Endométriose et travail : comment accompagner ses salariées ?

Endométriose et travail : comment accompagner ses salariées ?
Rinah Pankiewicz

Consultante RH externalisée et Formatrice RH. J'assure la gestion du personnel des entreprises et forme les RH de demain autour d'une pédagogie innovante.

Travailler avec l’endométriose, c’est possible !
Malgré les conséquences de cette maladie chronique parfois invalidantes, des solutions existent pour combiner performance individuelle, collective et bien-être au travail.
Comment améliorer la qualité de vie au travail des personnes atteintes d’endométriose ? Comment réduire l’absentéisme et l’impact sur les équipes ?
Au détour de situations concrètes, nous allons aborder les différentes approches réalisables que vous pourriez expérimenter sur le terrain.

C’est un fait, le congé menstruel en France a été écarté par les membres du Sénat.  

Les personnes souffrant de règles douloureuses, symptôme pouvant être révélateur d’une pathologie gynécologique comme l’endométriose, ne pourront pas se voir accorder un congé sans carence. Les personnes concernées devront, en cas d’impossibilité de travailler, avoir recours à un arrêt maladie avec une perte de salaire.  

Force est de constater qu’une poignée d’entreprises n’ont pas attendu que ce dispositif soit légiféré pour le mettre en place à leur niveau. Parmi elles, l’entreprise toulousaine de fabricant de mobilier de bureau, Louis Design, a généralisé le congé menstruel depuis le 8 mars 2022. Suivi de l’éditeur Goodays (anciennement Critizr) qui l’a instauré le 1er mai 2022. Sans compter la Ville de Saint-Ouen qui est la première collectivité de France à en faire bénéficier ses employés municipaux depuis le 27 mars 2023.

L’endométriose en entreprise, pourquoi en parler ? 

Bien qu’il soit délicat à aborder, car il touche la sphère personnelle et intime, le sujet des menstruations commence à sortir des tabous. En effet, la problématique des règles douloureuses, et parfois handicapantes, concerne de nombreuses personnes menstruées. Les douleurs menstruelles dites aussi “dysménorrhée” constituent d’ailleurs le symptôme le plus courant lié à l’endométriose. Parmi les autres symptômes, on recense les règles abondantes, la fatigue chronique, les troubles digestifs, les douleurs neuropathiques, les troubles urinaires, les douleurs lombaires, etc.  

Mieux connaître cette maladie, c’est mieux accompagner la collaboratrice dans son quotidien au travail. C’est accompagner 1 femme sur 10 soit 10% des femmes dans le monde, et 1.5 million de personnes en France, d’après le ministère de la Solidarité et de la Santé. Parmi elles, l’Inserm révèle que 70% de ces personnes souffrent de douleurs chroniques et invalidantes. À ce propos, Yasmine Candau, la présidente d’EndoFrance témoigne “ C’est une douleur qui cloue sur place, qui résiste et ne cède pas avec un simple antalgique”.

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Endométriose, symptômes et conséquences

Chez les personnes concernées, l’endométriose provoque une réaction inflammatoire qui se produit de façon cyclique. Il se peut que la maladie se stabilise, il se peut aussi qu’elle soit régressive, mais peut aussi être évolutive. L’association EndoFrance indique que “ 1/3 des endométrioses vont se stabiliser, parfois après quelques mois de traitement hormonal seulement. Mais 2/3 des endométrioses vont évoluer et certaines formes d’endométriose évolueront vers des formes sévères”

Cycle après cycle, et en fonction de la vivacité des douleurs, l’absentéisme peut être répété. C’est pourquoi, au regard de ces retombées sur le quotidien professionnel de la salariée et de ses collègues, différents leviers peuvent être actionnés pour mieux accompagner les équipes.

Chacun est touché de façon distincte par la situation souvent imprévue. En effet, un collègue qui assiste à une crise d’endométriose peut se retrouver démuni. Puis vient la question de l’organisation du travail et de la reprise des missions pendant cette absence. Comment aider sa collègue ? Qui va reprendre les missions ? Quelles sont les priorités à gérer ? Ce sont des situations et des questions qui peuvent s’avérer courantes au même titre que les douleurs menstruelles.

Endométriose au travail, comment la prendre en considération ?

En entreprise, la prise en charge de cette situation se traduit par la collaboration avec la médecine du travail et le référent handicap si la fonction existe. Les personnes atteintes d’endométriose pouvant faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), il est recommandé d’inclure cette maladie dans les politiques des ressources humaines. 

Comment les entreprises peuvent accompagner leurs talents lorsque cette maladie s’invite de plus en plus dans l’actualité RH face aux arrêts maladies à répétition et à leurs effets sur la gestion de l’activité et aux relations de travail qui peuvent se détériorer ? 

Entretien annuel : 10 pièges à éviter

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Quelles sont les pistes de solutions qui s’offrent aux professionnels des ressources humaines pour améliorer le bien-être physique et mental des femmes atteintes d’endométriose dans le contexte professionnel, et combiner performance individuelle et collective ?

En ressources humaines, les professionnels sont amenés à être confrontés à des situations différentes et parfois imprévues. Il n’existe pas une bonne façon de faire ; à chaque cas sa solution qui lui est propre. Rester flexible et savoir s’adapter sont des qualités qui sont de rigueur dans cette fonction multi-facette. Cela implique d’avoir une approche personnalisée et remettre l’humain dans les processus RH prend tout son sens. 

Au détour de cas concrets qui sont issues d’expériences réelles, voici quelques pistes de solutions qui peuvent être mises en place pour accompagner une collaboratrice souffrant d’endométriose.

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Situation n°1 : gérer l’endométriose pour une salarié qui occupe un poste administratif 

Jeanne est assistante de direction dans le secteur logistique. Elle est atteinte d’une endométriose profonde avec des douleurs digestives et neuropathiques. Face à ses nombreuses absences mensuelles, le service RH a été alerté. 

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Comment le service RH peut-il accompagner Jeanne ? Comment l’aider à concilier maladie chronique et travail ? Comment éviter un absentéisme fréquent pour assurer la continuité du service ? 

  • Pratiquer l’écoute active et la bienveillance  : cela pourrait inciter Jeanne à parler librement d’un sujet délicat et qui est d’ordre médical (elle n’a donc aucune obligation de parler de son état de santé avec son employeur). Adopter cette approche est un premier pas vers la compréhension de la situation et l’initiative d’instaurer un climat de confiance entre employeur et collaborateur.
  • Encourager la salariée vers l’autonomie et pratiquer le management participatif  : parfois la collaboratrice sait comment gérer ses douleurs. Elle pourra être force de proposition et partager des solutions sur lesquelles vous pourrez vous concerter. À titre d’exemple, cela pourrait consister en l’aménagement de ses horaires de travail. Jeanne pourra, ainsi, se rendre à ses rendez-vous médicaux réguliers ou faire de plus longues pauses pour qu’elle puisse être en mesure de gérer ses douleurs.
  • L’orienter vers la médecine du travail : cet interlocuteur à privilégier dans cette situation est en mesure d’accompagner Jeanne et l’entreprise dans d’éventuels aménagements de son poste de travail. Par exemple, celui-ci pourra préconiser le recours au distanciel lors des périodes de souffrance. Pour de nombreux employeurs, il n’est pas toujours évident de faire confiance à un salarié qui est en télétravail, surtout si celui-ci est malade. Une inquiétude pertinente pourrait être de penser que le salarié ne travaillerait pas ou travaillerait moins. La relation de confiance est capitale et il revient aussi à la salariée de montrer que sa rigueur et sa disponibilité demeurent inchangées pendant le télétravail. Partir sur un premier essai serait un bon compromis pour lever certaines réticences. 

Situation n°2 : gérer l’endométriose pour une étudiante en alternance 

Maud est en première année de master communication digitale. Ayant des règles irrégulières, elle ne sait pas quand aura lieu la prochaine crise. Leurs douleurs peuvent être si virulentes et s’accompagner de vertiges et de nausées, qu’elle doit parfois contacter ses parents ou un taxi pour venir la chercher. 

Ses absences fréquentes interrogent son entreprise et l’école. Une autre problématique se pose ; les examens. Effectivement, Maud n’a pu se rendre à l’école, un jour de contrôle continu. Quelle alternative autre qu’un arrêt maladie pourrait permettre à Maud de suivre les cours et de passer son examen en cas d’incapacité à se rendre à l’école ? 

Depuis la période de confinement lié à la covid-19, les écoles n’ont eu d’autres choix que de s’adapter rapidement et de recourir massivement au distanciel pour assurer les cours. La période après-covid a fait que de plus en plus d’écoles ont, progressivement, mis en place une organisation hybride à l’instar des entreprises pour préparer les étudiants à s’acclimater au télétravail dans leur futur environnement professionnel.

Dans les programmes, sont parfois notés que le formateur doit animer 10% d’un module en distanciel. D’autres écoles ont saisi cette opportunité pour développer leur business et proposer à leurs futurs apprenants de suivre les cours 100% en distanciel lorsque leur entreprise ne se trouve pas dans la même région que leur établissement scolaire. Ainsi, une étudiante qui réalise son alternance à Paris et qui est inscrite à Lille, pourra suivre les cours à distance. 

Pour ce qui est de la problématique des examens, lorsque ces situations se sont présentées, j’ai adapté le sujet du contrôle continu de sorte que les étudiantes puissent le passer en distanciel tout en évitant les possibilités de tricheries. Les résultats ont été plus que probants, car non seulement les étudiantes n’étaient pas absentes le jour de l’examen, mais la qualité du travail était au rendez-vous. En tant que formatrice RH, c’est une pratique que j’ai par la suite renouvelée et dont les résultats sont satisfaisants.

En conclusion

Chaque situation est différente d’autant plus que l’endométriose est une maladie aux multiples symptômes. Projeter une reconversion professionnelle et accompagner le talent vers un parcours de mobilité interne pourrait éventuellement être une alternative. À supposer qu’aucun aménagement de poste ne soit possible et qu’un licenciement pour inaptitude soit envisagé.

Il revient à l’entreprise d’y réfléchir au regard de ses besoins en termes de GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels), des frais inhérents à un licenciement pour inaptitude et des nouveaux coûts de recrutement pour remplacer le talent sortant.

Il revient également au salarié de se questionner sur ses aspirations et d’entamer une démarche réflexive si cette opportunité se présente, car une transition, même au sein de son entreprise, reste un changement. Cette situation pourrait, par exemple, convenir à une agente logistique dont les stations debouts et la charge de cadence de travail viennent compliquer la gestion de ses douleurs. 

Quelle que soit la solution projetée, il est important de s’inscrire dans une démarche d’inclusion. La première étape, que ce soit dans le milieu scolaire ou professionnel, serait de sensibiliser cet entourage à cette maladie invisible et pouvant être handicapante lorsqu’une salariée ou plusieurs en sont atteintes. 

Cette démarche est proactive auprès des écoles, dont de nombreux programmes dispensent des cours en lien avec l’inclusion et la diversité, notamment pour les filières en ressources humaines. Les différents types de handicap y sont abordés ainsi que les dispositifs d’accompagnement des salariés en entreprise. 

En entreprise, ce rôle de sensibilisation et d’accompagnement peut revenir à un référent handicap interne ou externe. D’ailleurs, depuis la loi du 22 mai 2019 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les entreprises qui ont atteint l’effectif de 250 salariés doivent désigner un référent handicap. 

Vous l’aurez compris, il n’y a pas une mais des endométrioses. Pour autant ce n’est pas une barrière à l’accomplissement d’un travail de qualité lorsque les dispositifs d’accompagnement et de flexibilité sont prêts à être actionnés. 

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