Le droit de retrait, à chaque nouvel épisode de canicule, fait planer son spectre sur les employeurs comme sur les employés. Ce droit, souvent méconnu et complexe, suscite de nombreuses questions : qui est réellement concerné par le droit de retrait ? À quelle occasion peut-il être mis en œuvre ? Et surtout, que dit le Code du travail à ce sujet ?
Que vous soyez employé dans le secteur privé, salarié du public, ou que vous travailliez dans une petite, moyenne ou grande entreprise, il est important de comprendre les mécanismes de ce droit. La température, par exemple, est un facteur déterminant pouvant justifier un droit de retrait en période de canicule. Mais quelles autres situations peuvent légitimer ce recours ? Et quelles sont les implications pour l’employeur, notamment en matière de paie et de contestation ?
Afin de vous aider à naviguer dans cette nébuleuse du droit français, nous avons préparé pour vous un tour d’horizon complet de cette pratique.
Nous commencerons par définir précisément ce qu’est le droit de retrait et expliquer comment il fonctionne selon le Code du travail. Nous fournirons des exemples concrets de situations dans lesquelles ce droit peut s’appliquer et clarifierons la différence entre le droit de retrait et le droit d’alerte.
Ensuite, nous explorerons l’impact du droit de retrait pour l’employeur : comment un salarié peut-il exercer son droit ? L’employeur peut-il le contester, et si oui, comment ? Nous aborderons également les conséquences sur le bulletin de salaire des salariés ayant exercé leur droit de retrait.
Enfin, nous répondrons à quelques questions récurrentes sur ce sujet, telles que la température nécessaire pour exercer son droit de retrait et la possibilité de l’exercer dans la fonction publique.
En parcourant cet article, vous aurez toutes les clés en main pour comprendre et appliquer le droit de retrait en 2024, en toute sérénité.
Qu’est-ce que le droit de retrait ?
Le droit de retrait, définition !
Le droit de retrait est une disposition prévu par le Code du travail en son article L.4131-1.
Il permet aux salariés qui jugent leurs conditions de travail dangereuses, au point de représenter un risque pour leur intégrité physique et morale pouvant aller jusqu’à menacer leur vie, de quitter leur poste de travail ou de refuser la prise de ce dernier, sans que leur employeur ne puisse leur en tenir rigueur et/ou effectuer une retenue sur leur salaire.
Mais comment déterminer ce danger ? Y a-t-il des règles qui régissent et limitent son application ?
Le droit de retrait comment ça marche ? Que dit le Code du travail ?
Si le droit de retrait est une modalité inscrite et définie dans le Code du travail, il n’en reste pas moins difficile de savoir l’interpréter avec exactitude. Le Code du travail laisse une part très subjective quant à l’appréciation du degré de gravité du danger. De ce fait, il est parfois compliqué de déterminer si la situation justifie l’exercice de ce droit par l’un ou plusieurs des salariés d’une entreprise.
En effet, voici comment l’article L.4131-1 du Code du travail définit le droit de retrait : « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
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Je télécharge les 8 fichesDans cet article, la loi établit clairement ce que le salarié doit faire en cas de danger grave et imminent. Cependant, il ne donne aucune indication ni aucune précision quant à ce qu’est un danger grave et imminent.
Ce critère reste totalement subjectif et à l’appréciation du ou des salariés concernés. Le Code du travail et le droit français partent du principe que le salarié, de par son expérience et son expertise du poste, est le mieux placé pour juger de ce critère.
Pour vous aider à déterminer si la situation justifie ou non l’utilisation du droit de retrait, nous avons répertorié pour vous les cas les plus communs.
Exemples de situations dans lesquelles le droit de retrait peut s’appliquer
Le danger ressenti par le salarié peut être physique, moral ou même relever des deux possibilités.
S’il est impossible de dresser une liste exhaustive des situations qui peuvent entraîner l’usage du droit de retrait, nous pouvons néanmoins dresser un tableau général de ceux-ci :
- Risque d’agression physique et/ou verbale.
- Situation de harcèlement moral pouvant engendrer des répercussions sur l’équilibre psychologique du salarié.
- Harcèlement physique et/ou sexuel.
- Nuisances sonores graves.
- Températures extrêmes : canicule et/ou froid intense et prolongé.
- Absence ou défaillance des équipements individuels de protection.
- Défaillance du matériel et des outils de travail.
Quelle est la différence entre le droit de retrait et le droit d’alerte ?
En vertu de l’article L.4131-1 du Code du travail, le salarié est tenu de signaler toute situation présentant un danger grave et imminent pour sa sécurité ou sa vie. Il doit également signaler toute défaillance affectant les systèmes de production ou de protection.
Ce signalement relève du droit d’alerte.
Lorsque le salarié estime toutefois qu’il ne peut plus poursuivre son activité sans mettre en danger son intégrité physique ou mentale, ce droit d’alerte se transforme en droit de retrait, tant que la situation demeure risquée.
La distinction entre droit d’alerte et droit de retrait réside donc dans le fait que, pour exercer ce dernier, le salarié cesse effectivement son activité professionnelle.
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Quel est l’impact du droit de retrait pour l’employeur ?
Comment un salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
Tous les salariés quels qu’ils soient, sans distinction de nature du contrat de travail et sans distinction d’ancienneté, peuvent faire usage de leur droit de retrait si cela s’avère justifié.
Toutefois, le droit de retrait ne les dispense pas de quelques prérogatives. Notamment celle d’avertir leur employeur de quelque façon que ce soit et le plus rapidement possible de la nature du danger. L’information peut être donner de vive voix ou par écrit. Il est également fortement conseillé d’avertir au plus vite, lorsque l’entreprise est dotée de représentant du personnel, les membres de la commission santé sécurité et conditions de travail, le référent sécurité CSE ou à défaut tout autre membre du CSE.
S’il le juge nécessaire, le salarié peut non seulement se retirer de la situation de travail qu’il estime dangereuse, mais il peut également quitter son lieu de travail afin de se rendre en un lieu sûr.
L’employeur peut-il contester un droit de retrait ? Si oui, comment ?
En pratique, l’employeur ne peut s’opposer à l’exercice du droit de retrait par son ou ses salariés.
Cependant, il a la possibilité de le ou les réaffecter sur une autre tâche jusqu’à ce que tout danger soit écarté, puisqu’en principe, sauf cas de danger extrême, le ou les salariés doivent se tenir à disposition de leur employeur sur toute la durée de leur temps de travail, mais il a également la possibilité de contester l’usage même de ce droit s’il estime que cela n’est pas justifié.
Pour cela, il lui faut étudier avec minutie la ou les situations de travail dangereuses évoquées par son ou ses salariés. Afin d’éviter tout conflit ou recours auprès du conseil des Prud’hommes, nous vous conseillons de mener cette étude en partenariat avec les membres de la CSSCT ou avec le référent sécurité de votre CSE ou à défaut tout autre membre de la délégation ou du personnel.
En cas de litige sur le bien-fondé ou non du recours au droit de retrait, l’une des parties (employeur ou salarié) peut alors saisir le juge des référés afin qu’il statut au plus vite sur le sujet.
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Quel impact sur le bulletin de salaire des salariés ayant exercé leur droit de retrait ?
Lorsque le droit de retrait est exercé de manière justifiée, l’employeur ne peut ni effectuer de retenue de salaire pour les heures non travaillées ni sanctionner le salarié, même si une réaffectation à une autre tâche est impossible.
En revanche, si ce droit de retrait est jugé non fondé, l’employeur a la possibilité d’opérer une retenue de salaire proportionnelle aux heures d’absence. Dans certains cas, comme un refus persistant de reprise de poste, une procédure disciplinaire ou une sanction directe peut également être envisagée.
Quelques questions récurrentes sur le droit de retrait
Quelle température est nécessaire pour exercer son droit de retrait ?
Concernant les températures extrêmes, en plus du droit de retrait, il existe également des obligations de sécurité que l’employeur doit mettre en place pour protéger ses employés.
Lors de fortes chaleurs, il s’agit de l’application du plan canicule. Bien qu’aucune règle et qu’aucune température limite ne soient précisées dans le Code du travail, il est reconnu qu’au-delà de 28 °C pour les activités en extérieur et nécessitant un effort physique le droit de retrait du salarié, sans mise en place du plan canicule par l’employeur, est justifié.
Pour les salariés travaillant dans des bureaux et avec une activité sédentaire, et toujours sans application du plan canicule, le niveau est fixé à 30 °C.
Dans le même esprit, en cas de froid extrême l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger ses employés. Là encore aucune limite et seuil de température ne sont fixés par le Code du travail.
Dans ces conditions, le droit de retrait devra s’étudier et se justifier au cas par cas.
Pour le travail en extérieur : Y a-t-il de la pluie, du vent, les salariés ont-ils des E.P.I de types gants, vêtements de pluie, polaires, etc.
Pour le travail en intérieur : sont-ils équipés en fonction du froid, peuvent-ils faire régulièrement des pauses dans des lieux chauffés… etc.
Est-il possible d’exercer un droit de retrait dans la fonction publique ?
À l’exception de certaines missions spécifiques de secours et de sécurité, comme celles de la Police nationale, des sapeurs-pompiers et des agents de la fonction publique hospitalière, tous les agents du service public bénéficient du même droit de retrait que les salariés du secteur privé.
Ils doivent toutefois informer immédiatement et obligatoirement leur supérieur hiérarchique de l’exercice de ce droit ainsi que des motifs qui le justifient, afin que la procédure définie puisse être respectée.