Entretien de recadrage : jeu d’équilibre entre remobilisation et démotivation

Entretien de recadrage : jeu d’équilibre entre remobilisation et démotivation
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Recadrer un collaborateur est, pour le manager, un jeu d’équilibre délicat entre remobilisation et démotivation.
Comment trouver cet équilibre ? Quelles sont les étapes d’un entretien de recadrage réussi ?

Un entretien de recadrage est une entrevue entre un manager et un collaborateur qui fait suite à une faute de ce dernier, comme un écart au règlement intérieur, une attitude peu professionnelle ou pour évoquer tout autre problème concernant son travail.

L’intérêt premier de cet entretien est de redonner un cadre. Redonner le cadre consiste avant tout à rappeler au collaborateur :

  • La mission de l’entreprise et ses engagements vis-à-vis des clients.
  • La culture d’entreprise et ses valeurs.
  • Le règlement intérieur.
  • Sa fiche de poste ou de fonction avec sa place au sein de l’organigramme.
  • Les droits et les devoirs qu’impliquent l’appartenance à une équipe.
  • Les bonnes pratiques et la politique qualité de l’entreprise ….

Pour recadrer, il faut réagir vite, mais sans précipitation.

L’entretien de recadrage n’est pas un entretien disciplinaire et ne donne lieu à aucune notification écrite dans le dossier du salarié. Son objectif est de comprendre ce qu’il s’est passé et de renouer une confiance réciproque.

Cependant, recadrer un collaborateur est un exercice difficile et de nombreux managers éprouvent des difficultés à mener un entretien de recadrage. 

En effet, recadrer un collaborateur est un processus délicat qui nécessite de trouver, avec bienveillance et réalisme, un équilibre entre remobilisation et démotivation.

Nous verrons dans un premier temps comment recadrer un collaborateur sans le démotiver, mais en le remobilisant et en lui redonnant l’envie de s’investir. Puis nous aborderons, dans un deuxième temps, les étapes d’un entretien de recadrage réussi.

Abonnez-vous à la newsletter de Culture RH et recevez, chaque semaine, les dernières actualités RH.


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

L’entretien de recadrage : remobiliser sans démotiver

Recadrer sans démotiver

L’entretien de recadrage est un sujet sensible dans l’entreprise. Généralement, dans l’imaginaire collectif, sa simple évocation fait naître des images mentales négatives et du stress. 

Or le but de cet entretien n’est pas de punir le salarié, mais plutôt de corriger son comportement et de lui rappeler les conditions d’exercice de son poste  (règles à respecter, attitude et comportement au travail…). 

C’est également une entrevue qui permet d’ouvrir le dialogue avec le collaborateur, qui pourra justifier ses agissements, mais aussi, peut-être, partager ses difficultés et ses problèmes. 

Car parfois, l’erreur de l’employé n’est pas volontaire, elle est le fruit d’une méconnaissance des règles de l’entreprise.

Or, s’il est mal conduit, l’entretien de recadrage peut démotiver le salarié.

Voici quelques exemples de situations qui peuvent démotiver le collaborateur lorsque le manager fonde l’entretien de recadrage sur :

  • Des faits imprécis : « on m’a dit que… », « il paraît que…»
  • Une opinion personnelle : «  je ne vous trouve pas très motivé actuellement… »
  • La généralisation d’ un comportement : « vous êtes toujours en  retard, jamais à l’heure » 
  • Un manque d’écoute et de reconnaissance.
  • Des reproches, des accusations, des jugements.
  • Des conseils, des solutions prêtes à l’emploi au lieu de responsabiliser le salarié à trouver des solutions. 

L’entretien de recadrage doit donc être mené avec respect et bienveillance. C’est au manager d’instaurer ce climat de confiance qui favorisera l’échange.

Recadrer pour remotiver : le recadrage bienveillant

Mener un entretien de recadrage revêt une grande importance dans la gestion d’une équipe. Cet entretien doit intervenir suite à une première remarque du N+1 concernant le travail et les règles établies et non suivi d’effet.

L’entretien doit intervenir dans les quarante-huit heures afin d’avoir la mémoire des événements. Si l’on laisse passer trop de temps, cela peut sous-entendre que ce n’est pas important.

Mais l’entretien de recadrage doit toujours être mené avec bienveillance.

En effet, le but de cet entretien est de garder intacte et/ou de renforcer la motivation du salarié en lui faisant comprendre les conséquences de son attitude et/ou de son erreur afin qu’il réintègre la dynamique de l’équipe.

Le collaborateur doit sortir de cet entretien en ayant compris ce qui lui était reproché, tout en ayant amélioré la relation avec son supérieur.

À cette fin, le manager doit chercher à comprendre ce qu’il s’est passé, renouer le dialogue et la confiance. Il peut y avoir eu un dysfonctionnement ou une mauvaise compréhension des process ou des règles.

Pour cela, il doit être factuel, c’est-à-dire s’en tenir aux faits et rien qu’aux faits.

Le manager ne doit donc pas se laisser aller aux émotions, mais simplement être dans l’écoute active et emmener le collaborateur à se responsabiliser et à trouver la solution au problème par lui-même. 

Le recadrage d’un collaborateur, s’il est bien mené, est donc un acte bienveillant dont il découle des échanges authentiques et profonds dans un climat de confiance mutuelle.

Si le salarié peut percevoir cet entretien comme une opportunité pour mobiliser de nouvelles ressources, travailler différemment, progresser et se remotiver, il peut plus facilement accepter de se remettre en question et se repositionner dans sa mission.  

Mais un recadrage en toute bienveillance n’est pas chose naturelle et doit être préparé et structuré

Les étapes à respecter pour un entretien de recadrage réussi

Pour être mené de manière optimale, agréable et efficace pour le collaborateur comme pour le manager, l’entretien de recadrage devrait suivre les étapes suivantes.

Trouver le bon moment pour recadrer le salarié

Comme nous l’avons évoqué, il convient de choisir le moment opportun pour effectuer le recadrage, c’est-à-dire ni à chaud juste, après la survenue du problème, ni dans un délai trop long, ce qui ferait perdre tout son sens à cet entretien.  

Adresser une convocation qui n’effraie pas le salarié

Avant de convoquer le collaborateur, le manager doit être certain que la dérive constatée justifie un entretien de recadrage. 

Dans le contenu de sa convocation, il doit veiller à faire passer un message encourageant et bienveillant et, à cette fin, à employer des termes appropriés et mesurés. 

Par ailleurs, la convocation doit être envoyée suffisamment tôt pour permettre au collaborateur de se préparer en amont.

Préparer l’entretien

L’entretien de recadrage ne s’improvise pas. Comme tout entretien professionnel, il se prépare en amont et la rédaction d’ une trame générale de l’entretien est recommandée :

  • Quel message faire passer ?
  • Comment aborder le sujet ?
  • Quelles questions poser ?
  • Quelles sont les preuves tangibles pour appuyer les dires ?
  • Quelles solutions envisager ?

Accueillir le salarié et le mettre à l’aise

L’accueil que le manager réservera au salarié est déterminant. Il est recommandé que cet accueil soit positif et cordial de sorte que la relation hiérarchique ne soit pas un frein à la communication et que le collaborateur se sente à l’aise.

Dès le début de l’entretien, il est nécessaire d’annoncer au salarié de manière claire et explicite la raison et les objectifs de l’échange.  

À lire également :

Présenter de manière objective les faits et leurs conséquences

C’est une étape importante de l’entretien, car c’est à ce moment précis que le manager justifiera l’organisation de l’entretien de recadrage. 

Il est essentiel de présenter au salarié, avec calme et avec la plus grande objectivité possible, ce qui lui est reproché, en s’appuyant sur des faits précis, lui présenter également les conséquences qui en ont découlé et leur impact sur l’activité de l’entreprise ou sur l’équipe. Si des preuves tangibles et objectives existent pour illustrer les propos, il ne faut pas hésiter à les présenter, mais toujours avec du recul et de la courtoisie. 

Le manager doit toujours être factuel et éviter de se laisser aller aux émotions. 

En effet, rappelons-nous que l’objectif de l’entretien de recadrage n’est pas d’accuser le collaborateur, mais de lui faire prendre conscience de son erreur afin qu’il puisse capitaliser sur cette erreur.

Être à l’écoute 

Une fois les faits exposés, le collaborateur peut être dans l’incompréhension ou sur la défensive.

Le manager devra alors faire preuve d’écoute et lui laisser la possibilité de s’exprimer sur la situation. Il doit comprendre ce qu’il s’est passé, il pourra demander au collaborateur des explications précises et lui donner le temps nécessaire pour développer ses arguments. En effet, sa perception des choses, bien souvent différente de celle du manager sur les faits reprochés, pourra être un levier pour construire un échange constructif et trouver des solutions adaptées. 

Cependant si les justifications apportées par le salarié manquent de sens ou sont en désaccord avec les faits, le manager est en droit de le recadrer et de lui faire comprendre qu’il doit assumer sa part de responsabilité.

Trouver des solutions

Chacun ayant pris le temps d’échanger et de donner ses arguments, le manager doit s’assurer que le collaborateur a bien compris l’erreur commise. Son approbation est importante avant d’aborder la proposition de solutions, qui, à défaut d’approbation, pourraient être rejetées. 

Puis arrive le moment de trouver des solutions communes pour améliorer la situation. L’idéal est de parvenir à une solution constructive et réalisable, co-construite entre le manager et le collaborateur et satisfaisante pour tous les deux. 

Il est recommandé d’impliquer le salarié en lui demandant d’abord ce qu’il souhaite mettre en place pour s’améliorer et comment il peut y être aidé.  

Il est nécessaire de reformuler le plus possible les solutions proposées pour éviter tout malentendu ou zone d’ombre.

Si besoin, il peut être utile de poser sur papier les moyens et objectifs d’amélioration sur les mois à venir et se mettre d’accord sur un échéancier.

Cela permet de responsabiliser le collaborateur et l’incite à s’engager. 

Il n’est pas inutile de préciser les conséquences en termes de sanction si le changement ne se produit pas. 

Conclure et accompagner

Après avoir mis les choses au clair et trouvé un accord mutuel sur la façon de résoudre la situation, il est important de terminer l’entretien sur une note positive, par exemple, en renouvelant au collaborateur la confiance de l’entreprise, en le remerciant du temps accordé et de son ouverture d’esprit ou encore en l’invitant à solliciter de l’aide si un problème arrivait. L’important est qu’il se sente sécurisé et soutenu.

La conclusion d’un tel entretien sur une note positive jouera un rôle essentiel sur la motivation du collaborateur et son désir de se perfectionner. 

Le rôle du manager pourra être ensuite d’accompagner le salarié en l’aidant à mettre en œuvre les solutions envisagées lors de l’entretien. 

Il peut être utile également d’organiser une seconde entrevue quelques semaines plus tard pour faire le point sur les futures améliorations. 

L’objectif de l’entretien de recadrage étant de renouveler la confiance, et puisqu’il ne s’agit pas d’un avertissement, aucune trace écrite n’est nécessaire.

En suivant ces étapes, l’entretien de recadrage devrait être mené avec succès et toutes les conditions sont réunies pour que le N+1 en sorte conforté dans sa posture managériale et que son collaborateur voit sa confiance reboostée.

À lire également :

Partager l'article

Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.