi un produit ou un service qui est bien fait, un SAV efficace, et des fonctions supports qui assurent le quotidien de la société. Ce n’est pas juste que les commerciaux soient les seules à recevoir une rémunération variable à chaque vente.
  • La gestion opérationnelle du variable est très chronophage et sources de tensions entre les managers et les équipes. Cela se fait au détriment des sujets RH et managériaux qui mériteraient qu’on leur accorde plus de temps.

La rémunération variable comme outil de management.

En dehors des populations commerciales, l’utilisation de la rémunération variable reste très délicate.

Il est difficile de fixer des objectifs quantifiés aux fonctions supports. Je constate souvent que les objectifs qui conditionnent le variable sont liés à la tenue du poste. Tenue du poste qui, pour rappel, fait déjà l’objet d’un versement sous la forme du salaire fixe. Ici, on paye donc deux fois la même chose.

Mais pourquoi tombe-t-on si facilement dans ce travers ?

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Parce qu’il nous évite des discussions managériales pénibles. Il est plus aisé de dire à un collaborateur qu’il n’aura pas 100% de son variable, parce qu’il n’a pas atteint ses objectifs, plutôt que de mettre en avant le fait qu’il ne tienne pas le poste correctement ; comme il s’était engagé à le faire en signant son contrat de travail.

On espère alors que la déception suffira pour que la personne se reprenne en main et fasse mieux par la suite. De même, il n’y a ainsi pas besoin d’aller chercher plus loin ce qui explique la sous-performance, ni de prendre le temps d’accompagner le collaborateur en question.

Dans ces conditions, la mise en place de la rémunération variable pour les fonctions supports relève plus d’un échec de la politique de management que d’une réussite de la stratégie de fidélisation.

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Vous l’aurez compris, je ne suis pas partisane de la rémunération variable attribuée en fonction de l’atteinte d’objectifs individuels. Plus particulièrement encore pour les fonctions supports.

Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire !

Un événement exceptionnel peut donner lieu à une prime exceptionnelle.

Par exemple, un comptable qui doit participer à l’intégration d’un nouveau logiciel en plus de ses tâches quotidiennes est éligible à une prime exceptionnelle. Une personne qui doit suivre les dossiers de son collègue absent depuis plusieurs mois en plus des siens également.

Mais il faut veiller à ce que le caractère exceptionnel soit bien défini et compris par tous au risque de recevoir des demandes de primes exceptionnelles dès qu’un collaborateur dépasse un peu les contours de son poste.

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Je pense qu’il faut résonner au niveau collectif. Si la somme des individualités permet à un service, ou plus globalement à une entreprise, d’avoir de bons résultats, tout le monde devrait être récompensé.

On connaît la participation qui est imposée aux entreprises de plus de 50 personnes qui font des bénéfices. Mais son cousin l’intéressement a de sérieux atouts dans sa manche :

  • Le choix des critères se fait au niveau de l’entreprise (contrairement à la participation).
  • Le paiement peut être trimestriel, semestriel, ou annuel en fonction du rythme de l’entreprise.
  • L’allègement des charges patronales et sociales permet un partage de la richesse créée plus avantageux pour les salariés.
  • Le montant global est réparti entre les salariés proportionnellement à leur rémunération annuelle.

Motiver et engager les collaborateurs sans variable, est-ce possible ?

La réponse à cette question est en réalité très simple, car si la rémunération suffisait à motiver ou engager les collaborateurs, cela se saurait !

Avant toute chose, il faut distinguer l’engagement de la motivation, qui sont deux notions différentes. Quand on est engagé, certes, on est motivé. Mais on peut être motivé sans être engagé. Et on peut être engagé vis-à-vis d’un projet ou d’une équipe, mais pas vis-à-vis de son entreprise. Vous me suivez toujours ?

Bref, l’engagement est un processus à long terme qui repose sur trois piliers :

  • Le sentiment que ce que je fais à un sens.
  • Le sentiment que je dispose des moyens pour bien faire ce que l’on attend de moi.
  • Le sentiment que je suis rétribué à la hauteur de ma contribution.

J’aime bien rajouter un quatrième pilier sur la transparence, mais c’est un autre débat.

L’engagement va bien au-delà du salaire et le seul appât du gain.

On peut tout à fait décider, en conscience, de proposer une rémunération variable individuelle à tout le monde. L’important c’est d’être au clair sur ce que l’on rémunère.

Pour en revenir à l’une de nos questions de départ, pourquoi est-ce si difficile de se passer de la rémunération variable ? Je pense que cela est lié au poids des habitudes, à la peur de tenter autre chose et au temps qu’il nous manque pour le faire, à la culture de l’entreprise, et enfin au marché.

Il peut paraître difficile de ne pas proposer de variable quand les concurrents le font. Et pourtant, je pense que c’est possible.

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Sandrine Dorbes

Après avoir exercé son métier de spécialiste rémunération et avantages sociaux au sein du CAC40, Sandrine Dorbes créer sa société de conseil How Much, parce que dans combien il y a comment. Convaincu que la rémunération n’est pas qu’une question d’argent, elle accompagne les dirigeants qui souhaitent mettre en place une stratégie de rémunération pertinente et efficace. Elle intervient également au sein d'un M2 RH pour le CNAM et anime l'atelier "Aller à l'essentiel" de la School of Life Paris. Administratrice indépendante certifiée elle s'intéresse également au lien entre le mode de gouvernance et le rôle donné à la fonction RH.