Le suivi médical des salariés en entreprise : tout savoir !

Le suivi médical des salariés en entreprise : tout savoir !
Céline Le Friant

En dehors de la traditionnelle visite médicale d’embauche, la médecine du travail intervient à chaque moment clé de la vie des salariés. Découvrez lesquels !

Les salariés bénéficient d’un suivi médical obligatoire tout au long de leur vie professionnelle dans l’entreprise.

Ce suivi concerne tous les collaborateurs quel que soit le contrat ou le temps de travail : CDI, CDD, saisonniers, apprentis, temps partiels, … En revanche, la surveillance médicale s’adapte aux spécificités du métier, aux conditions de travail et au salarié lui-même (âge, handicap, etc.).

La réglementation actuelle découle de la loi du 8 août 2016 et du décret du 27 décembre 2016 (en vigueur depuis le 1er janvier 2017). Cette modernisation de la médecine du travail vient apporter des changements notables concernant le suivi médical des salariés. Elle modifie par exemple les modalités des visites, qui peuvent désormais être assurées par d’autres praticiens que le médecin du travail (infirmiers et infirmières notamment), ainsi que la périodicité du suivi.

Quelles sont les différentes visites médicales obligatoires ? Quelles sont leurs conséquences ? En cas de méconnaissance de ces obligations, quelles sanctions risque l’employeur ?

Les différentes visites obligatoires.

Le Code du travail prévoit un certain nombre de visites, que ce soit à l’embauche, au cours du contrat ou après un arrêt de travail.

Visite d’information et de prévention.

À l’embauche.

Tous les salariés bénéficient obligatoirement d’une visite d’information et de prévention au moment de l’embauche (C. trav. art. L 4624-1 et R 4625-1). Il appartient à l’employeur d’organiser cette visite avec le centre de médecine du travail dont il dépend.

En pratique, la demande de visite est automatiquement faite lors de la déclaration préalable à l’embauche. Pensez néanmoins à vérifier que la médecine du travail vous transmette bien un rendez-vous.

Cette visite doit avoir lieu dans les 3 mois suivant la prise de poste (C. trav. art. R4624-10).

Attention – Travailleurs de nuit et jeunes de moins de 18 ans : la visite doit avoir lieu avant leur affectation sur le poste.

Depuis la réforme de 2016, cette visite n’est plus forcément effectuée par le médecin du travail. Elle est réalisée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire de santé, le plus souvent un ou une infirmier-e.

Cette visite permet :

  • D’interroger le salarié sur son état de santé.
  • De l’informer de son suivi médical.
  • D’identifier si son poste ou sa situation nécessite une visite auprès du médecin du travail.

En fin de visite, le praticien délivre une attestation de suivi au salarié ainsi qu’à l’employeur.

Votre salarié a déjà bénéficié d’une visite d’information et de prévention dans les 5 ans avant son embauche (précédent employeur) ?

Dans ce cas, vous n’êtes pas tenu de lui faire passer cette visite si :

  • Il occupe un emploi avec des risques équivalents.
  • Il n’a pas fait l’objet d’aménagement de poste, de mesures individuelles d’adaptation, de transformation de poste dans les 5 ans.
  • Le praticien de santé dispose de sa dernière attestation de suivi (ou dernier avis d’aptitude).

Visites périodiques.

Cas général.

La visite d’information et de prévention est périodique. Elle doit être renouvelée selon une périodicité fixée par le médecin du travail, sans pouvoir excéder 5 ans (C. trav. art. R 4624-16).

Suivi individuel adapté.

Dans certains cas, la périodicité de la visite ne peut pas excéder 3 ans (C. trav. art R4624-17). Cela concerne :

  • Les travailleurs de nuit.
  • Les jeunes de moins de 18 ans.
  • Les travailleurs handicapés ou percevant une pension d’invalidité.
  • Les femmes enceintes, ayant accouché ou allaitante.

Ces salariés peuvent également bénéficier du suivi médical renforcé si le médecin du travail l’estime nécessaire (R 4624-21).

Suivi médical renforcé.

Ce suivi spécifique concerne tous les salariés occupant un poste “présentant des risques particuliers pour sa santé, sa sécurité, celles de ses collègues ou de tiers” (C. trav. art. L 4624-2, R 4624-2-1, R 4624-22).

Il s’agit des salariés exposés à des :

  • Substances ou agents dangereux : amiante, plomb, agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, agents biologiques susceptibles d’entraîner des maladies graves.
  • Rayonnements ionisants.
  • Risques hyperbares.
  • Risques de chute en hauteur (montage et démontage d’échafaudages).
  • Travaux dangereux des moins de 18 ans.

Cette liste n’est pas exhaustive. L’employeur peut la compléter, de manière motivée, après avis du médecin du travail et du CSE.

Les salariés concernés bénéficient de (R 4624-28) :

  • Avant l’embauche : un examen médical d’aptitude (remplaçant la visite d’information et de prévention) effectué par le médecin du travail. Cet examen permet de vérifier que le salarié est apte à ce poste. Le médecin délivre un avis d’aptitude (ou d’inaptitude).
  • Tous les 4 ans (maximum) : visite périodique par le médecin du travail.
  • Tous les 2 ans : visite intermédiaire effectuée par un(e) infirmier(e) de médecine du travail.

Visite de reprise.

Les salariés bénéficient d’une visite supplémentaire après certains arrêts de travail (C. trav. art. R 4624-31).

  • Congé maternité.
  • Absence pour maladie professionnelle.
  • Absence pour accident du travail, maladie ou accident non professionnel si l’absence a duré au moins 30 jours.

Cette visite est effectuée par le médecin du travail. Il vérifie si l’état de santé du salarié lui permet d’occuper son poste, préconise l’aménagement ou l’adaptation du poste ou délivre un avis d’inaptitude le cas échéant (R 4624-32 et 33).

Cette visite doit avoir lieu au plus tard dans les 8 jours suivant le retour effectif du salarié.

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La visite de reprise est obligatoire. Le refus répété du salarié peut motiver un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 17-10-2000 n° 98-46.334), voire même un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 29-11-2006 n° 04-47.302).

Conseil. Pensez à bien anticiper le retour des salariés concernés. Dès que vous avez connaissance de la date de fin de l’arrêt de travail, prenez rendez-vous auprès de la médecine du travail.

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Visite de pré reprise.

Elle concerne les salariés en arrêt de travail depuis plus de 3 mois. Facultative, elle est organisée sur demande du salarié, du médecin-conseil ou du médecin traitant (C. trav. art. R 4624-29 et 30, CSS art L323-4-1 et D 323-3).

La visite de pré reprise permet de préparer le retour à l’emploi. Le médecin du travail peut faire des recommandations relatives à l’aménagement du poste, une formation, un reclassement…

Elle ne dispense pas l’employeur de prévoir ensuite la visite de reprise.

Visite ponctuelle et examens complémentaires.

En dehors des cas cités ci-dessus, le salarié peut bénéficier d’une visite médicale à tout moment (C. trav. art. R 4624-34). Elle peut être à l’initiative de l’employeur, du médecin du travail ou du salarié.

Le médecin du travail peut également prescrire, aux frais de l’employeur, tout examen complémentaire qui lui semblera nécessaire : dépistage, analyses, prélèvements, etc.

Conséquences des visites médicales.

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Visites et temps de travail.

La plupart du temps, les différentes visites ont lieu sur les horaires de travail habituels du salarié. Si cela est impossible, elles peuvent être prévues en dehors du temps de travail à la condition qu’elles soient rémunérées comme temps de travail effectif (C. trav. art. R 4624-39).

Le temps passé en visite médicale est donc inclus dans le calcul des heures supplémentaires ou dans celui des durées maximales de travail.

Dans les établissements supérieurs à 200 salariés, le suivi individuel peut être réalisé sur place (C. trav. art. R 4624-40).

À lire également :

Avis aptitude.

Si le médecin du travail estime que le salarié peut occuper ou réintégrer son poste (selon les circonstances de la visite), il établit un avis d’aptitude. Ce dernier peut parfois être soumis à la mise en place d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail, ou d’aménagement de la durée du travail du salarié.

Cet avis est transmis au salarié et à l’employeur. Il doit être conservé dans le dossier du salarié, car il peut être demandé à tout moment par l’inspection du travail (R 4624-55).

L’employeur est dans l’obligation de tenir compte de cet avis, en particulier ici dans la mise en place d’un aménagement du poste (C. trav. art. L 4624-6).

Avis inaptitude.

Le médecin du travail peut déclarer un salarié inapte à son poste si (C. trav. art. L 4624-4 et L 4624-5, R 4624-42) :

  • Aucune mesure d’aménagement ou d’adaptation du poste n’est possible.
  • L’état de santé du salarié nécessite par conséquent un changement d’emploi.

L’avis d’inaptitude doit être motivé et doit préciser les consignes de reclassement du salarié (type de poste, rythme de travail, travaux à proscrire etc.).

Les conséquences d’un tel avis sont en effet importantes. L’employeur est dans l’obligation de s’y conformer et de proposer un reclassement au salarié conforme aux préconisations du médecin.

Si le reclassement est impossible (pas de poste disponible, refus du salarié, etc.) l’employeur devra procéder au licenciement du salarié pour inaptitude (C. trav. art. L 1226-2-1 , L 1226-12).

Mention sur l’avis d’inaptitude – En pratique, il est fréquent que l’avis d’inaptitude indique que le maintien dans l’entreprise est gravement préjudiciable à la santé du salarié et que tout reclassement est impossible. Dans ce cas, l’employeur est dispensé de son obligation de recherche de reclassement. Il peut engager directement la procédure de licenciement pour inaptitude.

Recours.

L’employeur peut contester les avis et propositions du médecin du travail devant le conseil des prud’hommes, dans un délai de 15 jours suivant leur notification (C. trav. art. L 4624-7, R 4624-45).

La procédure n’entraîne pas de suspension du contrat de travail. En cas de contestation d’un avis d’aptitude, l’employeur ne peut donc pas s’opposer à la reprise du travail du salarié (Cass. soc. 14-1-1998 n° 95-42.155).

À lire également :

Sanctions pour non-respect de ces obligations.

L’employeur ne respectant pas ses obligations concernant le suivi médical de ses salariés s’expose à des sanctions pénales et civiles.

Sanctions pénales.

En cas de méconnaissance des dispositions précitées (organisation des visites, respect des délais, etc.), l’employeur est passible d’une contravention de 5ème classe (C. trav. art. R4745-1), soit 1 500 euros d’amende et 3 000 euros en cas de récidive.

Dommages et intérêts.

En outre, l’employeur peut être condamné, dans certains cas, au versement de dommages et intérêts.

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Avant 2016, la cour de cassation considérait que l’absence de visite médicale causait nécessairement un préjudice et que le salarié devait être indemnisé (Cass soc 13 Dec 2006, n°05-44.580).

Depuis 2016, et un revirement de jurisprudence, l’absence de visite organisée par l’employeur ne justifie plus automatiquement le versement de dommages et intérêts.

Pour obtenir réparation, le salarié doit désormais apporter la preuve du préjudice subi par l’absence de visite d’embauche ou de toute autre visite obligatoire (Cass. Soc. 13 avril 2016, 14-28.293).

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Céline Le Friant

De formation juridique, j’ai pu évoluer en entreprise sur des postes de juriste en droit social, responsable paie, puis responsable RH. Forte de ces 13 années d’expérience, je travaille aujourd’hui à mon compte en tant que responsable RH et juriste en droit social à temps partagé. J’aide les entreprises à retrouver la sérénité dans la gestion de leurs salariés en intervenant de manière ponctuelle ou régulière, en fonction des besoins. Je propose également des missions de sous-traitance en droit social pour des cabinets d’experts comptables et d’avocats.