Accident du travail et Accident de Trajet : de quoi parle-t-on ?

Accident du travail et Accident de Trajet : de quoi parle-t-on ?
Céline Le Friant

Accident de trajet et de travail, parle t-on de la même chose ? Quels sont leurs conséquences ?
Faites le point sur la législation en matière d’accident de travail et de trajet.

La législation relative aux accidents du travail (AT) et accidents de trajet (ATJ) concerne toutes les entreprises, quel que soit leur effectif ou leur activité, ainsi que tous les salariés (CDI, CDD, intérimaire, en période d’essai, apprentis etc.).

En tant qu’employeur, il est important de ne pas confondre ces deux arrêts de travail. L’accident au sens strict du terme pose rarement problème. Mais vous pouvez être confronté à des circonstances plus complexes, plus compliquées à définir.

C’est le cas du salarié qui n’a qu’une blessure très légère, souffre de stress ou bien était en déplacement au moment de l’accident. S’agit il d’un accident du travail ? D’un accident de trajet ? Comment faire la différence ?

La distinction est primordiale, car les conséquences pour l’employeur et le salarié sont très différentes. Notamment, l’accident du travail qui entraîne une responsabilité importante de l’employeur et des conséquences financières qui peuvent être très lourdes.

Alors comment reconnaître et différencier un accident du travail et un accident de trajet ? Quelles sont les conséquences de ces deux motifs d’arrêt de travail ?

Définitions et critères de reconnaissance

Accident du travail

L’accident du travail est défini comme un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Trois critères cumulatifs sont nécessaires pour retenir cette qualification : un fait accidentel lié au travail ayant entrainé une lésion.

Un accident

Les faits doivent être accidentels, c’est-à-dire survenus de manière soudaine, à une date et dans des circonstances précises.

Quelques exemples :

Sont considérés comme accident du travail :

En revanche, n’ont pas le caractère d’un accident du travail :

Un lien avec le travail

L’accident doit être en lien direct avec le travail. Ce lien est établi s’il survient pendant l’exécution du contrat de travail, sur le lieu de travail et pendant que le salarié est sous l’autorité de l’employeur.

Accident sur le temps et le lieu de travail

L’accident doit avoir lieu pendant l’horaire de travail normal du salarié, ou si sa présence dans l’entreprise est requise, à l’occasion de son travail. Il peut s’agir du temps de repas, temps de pause, etc.

Le lieu de travail correspond à l’ensemble des locaux et dépendances de l’entreprise. Il peut s’agir du parking, de la cantine, des voies de circulation dans l’enceinte de l’entreprise, etc.

Exemple : une dispute entre 2 salariés ou une agression sur le lieu de travail sont considérés comme des accidents du travail (Cass. soc. 12-7-1990 n° 88-16.127).

En revanche, un accident survenu dans l’entreprise, pendant le temps de travail, mais alors que le salarié se livrait à des travaux indépendants de ses fonctions, ne sera pas reconnu comme accident du travail (Cass. soc. 16-4-1992 n° 90-10.320).

Quelques exceptions :

Un accident survenu en dehors du temps ou du lieu de travail peut parfois être reconnu comme accident du travail s’il peut être rattaché à l’activité professionnelle.

Exemple : un suicide, s’il est directement lié au travail (harcèlement, etc.) (Cass. soc. 20-4-1988 n° 86-15.690) ou une agression à domicile si elle est liée à sa mission (garde des clés d’une banque).

Salarié sous l’autorité de l’employeur

Cette condition exclut la reconnaissance de l’accident du travail pendant une suspension du contrat de travail ou après une rupture de contrat.

Par exemple, ne sont pas qualifiés d’accident de travail, les faits survenus :

  • Pendant une mise à pied, un congé, une grève, etc.
  • Après la rupture de la période d’essai.

Sauf à prouver le lien entre l’accident et le travail (suicide pendant un congé maladie suite à un harcèlement moral).

Une lésion

Le fait accidentel doit obligatoirement entraîner une lésion. La définition est assez large. Il peut en effet s’agir d’une :

  • Lésion physique superficielle ou profonde (plaie, entorse, coupure, infarctus, hémorragie cérébrale, etc.).
  • Lésion psychologique (stress, dépression, syndrome de stress post traumatique, etc.), même en l’absence de blessures physiques.

L’origine de la lésion n’a pas d’incidence sur le caractère professionnel de l’accident. L’accident peut en effet avoir été provoqué par des phénomènes extérieurs (outils, produits chimiques) ou bien être du fait du salarié lui même (effort, faux mouvement, etc.).

Cette lésion doit être obligatoirement constatée par un médecin.

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Accident de trajet

Point de départ et d’arrivée

L’accident de trajet survient pendant le trajet aller/retour du salarié entre son lieu de travail et :

  • Son domicile. Il peut s’agir d’une résidence secondaire s’il ne s’agit pas d’un lieu de séjour occasionnel ou temporaire (Cass. soc. 31-3-1981 n° 80-11.187).
  • Ou le lieu dans lequel il prend habituellement ses repas en dehors de l’entreprise (restaurant, etc.).

Le salarié doit avoir quitté de manière effective son domicile. Un accident survenu dans son garage, par exemple, n’est pas un accident de trajet.

Dans tous les cas, le lieu de travail doit toujours être le début ou la fin du trajet. Un accident survenu entre le lieu du repas et le domicile ou entre 2 résidences du salarié, n’est donc pas un accident de trajet.

La question de l’itinéraire

L’accident de trajet ne s’applique pas à n’importe quel itinéraire ni à n’importe quel moment.

Il doit s’agir de l’itinéraire :

  • Le plus direct par rapport à son lieu de travail. Il conserve néanmoins la possibilité d’adapter son trajet en fonction des circonstances (embouteillages…).
  • Effectué à un horaire cohérent par rapport à ses horaires de travail. Les trajets effectués en avance ou en retard ne seront donc pas protégés. Le salarié peut néanmoins prouver que cette situation est liée à son emploi. Ainsi, un accident survenu à un salarié rejoignant son domicile après une réunion syndicale (faisant directement suite à son temps de travail), a été reconnu comme accident de trajet. (Cass. soc. 21-3-1996 n° 93-16.070).

Que se passe t’il en cas d’interruption de trajet ou de détour ?

L’itinéraire reste protégé si le détour concerne :

  • Un covoiturage.
  • Une nécessité de la vie courante (crèche, école, magasin, médecin, etc.).

En sont donc exclus les motifs liés à un intérêt uniquement personnel ( par exemple, l’arrêt à une salle de sport).

La protection concerne donc le détour ainsi que le trajet avant et après l’interruption. En revanche, elle ne concerne pas les accidents survenus sur le lieu mème de l’interruption (chute dans les escaliers de l’école, par exemple).

La procédure à suivre

La procédure à suivre est identique qu’il s’agisse d’un accident du travail ou de trajet.

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Le salarié informe tout d’abord son employeur de l’accident. L’entreprise doit ensuite faire une déclaration auprès de la CPAM dans un délai de 48h maximum après avoir eu connaissance de l’accident.

Cette déclaration permettra à la CPAM d’instruire le dossier et de se prononcer sur le caractère professionnel, ou non, de l’accident.

Retrouvez toutes les phases de la procédure à suivre dans notre article : Accident de travail et accident de trajet, quelle procédure ?

A lire également :

Des conséquences différentes

L’enjeu de la distinction entre accident du travail et de trajet est très important. Leurs conséquences, qu’elles soient sociales ou financières, sont en effet très différentes pour l’entreprise et pour le salarié.

Protection en cas de rupture du contrat

Une protection spécifiques aux accidents du travail

L’arrêt de travail pour accident du travail entraîne la suspension du contrat du salarié (C.trav.art L1225-7). Cette suspension permet à ce dernier de bénéficier d’une certaine protection quant à la rupture de son contrat par l’employeur.

En revanche, cette protection spécifique ne concerne pas les salariés en accident de trajet. Ces derniers relèvent de la législation applicable en cas de maladie non professionnelle.

Sur le principe, l’employeur peut donc procéder à un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Néanmoins, le licenciement justifié par l’état de santé du salarié reste proscrit.

Durée de la suspension du contrat

Le contrat est suspendu pendant toute la durée de l’arrêt de travail. La suspension prend fin :

  • Lors de la visite de reprise, si celle ci est requise.
  • Ou lors de la reprise du travail par le salarié.

Attention. La suspension ne prend donc pas fin à la date de consolidation fixée par la CPAM (Cass. soc. 15-2-1995 n° 91-40.923).

Contrat à durée indéterminée (C.trav.art L1226-9)

Le salarié en CDI, victime d’un accident du travail, ne peut être licencié que dans les cas suivants :

  • Faute grave. L’employeur doit alors respecter la procédure disciplinaire classique ( délais de procédure, mention de la faute dans la lettre de licenciement,etc.).
  • Impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la maladie ou l’accident. Il doit s’agir de circonstances indépendantes du comportement du salarié et son état de santé.

Exemples d’impossibilité de maintien du contrat :

Contrat à durée déterminée (C. trav. art. L 1226-18 , L 1226-19)

La suspension du contrat de travail n’a pas d’incidence sur la date de fin du CDD. Si celle-ci se situe pendant la suspension, l’indemnité de fin de contrat se calcule comme si le contrat n’avait pas été suspendu (Cass. soc. 9-10-1990 n° 87-43.347).

Toute rupture anticipée est proscrite sauf à justifier d’une faute grave (manquement du salarié à son obligation de loyauté) ou d’une force majeure.

Que ce soit pour un CDI ou un CDD, tout autre motif de licenciement notifié pendant la suspension du contrat n’est pas valable. De même, le contrat ne peut pas être rompu pour tout autre motif : fin période d’essai, rupture d’un commun accord, etc.

La faute inexcusable de l’employeur

L’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat. En cas de manquement, le salarié victime d’un accident du travail pourra faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur devant les tribunaux.

En revanche, la faute inexcusable est exclue en cas d’accident de trajet (Cass. 2e civ. 8-7-2010 n° 09-16.180).

Notion de faute inexcusable

Le manquement à l’obligation de sécurité de résultat constitue une faute inexcusable si :

  • L’employeur avait conscience (ou aurait dû avoir conscience) du danger auquel il soumettait ses salarié, de par son expérience et ses connaissances techniques.
  • Et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés de ce danger.

La reconnaissance d’une faute inexcusable est financièrement très lourde pour l’employeur. Elle permet en effet à la victime (ou ses ayants droits) de bénéficier d’une majoration de la rente et d’une indemnisation complémentaire pour l’ensemble des préjudices subis.

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Indemnisation de la victime ou de ses ayants droits

Majoration de la rente ou du capital

Elle est calculée en fonction de l’importance de l’incapacité du salarié. Elle est plafonnée au salaire annuel en cas d’incapacité totale, ou à une proportion de ce salaire en cas d’incapacité permanente partielle.

Indemnisation des préjudices subis (CSS art. L 452-3)

Le salarié victime (ou ses ayants droits) peut demander devant le tribunal de la sécurité sociale la réparation des préjudices :

  • Esthétiques et d’agréments.
  • Pour souffrances physiques et morales.
  • Liés à la perte ou la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
  • Tous les autres préjudices non couverts par la sécurité sociale ( aménagement du domicile, refus d’assurance pour un prêt immobilier, etc.).

En cas d’incapacité totale, le salarié bénéficie également d’une indemnité forfaitaire correspondant au salaire annuel servant de calcul à la rente.

Versement des indemnités complémentaires par l’employeur

Un principe commun aux accident de trajet et accident du travail

Dans certains cas, l’employeur doit verser des indemnités complémentaires aux salariés en arrêt de travail pour AT ou ATJ. Elles viennent en complément de celles déjà versées par la sécurité sociale.

Les salariés en bénéficient dans les conditions suivantes (C.trav.art.L1226-1) :

  • Avoir justifié l’absence à l’employeur dans les 48h.
  • Être pris en charge par la sécurité sociale.
  • Être soigné en France ou dans l’un des pays membres de l’espace économique européen.

Ces dispositions ne concernent pas les travailleurs saisonniers, à domicile, intermittents et temporaires.

Des délais de carence différents (C.trav.art D1226-3).

En cas d’accident du travail : le versement de l’indemnité commence dés le 1er jour d’arrêt.

En cas d’accident du trajet : il faut respecter un délai de carence de 7 jours, identique à celui en vigueur pour les arrêts maladie classiques. Le versement ne commence donc qu’à partir du 8ème jour d’arrêt (sauf mention plus favorable de la convention collective).

Incidence sur le taux de cotisation des accident du travail

Le nombre d’accident du travail déclaré dans l’entreprise influe directement sur le taux de cotisation AT/MP (accident du travail et maladies professionnelles).

Plus le nombre d’accident augmente, plus le taux de la cotisation augmente également. Cela est d’autant plus important pour les entreprises de plus de 20 salariés (tarification mixte) et les plus de 150 salariés (tarification individuelle).

Pour les entreprises de moins de 20 salariés, la cotisation est collective, calculée en fonction de la sinistralité des entreprises relevant de la même activité.

Dans tous les cas, il est donc important de mettre en place une démarche de prévention des AT pour éviter la flambée du taux de cotisation.

Les accidents de trajet ne sont pas concernés par le taux AT. Leur nombre n’a donc aucune incidence sur le calcul de la cotisation.

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Céline Le Friant

De formation juridique, j’ai pu évoluer en entreprise sur des postes de juriste en droit social, responsable paie, puis responsable RH. Forte de ces 13 années d’expérience, je travaille aujourd’hui à mon compte en tant que responsable RH et juriste en droit social à temps partagé. J’aide les entreprises à retrouver la sérénité dans la gestion de leurs salariés en intervenant de manière ponctuelle ou régulière, en fonction des besoins. Je propose également des missions de sous-traitance en droit social pour des cabinets d’experts comptables et d’avocats.