Harcèlement sexuel en entreprise: définition, prévention, sanction… Que dit le droit ?

Harcèlement sexuel en entreprise: définition, prévention, sanction… Que dit le droit ?
Claire Maugin

Le phénomène #metoo a révélé l’ampleur du harcèlement sexuel dans la société, et notamment dans les relations professionnelles. A la suite de cela, le législateur, qui s’était déjà emparé du sujet, a renforcé les obligations qui s’imposent aux employeurs.

Qu’est-ce que le harcèlement sexuel en entreprise ? Comment réagir face à une dénonciation ? Comment prévenir de telles situations ? Quelles sanctions ?

Cet article fait le point sur ces différentes questions.

Harcèlement sexuel au travail : de quoi parle-t-on ?

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Le Code du travail impose à l’employeur de lutter contre le harcèlement sexuel dont peuvent être victimes les salariés.

Quant au Code pénal, il sanctionne le harcèlement sexuel, qui constitue un délit, quel que soit le lieu où il se déroule, y compris donc, au travail.

Or, ces textes proposent des définitions complexes, et légèrement différentes , de ce comportement.

Que dit le Code du travail ?

Selon le Code du travail, le harcèlement sexuel à l’égard d’un salarié peut prendre plusieurs formes :

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  • des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant et humiliant, ou créant à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  • par assimilation, toute forme de pression grave exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers. La notion de répétition du comportement est absente dans ce deuxième cas (Code du travail, article L 1153-1)

Remarques : Il résulte de cette définition que le harcèlement sexuel n’est pas nécessairement le fait d’un supérieur hiérarchique.

Par ailleurs, un tel comportement peut être sanctionné même s’il se déroule en dehors du temps et du lieu de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2012, n° 10-12930).

Enfin, le harcèlement suppose, bien entendu, le non-consentement de la victime (Cour de cassation, chambre sociale, 25 septembre 2019, n° 17-31171).

Exemples.
Constituent un harcèlement sexuel de la part d’un salarié les faits suivants :

– faire parvenir à une jeune femme travaillant dans l’entreprise de longs courriers manuscrits, de nombreux courriels par lesquels il lui faisait des propositions et des déclarations, lui exprimer le souhait de la rencontrer seule dans son bureau, lui adresser des invitations qu’elle a toujours refusées, lui faire parvenir des bouquets de fleurs et reconnaître sa propre insistance ou sa lourdeur et que la différence d’âge, d’ancienneté et de situation professionnelle auraient dû l’inciter à plus de réserve et de respect vis-à-vis de cette salariée nouvellement
embauchée (Cour de cassation, chambre sociale, 28 janvier 2014, n° 12-20497) ;

– organiser un rendez-vous avec une collaboratrice placée sous ses ordres pour un motif professionnel en dehors des heures de travail et l’entraîner à cette occasion dans une chambre d’hôtel (Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2012, n° 10-12930).

Est de nature à caractériser un harcèlement sexuel le fait de tenir à jeunes stagiaires les propos suivants : “bon, c’est quand qu’on couche ensemble” et de leur poser des questions intimes sur leur vie privée (Cour de cassation, chambre sociale, 3 décembre 2014, n° 13-22151).

En revanche, il n’y a pas de harcèlement sexuel dans les circonstances suivantes : La salariée plaignante a répondu aux SMS du salarié accusé, sans que l’on sache lequel d’entre eux a pris l’initiative d’adresser le premier message ni qu’il soit démontré que ce dernier a été invité à cesser tout envoi. Elle a, d’autre part, adopté sur le lieu de travail à l’égard du salarié une attitude très familière de séduction. Elle a ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque (Cour de cassation, chambre sociale, 25 septembre 2019, n° 17-171).

Que dit le Code pénal ?

La définition du harcèlement sexuel par le Code pénal est sensiblement plus large que celle du Code pénal :

  • elle inclut les propos et comportements sexistes ;
  • l’infraction est également constituée lorsque les propos ou comportements sont imposés à une même victime soit par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée, soit successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Le harcèlement sexuel constitue un délit, qui peut être puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Les peines peuvent être plus lourdes en cas de circonstances aggravantes, telles que l’abus d’autorité ou la vulnérabilité de la victime par exemple.

A savoir. Le harcèlement sexuel doit être distingué de l’agression sexuelle, constituée par toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise, et pouvant être punie de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, peines alourdies en cas de circonstances aggravantes ou de viol (Code pénal, articles 222-22 et suivants).
Il doit également être distingué du harcèlement moral, qui est dénué de connotation sexuelle.

Texte de l’article 222-33 du Code pénal.

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
L’infraction est également constituée :
1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Un salarié se plaint de subir un harcèlement sexuel : que faire ?

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Selon le Code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel (Code du travail, article L 1153-1) et l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires pour y mettre un terme (Code du travail, article L 1153-5).

En conséquence, la plainte d’un salarié auprès de son supérieur hiérarchique, d’un responsable des ressources humaines, ou même directement auprès du chef d’entreprise, appelle une réponse rapide et adaptée.

A savoir. Le ministère du travail propose sur son site un guide très complet intitulé Réagir face au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes.

Comment analyser la situation ?

La première étape doit être d’établir la réalité des faits.

Pour cela, bien que le Code du travail ne le prévoie pas, il est conseillé de procéder à de premiers échanges avec d’une part la présumée victime, et d’autre part, l’éventuel auteur des faits. Si la réalité du harcèlement paraît probable, il est alors recommandé de mener une enquête plus approfondie.

Attention : Il convient de faire preuve de discrétion pour protéger les personnes impliquées.

Cette enquête peut être conduite par le service chargé des ressources humaines. Un représentant du personnel, notamment le référent harcèlement sexuel du comité social et économique, peut y être associé.

A savoir. Si l’entreprise compte plus de 250 salariés, et qu’elle a nommé un référent harcèlement sexuel intégré au service des ressources humaines, l’enquête pourra éventuellement lui être confiée. Sinon, il pourra y être associé.

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Au cours de l’enquête, on pourra :

  • recueillir le témoignage de la victime présumée de façon approfondie ;
  • interroger les collègues de travail et supérieurs hiérarchiques de la victime présumée et de la personne mise en cause, et tout autre témoin éventuel ;
  • entendre les explications de la personne accusée de harcèlement ;
  • auditionner la personne à l’origine du signalement ;
  • entendre des représentants du personnel et le médecin du travail ;
  • réunir les éléments matériels, s’ils existent : lettres, mails, SMS etc. 

A savoir.  Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés (Code du travail, article L 1153-3).

Un rapport d’enquête regroupera les comptes-rendus des auditions, les pièces recueillies et les conclusions de l’enquête.

Est-il possible de prendre des mesures temporaires ?

Oui. Si les premiers éléments de l’enquête laissent penser que les faits sont avérés, il convient de prendre des mesures pour protéger la victime en lui évitant autant que possible d’être en contact avec l’auteur des faits.

Exemples.
Les mesures temporaires suivantes peuvent être envisagées :
– muter temporairement l’un ou l’autre dans un autre service ;
– proposer un télétravail ;
– prendre une mesure de mise à pied à effet immédiat de l’auteur du harcèlement (Code du travail, article L 1332-3).

Il est aussi recommandé de proposer à la victime une visite médicale auprès du médecin du travail.

Que faire si le harcèlement est avéré ?

Si l’enquête conclut à la réalité du harcèlement, l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue d’y mettre un terme (Code du travail, article L 1153-5). Il peut ainsi prendre à titre définitif l’une des mesures évoquées plus haut.

Il doit également prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de son auteur (Code du travail, articles L 1153-5 et L 1153-6).

S’agissant du harcèlement sexuel, les tribunaux admettent le plus souvent qu’il soit procédé au licenciement pour faute grave du salarié.

A savoir. Rappelons que les sanctions disciplinaires peuvent être de plusieurs ordres : avertissement ou blâme, rétrogradation, mise à pied disciplinaire, ou licenciement, pour faute simple ou pour faute grave.

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Et s’il ne l’est pas ?

Comme on l’a vu, plus haut, en principe, une personne qui a témoigné de faits de harcèlements ne peut pas être sanctionnée pour cela. Cela vaut même si en fin de compte les faits ne sont pas avérés, à condition que le témoignage ait été fait de bonne foi, auprès des personnes compétentes pour recevoir ce type de témoignage.

En revanche, celui qui prétend avoir été victime ou témoin d’un harcèlement et dénonce un salarié avec une intention malveillante pourra être, selon les cas :

Que faire si la victime s’est adressée à un représentant du personnel ?

Le Code du travail prévoit un dispositif particulier, communément appelé droit d’alerte, permettant à un membre du comité social et économique (CSE) d’alerter l’employeur d’un cas de harcèlement, afin qu’il engage une enquête et prenne les mesures nécessaires.

L’article L 2312-59 prévoit ainsi que si un membre de la délégation du personnel au CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale, qui peut résulter de faits de harcèlement sexuel, il en saisit immédiatement l’employeur.

L’employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du CSE et prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

Attention : Ainsi, dans ce cas, l’enquête est obligatoire, et elle doit être conduite avec le membre du CSE.

En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité des faits, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre du CSE avec l’accord du salarié, peut saisir le conseil de prud’hommes.
Celui-ci pourra ordonner toutes mesures propres à faire cesser le harcèlement et assortir sa décision d’une astreinte liquidée au profit du Trésor.

Quels sont les risques à rester inactif ?

Le salarié victime de harcèlement sexuel peut saisir la justice pour voir reconnaître la faute de l’employeur, et demander la réparation du préjudice qui en est résulté pour lui.

La faute de l’employeur peut être reconnue s’il n’a pas répondu à ses obligations de prévenir le harcèlement, et de le sanctionner et d’y mettre un terme s’il survient (Cour de cassation, chambre sociale, 17 mai 2017, 15-19300).

La victime peut également prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ou demander la résiliation judiciaire de son contrat. Si le juge accepte, la rupture produira les effets d’un licenciement nul, et l’employeur devra verser des indemnités au salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 20 février 2013, n° 11-26560, arrêt rendu au sujet d’un harcèlement moral, transposable au harcèlement sexuel).

Comment prévenir les cas de harcèlement dans l’entreprise ?

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L’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement (Code du travail, article L 1153-5).

Pour cela, le Code du travail impose qu’il procède à l’information des salariés. Pour le reste, il revient à l’employeur de définir, le cas échéant sous le contrôle du comité social et économique, les mesures qu’il entend mettre en œuvre.

A savoir. La prévention du harcèlement sexuel fait partie de la prévention des risques psychosociaux.

Quels sont les informations obligatoires ?
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, l’employeur doit communiquer les informations suivantes, par tout moyen :
– le texte de l’article 222-33 du code pénal, rappelé en début d’article ;
les actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
– les coordonnées des autorités et services compétents (Code du travail, article L 1153-5).
Cette information précise l’adresse et le numéro d’appel :
1° du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l’établissement ;
2° de l’inspection du travail compétente ainsi que le nom de l’inspecteur compétent ;
3° du Défenseur des droits ;
4° du référent harcèlement sexuel présent dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés ;
5° du référent harcèlement sexuel désigné par le comité social et économique lorsqu’il existe (Code du travail, article D 1151-1).
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Claire Maugin

Journaliste juridique spécialisée en droit social