Refus de la rupture conventionnelle par l’employeur : quels motifs légitimes ? Comment les traiter ?

Refus de la rupture conventionnelle par l’employeur : quels motifs légitimes ? Comment les traiter ?
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Dans quelles conditions l’employeur peut-il refuser la signature d’une rupture conventionnelle ? Comment traiter ce refus ?

La rupture conventionnelle est l’un des modes possibles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) dont les conditions sont fixées par les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail.

La rupture conventionnelle résulte, après un accord commun donné librement entre l’employeur et le salarié, d’une convention signée par les parties au contrat. Elle ne peut être imposée ni à l’employeur ni au salarié. Tout comme le salarié, l’employeur a le droit de l’accepter ou de la refuser sans avoir à fournir de justification particulière. Il a également le droit de se rétracter après signature de la convention de rupture conventionnelle. En effet, la rupture conventionnelle n’est pas un droit du salarié.

De nombreux motifs peuvent justifier le refus ou la rétractation de l’employeur, certains sont légitimes, d’autres ne le sont pas.

Quels sont-ils ? Et comment l’employeur doit-il procéder pour acter son refus ?

Les motifs de refus

Les motifs légitimes de refus

Le refus légitime de rupture conventionnelle par l’employeur peut résulter de divers motifs :

Les motifs liés au salarié

1. Le salarié ne remplit pas les conditions requises pour valider une rupture conventionnelle :

  • Être en CDI.

Un salarié en CDD ne peut pas signer de rupture conventionnelle.

En effet, le contrat est considéré comme suspendu pendant le congé maternité ou maladie et l’employeur doit attendre le retour du salarié pour aborder la question d’une rupture conventionnelle. Deux exceptions à ce principe : en cas de faute grave du salarié ou d’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif autre que la maladie. 

2. Des différents existent entre l’employeur et le salarié.

L’employeur qui a des griefs envers un salarié prend un risque en acceptant la rupture conventionnelle. En effet, le salarié à qui des reproches ont été faits pour une faute, pourrait s’en servir pour contester son libre consentement à la rupture conventionnelle et donc sa validité.  

3. L’employeur ne veut pas se séparer du salarié.

Perdre un employé expérimenté ou qualifié par le biais d’une rupture conventionnelle peut affecter la performance de l’entreprise, en particulier si le poste est difficile à pourvoir ou si le savoir-faire est spécifique.

Les motifs liés à l’entreprise :

1. Le coût financier.

La rupture conventionnelle implique le versement d’une indemnité au salarié tandis que dans le cadre d’une démission, aucune indemnité n’est due. De plus, cette indemnité, souvent supérieure à celle d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peut représenter un coût significatif pour l’entreprise, surtout si elle doit être versée à plusieurs employés.

2. La crainte de créer un précédent.

L’entreprise peut craindre que l’acceptation d’une rupture conventionnelle ouvre la porte à d’autres demandes de départ volontaire. Une entreprise qui prend l’habitude de signer des ruptures conventionnelles aura plus de mal à cesser de le faire.

3. Des craintes de litiges ou de manipulations.

L’employeur peut craindre que la rupture conventionnelle ne soit utilisée à des fins abusives ou pour contourner les procédures de licenciement plus complexes.

4. Des considérations stratégiques. 

Les entreprises en phase de croissance ou engagées dans des projets importants peuvent préférer maintenir leur effectif stable et refuser les ruptures conventionnelles pour éviter toute perturbation.

Dans certaines entreprises, les accords de rupture conventionnelle ne sont pas fréquents et ne font pas partie des pratiques habituelles en matière de gestion des ressources humaines.

5. Des risques liés à la réputation. 

Une entreprise peut craindre que l’acceptation fréquente de ruptures conventionnelles n’affecte sa réputation en tant qu’employeur, surtout si cela est perçu comme une manière d’éviter un licenciement régulier.

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Les motifs de refus et comportement illégaux 

Certains ‍motifs de refus avancés par l’employeur peuvent être considérées comme abusifs et illégaux.

Le refus pour discrimination‍

Seront considérés comme discriminatoire, tout :

  • Refus lié à l’origine, la couleur de peau, la nationalité, ou l’ethnicité du salarié.
  • Refus en raison de la situation familiale du salarié.
  • Refus en raison de l’appartenance syndicale du salarié.
  • Refus en raison de la religion du salarié.
  • Refus en raison de la grossesse ou de la paternité du salarié.

Tout refus discriminatoire de la rupture conventionnelle est illégal et le salarié qui en est victime peut contester cette situation auprès des autorités compétentes ou engager une action en justice pour obtenir réparation.

Le harcèlement moral

L’employeur peut refuser la rupture conventionnelle du salarié et préférer qu’il démissionne. Mais le motif pour lequel l’employeur refuse la demande du salarié pour le pousser à démissionner est illicite et s’il exerce des pressions sur le salarié, il se rend coupable de harcèlement moral.

Or harceler un salarié pour l’inciter à démissionner constitue un manquement grave de l’employeur à son obligation de sécurité. 

Pour se protéger, le salarié, victime de harcèlement moral au travail, dispose de plusieurs recours : demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail auprès du tribunal compétent, prendre acte de rupture du contrat de travail, ou saisir le Conseil des Prud’hommes pour demander réparation. 

À lire également :

Comment l’employeur doit-il notifier son refus ou sa rétractation ? 

Notification du refus

La rupture conventionnelle implique un ou plusieurs entretiens pendant lesquels l’employeur et le salarié élaborent ensemble le principe et les modalités de cette rupture (c. trav. art. L.1237-12). L’employeur peut librement mettre fin à cette période d’échange et décider, à tout moment, sans devoir se justifier, de ne pas conclure de rupture conventionnelle avec le salarié. 

De même, si, dans un premier temps, l’employeur accepte la proposition de rupture conventionnelle, il peut toujours revenir sur sa décision suite aux entretiens et finalement refuser de signer la convention de rupture, sans avoir à se justifier. 

Par exemple, le cas peut se présenter si les conditions proposées (date de fin de contrat, indemnités…) ne lui conviennent pas. Par ailleurs, même une fois la convention signée, les deux parties disposent d’un délai de quinze jours pour se rétracter.

Pour informer le salarié de son refus d’accepter la rupture conventionnelle, il est préférable que l’employeur le lui notifie par écrit, en lettre recommandée avec accusé de réception.

Modèle de lettre de refus par l’employeur

Madame, Monsieur,

Par courrier en date du (date), vous nous faites part de votre souhait de bénéficier d’une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Par la présente, conformément aux articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, nous vous informons que l’entreprise n’entend pas donner une suite favorable à votre demande.

Votre Contrat de travail se poursuit donc dans les mêmes conditions.

Nous restons  à votre disposition pour échanger avec vous sur les raisons qui motivent votre demande.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Signature

Même en l’absence d’obligation de se justifier, l’employeur peut toutefois inviter le salarié à prendre rendez-vous avec lui pour comprendre ses raisons de vouloir quitter l’entreprise. 

L’employeur peut refuser une rupture conventionnelle autant de fois qu’il le souhaite, la loi ne prévoit pas de limites.

Notification de rétractation après la signature 

Une fois les termes de la rupture négociés et la convention signée, l’employeur et le salarié ont chacun un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. L’employeur qui regretterait sa décision peut donc se rétracter. 

Il doit cependant s’assurer qu’il n’a pas dépassé le délai imparti, car une fois passé ce délai, le salarié peut en toute légitimité adresser à la Dreets (ou à l’inspecteur du travail s’il s’agit d’un salarié protégé) le formulaire permettant d’homologuer la rupture conventionnelle et de la rendre ainsi effective.

Le délai de réflexion débute au lendemain du jour de la signature de la convention de rupture et s’achève le 15ème jour à minuit. 

L’employeur qui décide de se rétracter doit en informer le salarié, sans avoir à motiver sa décision, par courrier recommandé avec accusé de réception. La date d’envoi du courrier de rétractation doit intervenir durant le délai des 15 jours permettant la rétractation ; du premier jusqu’au dernier jour du délai de réflexion. 

Parallèlement, il doit en informer l’Administration. 

Modèle de lettre rétractation par l’employeur :

Madame, Monsieur,

Le (…), nous avons signé une convention de rupture.

Conformément à l’article L. 1237-13 du Code du travail, nous rétractons notre accord.

Dès lors, la rupture conventionnelle signée le (…) est nulle et non avenue, votre contrat de travail devant se poursuivre et ne prenant plus fin à la date initialement convenue.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Signature

Les suites d’un refus ou d’une rétractation de l’employeur

Aucune indemnité n’est prévue en cas de refus ou de rétractation.

Le salarié n’a pas de recours possible à l’encontre de l’employeur s’il refuse une rupture conventionnelle ou se rétracte.

Il conserve son poste et ses fonctions comme avant la demande de rupture conventionnelle et peut décider de poursuivre l’exécution de son contrat de travail. 

Cependant, garder un salarié qui n’est pas motivé peut coûter plus cher que de s’en séparer et d’embaucher un nouveau collaborateur qui sera, théoriquement, plus engagé et productif.

Par ailleurs, le salarié qui veut rompre son contrat de travail peut choisir de démissionner même si, contrairement à la rupture conventionnelle, elle n’ouvre pas droit au chômage sauf dans des cas bien particuliers.

Si le salarié entamait des négociations en raison de manquements graves de l’employeur qui l’empêchent, selon lui, de poursuivre la relation de travail, il sera susceptible de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur qui refuse de conclure une rupture conventionnelle.

Si l’employeur a effectivement commis ces manquements, la prise d’acte pourra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul, avec des conséquences financières plus lourdes qu’une rupture conventionnelle moins onéreuse. 

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.