Actualités jurisprudentielles Mars 2024

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Accidents du travail, licenciement, droit à l'image, fixation d'objectifs : attention aux obligations de l'employeur !

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Sommaire de l'article

Dans cette veille jurisprudentielle de mars, nous vous proposons des arrêts intéressants qui rappellent certaines obligations de l’employeur en matière d’accidents du travail, de licenciement, de droit à l’image du salarié et de modalités de fixation d’objectifs. Découvrons les ensemble. 

Accidents du travail

Accident de trajet

Ce qu’il faut retenir

La chute d’un salarié qui, avant de se rendre au travail, déneige son véhicule garé devant son domicile, doit être qualifiée d’accident de trajet.

Cass. 2ème civ., 29 février 2024, n° 22-14.592

Le cas détaillé

Un salarié chute et se blesse, avant de se rendre sur son lieu de travail, alors qu’il procède au déneigement et au dégagement de son véhicule garé devant son domicile. La CPAM refusant de prendre en charge cet accident comme accident de trajet, le salarié saisit une juridiction de sécurité sociale d’un recours.

La Cour d’appel fait droit à sa demande . À l’appui de sa décision, la Cour d’appel relève que :

  • L’heure de survenance des faits est compatible avec les nécessaires précautions prises par la victime pour anticiper les difficultés de circulation inévitables en cas d’intempéries et être en mesure de se présenter sur le lieu de son travail à son horaire habituel de prise de poste.
  • La victime n’a pas interrompu ou détourné son trajet entre la sortie de son domicile et le lieu de son travail pour un motif dicté par son intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante.

L’accident litigieux était donc survenu alors que la victime se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail, l’accident doit donc être pris en charge par la Caisse au titre de la législation professionnelle comme accident de trajet.

Saisie en cassation par la Caisse de sécurité sociale, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi de la caisse. Elle rappelle, qu’en vertu de l’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, l’accident survenu pendant le trajet entre la résidence du salarié et le lieu de travail est considéré comme un accident devant être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La faute inexcusable de l’employeur

Ce qu’il faut retenir

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. 

Cass., 2ème civ., 29 février 2024, 22-18.868 

Le cas détaillé

Une salariée, médecin, est agressée par une patiente, agression reconnue comme accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle.  

La salariée engage une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur auprès de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Pour sa défense, l’employeur fait valoir que l’agression en cause était imprévisible et irrésistible et que des dispositifs avaient été mis en place au moment des faits pour sécuriser les locaux (portes sécurisées badgées, système de sonnerie et d’interphone à l’entrée, interphone vidéophonique, contrat de sécurité cynophile souscrit pour les urgences avec passage régulier d’un maître-chien de 20 heures à 5 heures du matin).

La Cour d’appel retient la faute inexcusable de l’employeur au motif, d’une part, de la conscience du danger qu’aurait dû avoir l’employeur selon laquelle il ne pouvait pas ignorer le risque d’agression encouru par son personnel soignant dans un contexte de tensions professionnelles et relationnelles exacerbées ; d’autre part, concernant les mesures de prévention mises en place par l’employeur, elle constate que celles-ci n’étaient pas objectivement prouvées, parce qu’elles étaient postérieures à l’agression physique ou qu’elles constituaient une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru. 

Saisie d’un pourvoi formé par l’employeur, La Cour de cassation le rejette et, s’appuyant sur les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale et L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail selon lesquels le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, elle retient la faute inexcusable de l’employeur. 

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Licenciement

Faute grave

Ce qu’il faut retenir

Un management brutal peut justifier un licenciement pour faute grave, même sans harcèlement moral.

Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-14.385.

Le cas détaillé

Un employeur reçoit des courriers de plusieurs salariés d’un EHPAD, qui font état de harcèlement moral à leur encontre par la directrice de l’établissement. Celle-ci est licenciée pour faute grave, notamment pour un management brutal, avec des méthodes de gestion poussant des salariés à la démission, à être placés en arrêt de travail et créant une situation de mal-être et de souffrance au travail.

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La directrice conteste son licenciement.

La Cour d’appel lui donne raison en considérant que l’existence de harcèlement moral n’est pas prouvée et donc que ce licenciement n’est pas justifié. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et précise que le licenciement d’un manager peut être justifié par une faute grave lorsque le salarié pratique “un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce qui était de nature à caractériser un comportement fautif rendant impossible son maintien dans l’entreprise“.

Conformément à plusieurs décisions sur le sujet, des pratiques de management qui nuisent à l’entreprise et au personnel peuvent donc justifier le licenciement pour faute grave, même si elles ne sont pas constitutives de harcèlement moral.

Faits fautifs nouveaux

Ce qu’il faut retenir

En cas de découverte de faits nouveaux donnant lieu à un second entretien préalable, la convocation doit être adressée dans le mois qui suit le premier. 

Cass.soc. 14 .02.2024, n°22-19.351

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Le cas détaillé

Une salariée est mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 14 octobre. 
Par lettre du 18 novembre, l’employeur adresse à la salariée une convocation à un second entretien préalable fixé au 27 novembre au motif que de nouveaux faits fautifs ont été portés à sa connaissance.

Le 1er décembre, l’employeur notifie son licenciement pour faute grave à la salariée, qui saisit la juridiction prud’homale en contestation de ce licenciement. 

Déboutée de ses demandes par les juges du fond, la salariée se pourvoit en cassation. En s’appuyant sur l’article L.1332-2 du code du travail selon lequel une sanction disciplinaire ne peut pas intervenir plus d’un mois après le jour de l’entretien préalable, elle soutient que le report, par l’employeur, de la date d’entretien préalable ne fait pas courir de nouveau délai pour notifier le licenciement disciplinaire. 

La Cour de cassation retient que la révélation de nouveaux faits fautifs après l’entretien préalable initial fait courir le délai d’un mois imparti pour notifier la sanction à compter de la date du second entretien préalable, sous réserve d’avoir adressé une nouvelle convocation dans un délai d’un mois à compter de l’entretien préalable initial.

En l’espèce, la Cour de cassation a décidé que l’employeur avait perdu la possibilité d’invoquer à l’appui du licenciement finalement prononcé, les faits reprochés lors du premier entretien puisque la convocation au second entretien préalable était intervenue plus d’un mois après le premier.

Respect du droit à l’image

Ce qu’il faut retenir

Un salarié peut demander à être indemnisé pour la diffusion aux clients d’une plaquette avec sa photo sans son accord.

Cass. soc. 14 février 2024 n°22-18.014 

Le cas détaillé

Une société diffuse auprès de ses clients une plaquette d’information faisant apparaître des photographies des salariés en charge des prestations de service proposées. 

L’un des salariés saisit les Prud’hommes de demandes d’indemnités, notamment au titre de la violation par l’employeur de son droit à l’image.

Les juges du fond déboutent le salarié de sa demande de dommages et intérêts, au motif que la diffusion du document auprès des clients avait un but informatif et non publicitaire. 

Le salarié se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en retenant que l’employeur ne conteste pas avoir utilisé l’image du salarié sans que ce dernier ait préalablement donné son accord à cette utilisation et que la seule constatation de cette atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation, sans que le salarié n’ait à prouver l’existence d’un préjudice.

À noter : le seul fait que le salarié accepte d’être pris en photo ne vaut pas acceptation que son image soit utilisée par l’ employeur en interne ou à des fins promotionnelles : la formalisation par un accord écrit précisant au moins la durée de l’utilisation, le type de support et la finalité de l’usage est recommandée.

Prime d’objectifs

Ce qu’il faut retenir

Si les informations n’ont pas été portées à la connaissance du salarié en début d’exercice, la valeur maximale est due.

Cass. soc. 31 janvier 2024, n°22-22.709

Le cas détaillé

Un salarié est engagé en juin moyennant un salaire de base annuel brut et une part variable annuelle brute équivalent à 20% de la rémunération annuelle brute à objectifs atteints. 

Licencié en février de l’année suivante, il saisit la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement et réclame à cette occasion le versement d’un rappel de salaire lié à sa rémunération variable au motif qu’aucun objectif précis ne lui avait été communiqué. 

La cour d’appel le déboute de sa demande de rappel de prime d’objectifs. 

Le salarié se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Elle rappelle, sur le fondement des articles 1353 et 1103 du code civil,  que  lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice  

À défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payée intégralement au salarié comme s’il avait réalisé ses objectifs. 

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