Refus de rupture conventionnelle par l’employeur : quels motifs légitimes ? Comment les traiter ?

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Dans quelles conditions l'employeur peut-il refuser la signature d'une rupture conventionnelle ? Comment traiter ce refus de rupture conventionnelle ?

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Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

La rupture conventionnelle est une des modalités de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI), définie par les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail. Ce mode de rupture repose sur un accord librement consenti entre l’employeur et le salarié, formalisé par une convention signée par les deux parties.

Ni l’employeur ni le salarié ne peuvent être contraints d’accepter une rupture conventionnelle, et chacun dispose de la possibilité de refuser sans avoir à se justifier. De plus, une fois la convention signée, l’employeur conserve le droit de se rétracter. Ainsi, la rupture conventionnelle n’est pas un droit acquis pour le salarié, et une rupture conventionnelle refusée par l’employeur peut survenir pour divers motifs.

Quels sont les motifs qui peuvent justifier un refus de rupture conventionnelle par l’employeur, qu’ils soient légitimes ou non ? Et comment l’employeur peut-il notifier son refus ou sa rétractation ?

Pour répondre à ces questions, nous examinerons d’abord les différents motifs de refus, en distinguant ceux liés au salarié ou à l’entreprise et en identifiant les comportements illégaux tels que le refus pour discrimination ou en lien avec un harcèlement moral.

Ensuite, nous détaillerons les démarches à suivre pour notifier un refus ou une rétractation après la signature, en incluant des modèles de lettres pratiques. Enfin, nous aborderons les éventuelles conséquences d’un refus ou d’une rétractation pour l’employeur.

Les motifs de refus

Les motifs légitimes de refus

Le refus légitime de rupture conventionnelle par l’employeur peut résulter de divers motifs :

Les motifs liés au salarié

1. Le salarié ne remplit pas les conditions requises pour valider une rupture conventionnelle :

  • Être en CDI.

Un salarié en CDD ne peut pas signer de rupture conventionnelle.

En effet, le contrat est considéré comme suspendu pendant le congé maternité ou maladie et l’employeur doit attendre le retour du salarié pour aborder la question d’une rupture conventionnelle. Deux exceptions à ce principe : en cas de faute grave du salarié ou d’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif autre que la maladie. 

2. Des différents existent entre l’employeur et le salarié.

L’employeur qui a des griefs envers un salarié prend un risque en acceptant la rupture conventionnelle. En effet, le salarié à qui des reproches ont été faits pour une faute, pourrait s’en servir pour contester son libre consentement à la rupture conventionnelle et donc sa validité.  

3. L’employeur ne veut pas se séparer du salarié.

Perdre un employé expérimenté ou qualifié par le biais d’une rupture conventionnelle peut affecter la performance de l’entreprise, en particulier si le poste est difficile à pourvoir ou si le savoir-faire est spécifique.

Les motifs liés à l’entreprise :

1. Le coût financier.

La rupture conventionnelle implique le versement d’une indemnité au salarié tandis que dans le cadre d’une démission, aucune indemnité n’est due. De plus, cette indemnité, souvent supérieure à celle d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peut représenter un coût significatif pour l’entreprise, surtout si elle doit être versée à plusieurs employés.

2. La crainte de créer un précédent.

L’entreprise peut craindre que l’acceptation d’une rupture conventionnelle ouvre la porte à d’autres demandes de départ volontaire. Une entreprise qui prend l’habitude de signer des ruptures conventionnelles aura plus de mal à cesser de le faire.

3. Des craintes de litiges ou de manipulations.

L’employeur peut craindre que la rupture conventionnelle ne soit utilisée à des fins abusives ou pour contourner les procédures de licenciement plus complexes.

4. Des considérations stratégiques. 

Les entreprises en phase de croissance ou engagées dans des projets importants peuvent préférer maintenir leur effectif stable et refuser les ruptures conventionnelles pour éviter toute perturbation.

Dans certaines entreprises, les accords de rupture conventionnelle ne sont pas fréquents et ne font pas partie des pratiques habituelles en matière de gestion des ressources humaines.

5. Des risques liés à la réputation. 

Une entreprise peut craindre que l’acceptation fréquente de ruptures conventionnelles n’affecte sa réputation en tant qu’employeur, surtout si cela est perçu comme une manière d’éviter un licenciement régulier.

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Les motifs de refus et comportement illégaux 

Certains ‍motifs de refus avancés par l’employeur peuvent être considérées comme abusifs et illégaux.

Le refus pour discrimination‍

Seront considérés comme discriminatoire, tout :

  • Refus lié à l’origine, la couleur de peau, la nationalité, ou l’ethnicité du salarié.
  • Refus en raison de la situation familiale du salarié.
  • Refus en raison de l’appartenance syndicale du salarié.
  • Refus en raison de la religion du salarié.
  • Refus en raison de la grossesse ou de la paternité du salarié.

Tout refus discriminatoire de la rupture conventionnelle est illégal et le salarié qui en est victime peut contester cette situation auprès des autorités compétentes ou engager une action en justice pour obtenir réparation.

Le harcèlement moral

L’employeur peut refuser la rupture conventionnelle du salarié et préférer qu’il démissionne. Mais le motif pour lequel l’employeur refuse la demande du salarié pour le pousser à démissionner est illicite et s’il exerce des pressions sur le salarié, il se rend coupable de harcèlement moral.

Or harceler un salarié pour l’inciter à démissionner constitue un manquement grave de l’employeur à son obligation de sécurité. 

Pour se protéger, le salarié, victime de harcèlement moral au travail, dispose de plusieurs recours : demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail auprès du tribunal compétent, prendre acte de rupture du contrat de travail, ou saisir le Conseil des Prud’hommes pour demander réparation. 

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Comment l’employeur doit-il notifier son refus ou sa rétractation ? 

Notification du refus

La rupture conventionnelle implique un ou plusieurs entretiens pendant lesquels l’employeur et le salarié élaborent ensemble le principe et les modalités de cette rupture (c. trav. art. L.1237-12). L’employeur peut librement mettre fin à cette période d’échange et décider, à tout moment, sans devoir se justifier, de ne pas conclure de rupture conventionnelle avec le salarié. 

De même, si, dans un premier temps, l’employeur accepte la proposition de rupture conventionnelle, il peut toujours revenir sur sa décision suite aux entretiens et finalement refuser de signer la convention de rupture, sans avoir à se justifier. 

Par exemple, le cas peut se présenter si les conditions proposées (date de fin de contrat, indemnités…) ne lui conviennent pas. Par ailleurs, même une fois la convention signée, les deux parties disposent d’un délai de quinze jours pour se rétracter.

Pour informer le salarié de son refus d’accepter la rupture conventionnelle, il est préférable que l’employeur le lui notifie par écrit, en lettre recommandée avec accusé de réception.

Modèle de lettre de refus par l’employeur

Madame, Monsieur,

Par courrier en date du (date), vous nous faites part de votre souhait de bénéficier d’une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Par la présente, conformément aux articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, nous vous informons que l’entreprise n’entend pas donner une suite favorable à votre demande.

Votre Contrat de travail se poursuit donc dans les mêmes conditions.

Nous restons  à votre disposition pour échanger avec vous sur les raisons qui motivent votre demande.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Signature

Même en l’absence d’obligation de se justifier, l’employeur peut toutefois inviter le salarié à prendre rendez-vous avec lui pour comprendre ses raisons de vouloir quitter l’entreprise. 

L’employeur peut refuser une rupture conventionnelle autant de fois qu’il le souhaite, la loi ne prévoit pas de limites.

Notification de rétractation après la signature 

Une fois les termes de la rupture négociés et la convention signée, l’employeur et le salarié ont chacun un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. L’employeur qui regretterait sa décision peut donc se rétracter. 

Il doit cependant s’assurer qu’il n’a pas dépassé le délai imparti, car une fois passé ce délai, le salarié peut en toute légitimité adresser à la Dreets (ou à l’inspecteur du travail s’il s’agit d’un salarié protégé) le formulaire permettant d’homologuer la rupture conventionnelle et de la rendre ainsi effective.

Le délai de réflexion débute au lendemain du jour de la signature de la convention de rupture et s’achève le 15ème jour à minuit. 

L’employeur qui décide de se rétracter doit en informer le salarié, sans avoir à motiver sa décision, par courrier recommandé avec accusé de réception. La date d’envoi du courrier de rétractation doit intervenir durant le délai des 15 jours permettant la rétractation ; du premier jusqu’au dernier jour du délai de réflexion. 

Parallèlement, il doit en informer l’Administration. 

Modèle de lettre rétractation par l’employeur :

Madame, Monsieur,

Le (…), nous avons signé une convention de rupture.

Conformément à l’article L. 1237-13 du Code du travail, nous rétractons notre accord.

Dès lors, la rupture conventionnelle signée le (…) est nulle et non avenue, votre contrat de travail devant se poursuivre et ne prenant plus fin à la date initialement convenue.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Signature

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Les suites d’un refus ou d’une rétractation de l’employeur

Aucune indemnité n’est prévue en cas de refus ou de rétractation par l’employeur. Le salarié, de son côté, ne dispose d’aucun recours pour contester un refus ou une rétractation liés à une rupture conventionnelle.

Dans une telle situation, il conserve son poste et continue d’exercer ses fonctions comme avant sa demande.

Toutefois, maintenir un salarié démotivé peut représenter un coût important pour l’entreprise, potentiellement supérieur à celui d’une séparation suivie d’un recrutement. Un nouveau collaborateur pourrait en effet se montrer plus engagé et productif.

Si le salarié souhaite toujours mettre fin à son contrat, il peut opter pour une démission. Cependant, contrairement à la rupture conventionnelle, celle-ci ne donne pas droit à l’assurance chômage, sauf dans des cas spécifiques.

Enfin, si la demande de rupture conventionnelle émanait d’un salarié estimant que des manquements graves de l’employeur rendent impossible la poursuite de la relation de travail, celui-ci pourrait décider de prendre acte de la rupture du contrat.

Une telle prise d’acte pourrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou même nul, si les manquements sont avérés. Dans ce cas, l’employeur s’expose à des conséquences financières souvent bien plus lourdes qu’avec une rupture conventionnelle.

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