Pour ce mois de février, nous avons sélectionné plusieurs arrêts autour de thèmes aussi variés que la méthode de détermination des délais de prescription de demandes d’indemnités, la formulation de l’avis d’inaptitude permettant la dispense de reclassement du salarié inapte, la responsabilité pécuniaire du salarié par rapport à l’employeur ou encore les éléments de validité d’une procédure de modification du contrat de travail pour motif économique.
Bonne lecture :
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Je le téléchargeDélais de prescription des diverses demandes d’indemnités effectuées simultanément par un salarié licencié
Cass.soc. 12 février 2025, n°23-18.876
Ce qu’il faut retenir
La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance.
Le cas détaillé
Suite à son licenciement, un salarié, engagé selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée du 28 février 2009 au 2 juin 2019, saisit les Prud’hommes le 27 juillet 2020 afin de solliciter la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Le salarié est débouté de ses demandes devant les Prud’hommes, mais, en appel, les juges font droit à sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée. Cependant, ils rejettent ses demandes au titre de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’ils considèrent comme prescrites.
Le salarié se pourvoit en cassation.
Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler comment s’articulent les délais de prescription en cas de requalification de plusieurs contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
En effet, quelle prescription appliquer à des demandes consécutives présentées par le salarié au titre de l’indemnité de requalification, de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés ?
La Cour de cassation rappelle, tout d’abord, qu’il est de jurisprudence constante que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et qu’une application distributive des délais de prescription doit être faite, en considérant la nature de la demande.
L’indemnité compensatrice de préavis a la nature d’une créance salariale et se prescrit par trois ans. En l’espèce, le délai a commencé à courir le 2 juin 2019, au terme du dernier contrat, et a été interrompu par la saisine des Prud’hommes, la demande n’est donc pas prescrite.
Quant à l’action en paiement d’une indemnité de requalification, elle porte sur l’exécution du contrat de travail, elle est donc soumise à la prescription biennale (l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du Code du travail).Cette demande a pour point de départ la fin du dernier contrat, soit le 2 juin 2019, et a également été interrompue par la saisine de la juridiction prud’homale. La demande n’est donc pas prescrite non plus.
Dispense de reclassement du salarié inapte
Cass.soc., 12 février 2025, n°23-22.612
Ce qu’il faut retenir
Avis d’inaptitude : une formulation équivalente à la mention légale est suffisante.
Le cas détaillé
En arrêt maladie depuis presque trois ans, un salarié est licencié pour inaptitude physique et dispense de reclassement après que le médecin du travail ait rendu l’avis d’inaptitude suivant : « inapte à la reprise du poste occupé. L’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ».
Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement et soutient que la formulation utilisée par le médecin du travail ne reprend pas les termes exacts de l’article L.1226-2-1 du Code du travail et ne peut donc pas dispenser l’employeur de son obligation de reclassement.
Après avoir été débouté de ses demandes par les juges du fond, le salarié se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui a considéré que la formulation utilisée par le médecin du travail, même différente de celle de l’article L.1226-2-1 du Code du travail, produisait les mêmes effets juridiques.
Jusqu’alors, les juges pouvaient considérer que l’employeur n’était pas dispensé de son obligation de reclassement dès lors que le médecin du travail n’avait pas expressément coché l’une des cases prévoyant une dispense expresse de reclassement.
Par cet arrêt, la Cour de cassation admet désormais que l’essentiel réside dans le fond de l’avis médical et non plus seulement dans sa forme et qu’une formulation équivalente à celle prévue par la loi peut produire les mêmes effets juridiques, à condition cependant, que :
- La mention soit claire et sans ambiguïté.
- Le maintien dans l’emploi soit gravement préjudiciable ou tout reclassement impossible.
Responsabilité pécuniaire d’un salarié, condamné pénalement, à l’égard de son employeur
Cass. crim 14 janvier 2025 n°24-81.365.
Ce qu’il faut retenir
L’employeur, dont le salarié est déclaré coupable d’une infraction commise dans le cadre du travail et condamné à réparer le préjudice directement causé par cette infraction, n’a à caractériser ni la faute lourde, ni l’intention de nuire du salarié à son encontre.
Le cas détaillé
Un salarié, roulant à une vitesse excessive sous emprise de cannabis, a un accident et endommage le véhicule de l’employeur. Le tribunal correctionnel le condamne à indemniser l’entreprise du préjudice matériel, condamnation confirmée par la Cour d’appel.
Le salarié se pourvoit en cassation, estimant que sa responsabilité pécuniaire à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ou de ses infractions intentionnelles, qu’il s’agisse d’une pénalité ou de la réparation d’un préjudice, et qu’en vertu de l’article L.1331-2 du Code du travail, les amendes ou autre sanctions pécuniaires sont interdites.
La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que le préjudice subi par la victime d’une infraction doit être intégralement réparé, et n’exige pas de l’employeur la démonstration d’une faute lourde ou d’une intention de nuire du salarié pour triompher dans l’exercice de son action civile.
Sanction disciplinaire
Cass.soc.22 janvier 2025, n°23-20.792
Ce qu’il faut retenir
La suspension du permis de conduire du salarié itinérant ne justifie pas nécessairement son licenciement
Le cas détaillé
Un salarié itinérant, contrôlé en excès de vitesse dans une voiture de l’entreprise, pendant l’exercice de ses fonctions, voit son permis de conduire suspendu pour trois mois. Le salarié est licencié pour faute grave.
La cour d’appel estime que le comportement fautif du salarié, malgré sa conduite dangereuse, ne justifie pas son licenciement. En effet, elle retient que le salarié n’est pas un habitué des excès de vitesse, qu’il a proposé des solutions alternatives pour exercer ses fonctions et qu’enfin l’employeur ne pouvait pas se justifier d’avoir sensibilisé ou particulièrement formé ses salariés sur cette question.
La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel : si l’excès de vitesse méritait une sanction, il ne constituait ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Modification du contrat de travail pour motif économique
Cass. soc., 5 février 2025, n° 23-11.533
Ce qu’il faut retenir
Le salarié qui se voit proposer une modification du contrat pour motif économique doit disposer d’informations précises par LRAR et d’un délai de réflexion. Si ce n’est pas le cas, son accord peut être remis en question.
Le cas détaillé
Lors de l’entretien au cours duquel l’employeur lui fait la proposition de passer d’un poste de nuit à un poste de jour, un salarié signe la proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique avec la mention « Bon pour accord ».
Le salarié saisit la juridiction Prud’homale pour obtenir à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il reproche à l’employeur qui envisageait la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique de n’avoir pas respecté les formalités prescrites par l’article L.1222-6 du Code du travail.
Débouté par la cour d’appel, le salarié se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt la procédure de modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour motif économique :
- En faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
- La lettre de notification doit informer le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.
L’employeur qui ne respecte pas ces formalités ne peut se prévaloir ni d’un refus, ni d’une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié.
En l’espèce, l’employeur n’avait respecté aucune des formalités prévues par l’article L.1222-6 du Code du travail (envoi de la proposition par lettre RAR et délai de réflexion d’1 mois). Il ne pouvait donc pas se prévaloir d’une acceptation de la proposition.
Travail dissimulé
Cass.soc. 4 décembre 2024, n°23-14.259
Ce qu’il faut retenir
La non-déclaration par l’employeur d’un avantage en nature consistant en la mise à disposition d’un logement de fonction à titre gratuit à un salarié constitue du travail dissimulé
Le cas détaillé
Après son licenciement, un salarié conteste ce dernier devant la juridiction prud’homale et demande le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
La cour d’appel condamne l’employeur à payer au salarié une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé. En effet, le salarié était logé par son employeur dans un bâtiment de l’entreprise, avantage non indiqué sur ses bulletins de paie.
L’employeur se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a jugé, à bon droit, que la mise à disposition gracieuse d’un logement de fonction est constitutive d’un avantage en nature qui doit être évalué pour être soumis à cotisations sociales. L’intention de l’employeur de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie, était caractérisée.
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