Sexe au travail : qu’est-ce que je risque ?

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Un regard appuyé à la machine à café, un dîner professionnel qui s'éternise, des heures supplémentaires en tête-à-tête qui glissent vers autre chose... Et voilà : vous avez succombé à l'attraction fatale entre collègues. Et au petit matin, une question pragmatique surgit : juridiquement, qu'est-ce que je risque si je couche avec un/une collègue?
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80 % des salariés affirment avoir déjà eu une romance au bureau, un rendez-vous ou un rapport sexuel avec un collègue selon une étude Zety parue en 2025. L’amour est donc partout, au bureau…ou sur le bureau puisque selon une étude IFOP plus de 3 collaborateurs sur 10 se sont déjà livrés à des ébats sur leur lieu de travail avec un ou une collègue.

Avoir des relations, sexuelles ou amoureuses, entre collègues n’est pas interdit, mais ce n’est jamais anodin.

Si le droit protège les histoires de cœur (et de corps) au travail, il encadre aussi leurs conséquences lorsqu’elles franchissent la sphère professionnelle.

Et si le pouvoir rendrait sexy, charismatique et audacieux, attention, car être manager peut vous rendre plus séduisant(e) mais présente plus de risque pour votre poste !

Culture RH ose répondre à la question que personne n’ose se poser : est-ce que je risque mon job si je couche avec un(e) collègue ?

Réponse d’expert juridique (mais pas en vie sentimentale) pour savoir si votre crush peut vous conduire au crash au travail !

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Vie privée au travail : un droit protégé … jusqu’à un certain point

Commençons par la bonne nouvelle : le droit protège votre vie privée, y compris vos relations intimes.

Ne cherchez pas dans le Code du travail, c’est l’article 9 du Code civil qui pose le principe que : “Chacun a droit au respect de sa vie privée.” (Même quand cette vie privée se joue entre la photocopieuse et la salle de pause.)

Le Code du travail rappelle également qu’aucune restriction à vos libertés individuelles n’est autorisée si elle n’est pas justifiée et proportionnée.

Ce que ça signifie concrètement ? Votre vie amoureuse et sexuelle reste votre affaire, même quand elle implique un·e collègue.

Un employeur ne peut ni vous interdire ni vous sanctionner simplement parce que vous avez une relation avec quelqu’un de l’entreprise.

La Cour de cassation a d’ailleurs posé le principe selon lequel “ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement le motif tiré de la vie personnelle du salarié.”

Votre employeur ne peut donc pas, en principe, s’immiscer dans vos histoires de cœur (ou de corps).Cela relève de la sphère privée du salarié.

Et par conséquent une liaison entre collègues ne constitue pas, en elle-même, une faute professionnelle. Qu’elle soit pour un soir…ou pour la vie!

Mais attention : ce n’est pas un permis de “s’aimer” n’importe où, n’importe quand, ou n’importe comment…

Les limites du bouclier “vie privée” : quand Cupidon perturbe l’open space

Si la loi protège votre vie privée, elle n’est pas aveugle aux conséquences professionnelles que peut entraîner votre idylle.

En d’autres termes : votre droit à l’amour s’arrête là où commence la perturbation de l’entreprise et quand votre relation cause un trouble objectif dans l’entreprise.

Il y a “trouble objectif” quand votre relation :

  • Perturbe l’ambiance de travail (disputes publiques, démonstrations affectives gênantes, tensions).
  • Affecte la productivité (trop de temps passé à roucouler, moins à travailler).
  • Crée un climat de favoritisme ou de rivalité dans l’équipe.
  • Génère des comportements incompatibles avec vos fonctions (absence de discrétion dans un poste sensible, par exemple).

La Cour de cassation a validé le licenciement de salariés dont la rupture amoureuse avait généré un climat toxique au sein de l’équipe( Cass. Soc. 28 novembre 2018, n° 17-15.379).

Ce n’était pas la relation elle-même qui posait problème, mais ses conséquences sur l’environnement de travail.

Dans une autre affaire, la Cour a jugé légitime le licenciement de deux salariés qui s’échangeaient des démonstrations affectives excessives pendant le temps de travail, perturbant ainsi le fonctionnement du service.

Ce n’est pas la relation qui pose problème en droit, mais ses manifestations déplacées dans l’environnement professionnel.

L’événement QVCT de l’année

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Morale de l’histoire : gardez vos mains (et tout le reste) pour après le boulot.

En pratique, évitez donc soigneusement :

  • Les SMS et mails enflammés depuis votre poste de travail (surtout sur la messagerie professionnelle).
  • Les pauses déjeuner qui s’éternisent mystérieusement à deux.
  • Les disputes conjugales au milieu de la réunion de service.
  • L’utilisation de la salle de conférence pour des “entretiens personnels” improvisés.
  • Les regards langoureux qui mettent mal à l’aise vos collègues.
  • Les rumeurs que vous lanceriez vous-même sur votre propre relation.

“L’amour rend aveugle, mais vos collègues voient très clair.”

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Quand le contrat est plus fort que le coeur!

Attention également aux relations, même d’un soir, quand elles risquent de compromettre l’obligation contractuelle de loyauté….et de créer des conflits d’intérêt !

Car si la frontière vie pro-vie privée a été franchie dans un sens, elle pourrait l’être dans un autre. Et on sait que certains secrets professionnels ne résistent pas sur l’oreiller !

La suite après la publicité

Un DRH l’a appris à ses dépens ! Le directeur des ressources humaines d’une collectivité territoriale a été licencié pour avoir entretenu une relation avec une élue de la même collectivité.

La Cour de cassation a validé ce licenciement, non pas à cause de la relation en elle-même, mais pour le manquement à l’obligation contractuelle de loyauté et d’indépendance attachée à sa fonction de DRH. Le DRH avait une position stratégique exigeant neutralité et loyauté. Sa relation créait un conflit d’intérêts objectif (l’élue pouvant influencer des décisions le concernant).

Et la Cour de cassation s’appuie aussi sur un manque de transparence dans un contexte où le “pour vivre heureux, vivons cachés” ne pouvait pas s’appliquer. Le DRH aurait dû déclarer sa relation amoureuse. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2024, 22-16.218, ).

“Et si je suis son/sa manager ? “: la relation à haut risque !

L’amour est aveugle mais attention si vous êtes manager et que vous avez une relation avec un·e subordonné·e, accrochez-vous : vous naviguez en eaux juridiquement troubles.

Les tribunaux sont particulièrement vigilants dans ces situations, et les entreprises encore plus.

Les jeux de pouvoir peuvent plaire à certains, mais ils présentent des risques, surtout pour le manager :

Le déséquilibre de pouvoir : Comment être sûr·e que le/la collaborateur/collaboratrice ne se sent pas obligé·e d’accepter vos avances ? La question du consentement libre et éclairé se pose nécessairement.

Le soupçon de favoritisme : Même sans preuve tangible, la simple perception suffit à créer des tensions dans l’équipe et à saper votre autorité. Vos décisions seront systématiquement suspectées de partialité.

Le conflit d’intérêts : Comment rester objectif pour évaluer, promouvoir ou sanctionner votre partenaire ? L’impartialité devient pratiquement impossible à garantir.

La responsabilité accrue : En tant que manager, vous êtes garant du bon fonctionnement de votre équipe. Si votre relation crée des dysfonctionnements, votre responsabilité sera davantage engagée.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 mars 2025, a d’ailleurs validé le licenciement pour faute grave d’un manager sur le fondement de son manquement à l’obligation de sécurité.

Ce directeur, amoureux éconduit, avait importuné sa collègue qui avait rompu, par de nombreux moyens (téléphone portable, ligne fixe personnelle, messageries professionnelle et personnelle notamment), y compris sur le lieu de travail. La salariée qui avait pourtant dit “stop” avait fini par craquer et avait saisi le médecin du travail, épuisée et se sentant menacée professionnellement.

La Cour de cassation a considéré que les agissements litigieux, bien que relevant de la vie personnelle du salarié, constituaient un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités et qu’une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise (Cass. Soc. 26 mars 2025 n°23-17.544 F-B).

Et même quand la relation est consentie, vous n’êtes pas à l’abri de sanction !

Une salariée, après plusieurs années de relation torride avec son manager, l’accuse brusquement de harcèlement sexuel, et produit les nombreux sms à caractère pornographique adressés du téléphone professionnel. Le manager est licencié pour faute grave pour harcèlement sexuel.

Finalement, les juges reconnaissent que la salariée était totalement consentante. Pas de harcèlement sexuel donc pas de faute grave. Mais son licenciement reste justifié en raison de son poste hiérarchique et du scandale que toute cette histoire a causé!  (Cass. Soc. 25 sept. 2019 pourvoi n°17-31.171) 

Vous l’avez compris, sexe et lien hiérarchique peuvent vite être une combinaison dangereuse !

Les conseils pour que votre lovestory ne finisse pas en licenciement !

Pas besoin d’être lovecoach pour vous donner quelques conseils afin d’éviter que votre folle nuit d’amour ne se termine en fiasco professionnel !

Pour tous les salariés :

Ne laissez pas votre vie sentimentale affecter votre travail ou celui des autres. Et même si ca tombe sous le sens, on ne fait pas n’importe quoi sur le lieu de travail !

De la discrétion oui mais en cas de conflit d’intérêts, il faut en parler ! Votre RH préférée adore les séries romantiques et elle est là aussi pour trouver des solutions en terme d’organisation de service !

Pour les managers – quelques règles supplémentaires :

N’utilisez JAMAIS votre position d’autorité comme levier de séduction (sinon c’est un flirt avec le délit de harcèlement sexuel !)

Soyez irréprochable dans vos décisions professionnelles concernant votre partenaire : pas de favoritisme.

Et si votre relation d’un soir est une relation pour toujours, soyez transparent et prévenez votre hiérarchie et votre RH pour trouver une solution en terme d’organisation. Loin des yeux peut sauver votre relation et votre poste !

Conclusion : Entre liberté et responsabilité

La règle d’or : la vie privée reste privée, mais ses manifestations au travail doivent demeurer strictement professionnelles.

Le respect mutuel, la transparence quand elle est nécessaire et la discrétion sont les piliers d’une relation amoureuse au travail qui ne tournera pas au cauchemar juridique.


Et si vous êtes manager, réfléchissez-y à trois fois, voire envisagez sérieusement de chercher l’amour ailleurs que dans votre équipe !

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