Actualités jurisprudentielles Mai 2023

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Priorité d'emploi des salariés à temps partiel, obligation de sécurité de l'employeur, conditions d'attribution d'une prime....Nous vous invitons à découvrir sans tarder quelques décisions jurisprudentielles récentes.

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Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

actualités jurisprudentielles mai 2023
Sommaire de l'article

Comme chaque mois, l’actualité jurisprudentielle de ce mois de mai est particulièrement riche et les sujets variés : priorité d’emploi des salariés à temps partiel, obligation de sécurité de l’employeur, conditions d’attribution d’une prime, convention de forfait en heures et indemnisation des jours fériés.

Nous vous invitons à découvrir quelques-unes des dernières jurisprudences de ce mois de mai 2023.

Priorité d’emploi des salariés à temps partiel

Cass. soc., 13 avril 2023, n°21-19742

En cas de litige sur la priorité d’emploi à temps plein d’un salarié à temps partiel, il appartient à l’employeur de prouver qu’il a bien rempli ses obligations.

Une salariée engagée à temps partiel saisit la justice afin de réclamer le versement de dommages et intérêts pour non-respect, par son employeur, de la priorité d’emploi dont elle bénéficiait. 

Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Paris déboute la salariée de sa demande au motif qu’elle n’a pas prouvé qu’il existait, dans l’entreprise, des emplois à temps complet disponibles correspondant à sa catégorie professionnelle. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et précise, qu’ en cas de litige, c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver qu’il a respecté la priorité d’emploi du salarié, soit en démontrant qu’il a porté à la connaissance du salarié la liste des emplois disponibles, soit en justifiant de l’absence de tels postes. 

À noter : pour prouver qu’il a bien respecté la priorité d’emploi d’un salarié, il est recommandé à l’employeur de lui remettre la liste des emplois disponibles correspondant à sa catégorie professionnelle (ou emplois équivalents) par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre contre décharge. 

Obligation de sécurité de l’employeur

Cass.soc., 13 avr. 2023, n°21-20.043

L’employeur qui ne justifie pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle manque à son obligation de sécurité.

Un salarié, suite à son licenciement, saisit les prud’hommes, devant qui il fait valoir un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en raison de sa charge de travail excessive et réclame, à ce titre, le paiement de dommages et intérêts.

La cour d’appel rejette sa demande au motif qu’aucun manquement ne pouvait être imputable à l’employeur et que le salarié ne démontrait pas un “rythme de travail important” :  sa responsable lui avait effectivement adressé de nombreux mails pour lui demander d’accomplir des tâches, mais dans des délais raisonnables.

Elle avait à plusieurs reprises expressément proposé de l’aide pour son activité au cas où il ne serait pas en mesure d’assurer certaines tâches et l’employeur qui a assuré le suivi médical du salarié, n’avait pas été destinataire d’une information particulière de la médecine du travail.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

Selon elle, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 Code du travail).  

En l’espèce, bien qu’alerté à plusieurs reprises par le salarié sur sa charge de travail et sur son état d’anxiété, l’employeur n’avait apporté aucune réponse à l’intéressé et n’a pris aucune mesure de nature à améliorer ses conditions de travail.

De plus, il ne justifiait pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels au cours desquels étaient évoquées la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle. 

De ce fait, selon la Cour de cassation, il y avait donc bien eu un manquement de sa part à l’obligation de sécurité.

À noter : en cas d’accident du travail, une charge de travail excessive peut faire partie des éléments pris en compte pour caractériser une faute inexcusable de l’employeur (Cass.soc. 19 sept.2013, n°12-22.156)

Conditions d’attribution d’une prime

Cass. Soc. 11 mai 2023, n° 21-25.136

L’attribution d’une prime, subordonnée à la durée de présence du salarié au sein de la société, ne doit pas porter atteinte à la liberté de travailler de celui-ci.

Le contrat de travail d’un salarié prévoit que lui soit versée une prime d’arrivée, subordonnée à une condition de présence après son versement.

En cas de démission dans les trente-six mois suivants la prise de poste, le salarié doit restituer partiellement ladite prime.

Ayant démissionné quelques mois après son arrivée, le salarié est contraint de rembourser une partie de la prime.

Il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de salaire de la partie de la prime qu’il avait dû rembourser.

La Cour de cassation donne raison au salarié et condamne l’employeur à verser au salarié la partie de la prime que ce dernier lui avait restituée.

En effet, elle rappelle, en premier lieu, qu’une prime, dont l’objet est de fidéliser les salariés, peut être subordonnée à une condition de présence du salarié à condition qu’elle ne porte pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à ses libertés fondamentales.

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Elle retient ensuite que le remboursement partiel de la prime en cas de démission du salarié fixait un coût à la démission. 

Par conséquent, la prime portait atteinte à la liberté de travailler du salarié.

La Cour condamne la société à verser au salarié la partie de la prime que le salarié lui avait restituée.

À noter : Cette décision de la Cour de cassation confirme une décision antérieure du 18 avril 2000, n°97-44.235, concernant une prime de fin d’année subordonnée au maintien du salarié dans l’entreprise pendant le semestre suivant dans laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation avait en plus qualifié la restitution de la prime de sanction pécuniaire illicite.

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La production de preuves par l’employeur

Cass.soc. 19 avril 2023, n°21-20.308

L’employeur peut produire le témoignage d’un salarié rendu anonyme pour justifier la sanction disciplinaire prise à l’encontre d’un autre salarié.

Un salarié fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire en raison de son comportement. Il saisit la juridiction prud’homale aux fins de contestation et d’annulation de cette sanction au motif que la preuve apportée par l’employeur repose sur un témoignage anonyme et qu’il ne peut pas se défendre d’une accusation anonyme.

La cour d’appel déclare sans valeur probante l’attestation du salarié qui avait accepté de témoigner sous anonymat, par crainte de représailles de la part de son collègue dont il dénonçait le comportement, et annule la sanction disciplinaire.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur la base des articles 6,1 et 3 de la CEDH, et considère que, dès lors que l’attestation anonyme d’un salarié n’est pas la seule pièce produite par l’employeur pour caractériser la faute du salarié dont il se prévaut, et qu’elle est corroborée par d’autres éléments de preuve, les juges doivent prendre en considération cet élément.

Cet arrêt est intéressant à double titre:

  • Il confirme la jurisprudence de la Cour de cassation en faveur d’une preuve libre aussi bien pour le salarié que pour l’employeur. Un employeur peut donc solliciter des témoignages auprès de ses salariés et les rendre anonymes dans le cadre d’un contentieux, à l’appui d’autres éléments de preuve. 
  • Cet arrêt semble opérer une distinction entre les témoignages anonymes, émanant d’une personne dont l’identité est inconnue, et les témoignages anonymisés, c’est à dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs, mais dont l’identité est connue par la commission d’enquête.

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Convention de forfait en heures

Cass.soc. 11 mai 2023, n°21-25.522

L’employeur ne peut pas se prévaloir de la qualité de cadre dirigeant pour contester la demande d’heures supplémentaires du salarié soumis à une convention de forfait en heures. 

Un  salarié, qui occupe les fonctions de Directeur général des opérations, est soumis à une convention de forfait en heures. Il saisit le Conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir la condamnation de l’employeur au paiement d’heures supplémentaires et les congés payés afférents, car il soutient que sa convention de forfait en heures est privée d’effet.

La Cour d’appel fait droit à la demande de rappel de salaire du salarié au titre de ses heures supplémentaires.

L’employeur se pourvoit en cassation. Selon lui, le salarié a la qualité de cadre dirigeant, compte tenu de son autonomie dans l’exercice de ses fonctions, la rémunération perçue et son pouvoir de prise de décisions et, par application de la législation afférente aux cadres dirigeants, aucune heure supplémentaire ne lui était due.

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La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur en précisant que « la conclusion d’une convention de forfait en heures, fût-elle déclarée illicite ou privée d’effet, ne permet pas à l’employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants ». 

Autrement dit, l’employeur ne peut pas invoquer la qualité de cadre dirigeant du salarié pour faire échec à sa demande de rappel d’heures supplémentaires résultant de l’inopposabilité de la convention de forfait en heures. 

Indemnisation des jours fériés


Cass. soc du 10 mai 2023, n°21-24.036

Dans le cadre d’une semaine de 4 jours instaurée dans l’entreprise par accord collectif, si un jour de repos tombe un jour férié chômé, il n’ouvre pas droit à indemnisation

Un salarié, qui bénéficiait d’un accord de réduction du temps de travail, saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir un jour de repos ou une indemnité compensatrice lorsqu’un jour prévu par l’accord de réduction du temps de travail coïncide avec un jour férié, et la majoration des jours fériés travaillés à 100 %.

L’employeur soutient qu’en l’absence de disposition contraire, la coïncidence d’un jour férié chômé avec un jour de repos ne doit pas donner lieu à compensation.

Débouté en appel, l’employeur se pourvoit en cassation.

La Chambre sociale casse la décision d’appel et juge que « les jours non travaillés, issus de la répartition de la durée de travail de trente-cinq heures sur quatre jours de la semaine, constituent des jours de repos qui n’ont pas vocation à compenser des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle, de sorte que la coïncidence entre ces jours et des jours fériés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à indemnité compensatrice». 

Autrement dit, lorsqu’un jour de repos prévu dans un accord collectif sur la semaine de quatre jours tombe un jour férié, il n’ouvre pas droit à une indemnisation complémentaire.

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