Rupture conventionnelle collective : Pour qui ? Pourquoi ? Comment ?

Rupture conventionnelle collective : Pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Il n’est pas rare pour une entreprise de devoir se réinventer pour poursuivre sa croissance et assurer sa pérennité. Mais comment y procéder lorsque l’on emploi des salariés en CDI ? Pour ces entreprises, le licenciement économique n’est pas la solution. Mais comment faire ? Découvrez le principe de la RCC.

La Rupture Conventionnelle Collective (ci-après RCC), créée par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, est un nouveau mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, qui résulte d’un commun accord entre le salarié et l’employeur et qui permet à plusieurs salariés volontaires de quitter l’entreprise et de rompre leur contrat de travail de manière négociée.

Si la RCC n’est pas précisément définie par le Code du travail, l’article L. 1237-19 du Code du Trav. dispose néanmoins « qu’un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois. »

Par ce biais, l’employeur pourra donc procéder à la suppression d’emplois de manière assez souple tandis que les salariés – nécessairement volontaires – peuvent quitter l’entreprise en bénéficiant des indemnités de rupture et de l’assurance-chômage sans avoir à passer par des licenciements pour motif économique.

Allons plus loin dans la compréhension de cet outil juridique à la disposition des employeurs en découvrant qui est concerné par ce dispositif et comment le mettre en place.

Qui est concerné par la Rupture Conventionnelle Collective ?

Toutes les entreprises peuvent-elles signer une RCC ?

Oui, quels que soient leurs effectifs, leurs situations économiques ou le nombre de départs envisagés, toutes les entreprises peuvent mettre en place une RCC, sous réserve d’en respecter la procédure de mise en place.

Les salariés peuvent-ils proposer une RCC ?

Non, les salariés ne peuvent pas proposer une rupture conventionnelle collective à l’employeur. Seul ce dernier peut prendre l’initiative de la négociation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective et y recourir s’il a besoin, par exemple, de réorganiser l’entreprise ou de répondre aux évolutions du marché.

Tous les salariés peuvent-ils signer une RCC ?

Oui, tous les salariés peuvent signer une RCC, y compris les salariés protégés, les seules conditions étant d’être volontaire et de remplir les critères prévus dans l’accord pour en bénéficier.

Il n’y a aucune obligation à être candidat à la RCC.

  • Si le nombre de salariés candidats est supérieur au nombre maximal de départs envisagés, les potentiels candidats au départ seront départagés en fonction des critères fixés dans l’accord portant rupture conventionnelle collective. 
  • Dans ce cadre, l’employeur est libre de choisir les catégories de salariés concernées par cette mesure. Ainsi, un accord de RCC peut lister les types d’activités et postes sur lesquels les départs volontaires sont envisagés à condition que soient respectés le principe d’égalité de traitement ainsi que les exigences suivantes :
    • Les critères de sélection des candidats aux départs doivent tenir compte, le mieux possible, de la viabilité de leur projet professionnel.
    • L’accord peut subordonner le départ volontaire d’un salarié à la condition qu’il présente une offre sérieuse de reclassement externe ou un projet sérieux de création ou reprise d’entreprise.
    • Une attention particulière doit être portée aux conditions d’expression du volontariat, afin qu’il reflète le choix non équivoque des salariés concernés.
    • Toute discrimination doit être prohibée, notamment celle fondée sur l’âge.  

Comment mettre en place une Rupture Conventionnelle Collective ?

Pour mettre en place une rupture conventionnelle collective, il est indispensable de négocier et signer un accord collectif, puis de le soumettre à la validation de la Dreets et enfin de le présenter aux salariés.

Nécessité d’un accord collectif.

La rupture conventionnelle collective ne peut être réalisée que dans le cadre d’un accord collectif. Cet accord collectif peut être conclu au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou d’un groupe d’établissements, et définit les clauses qui encadreront les conditions de la rupture, d’un commun accord, du contrat de travail qui lie l’employeur et les salariés volontaires. L’accord fixe également les objectifs à atteindre en termes de suppression d’emplois.

L’employeur est tenu d’informer sans délai la Dreets, dont relève l’établissement concerné par le projet d’accord, de l’ouverture d’une négociation en vue d’un accord collectif portant RCC.

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Avec qui est négocié l’accord de RCC ?

L’entreprise qui souhaite mettre en place une RCC négocie un accord avec ses délégués syndicaux (DS), lorsqu’elle en est pourvue (c. trav. art. L. 2232-12).

Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, qui n’ont pas de délégués syndicaux, les membres titulaires de la délégation du personnel du conseil social et économique  peuvent négocier l’accord de rupture conventionnelle collective.

À défaut d’élus du personnel (soit qu’il n’y en ait pas, soit qu’aucun ne soit volontaire pour négocier), d’autres salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales peuvent être les interlocuteurs de l’employeur dans la négociation.

Si la négociation se fait avec des membres du CSE mandatés par une organisation syndicale, l’accord conclu est validé lorsque les salariés l’approuvent à la majorité des suffrages exprimés dans le cadre d’un référendum.

Si la négociation a lieu avec des membres du CSE non-mandatés par une organisation syndicale, la validité de l’accord est conditionnée par la signature par des membres de la délégation du personnel du conseil social et économique représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du comité lors des dernières élections professionnelles.

Si la négociation se fait avec des salariés non-membres du CSE, mais mandatés par une organisation syndicale, les accords négociés et conclus par un ou plusieurs salariés mandatés non-élu du personnel doivent être approuvés par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

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Pour les PME de 11 à moins de 50 salariés, deux modalités ont été prévues pour permettre aux PME de conclure un accord de rupture conventionnelle collective : négocier avec un ou des représentants majoritaires du personnel ou négocier l’accord avec des membres du personnel non-élus par les salariés mandatés par des syndicats suivi d’une confirmation par référendum.

Pour les PME de 11 à 20 salariés sans représentants du personnel, deux solutions ont été prévues pour rendre possible la conclusion de l’accord collectif portant rupture conventionnelle : un accord avec des salariés mandatés par des syndicats, à ratifier par référendum à la majorité absolue ou la consultation directe du personnel par référendum à la majorité qualifiée (majorité des 2/3).

Enfin, dans les entreprises de moins de 11 salariés, il est possible de soumettre un accord aux salariés par référendum (majorité des 2/3). 

Que contient l’accord collectif de RCC ?

L’accord collectif de RCC doit obligatoirement indiquer les éléments suivants (c.trav.art.L1237-19-1) :

  • Les modalités et conditions d’information du CSE.
  • Le nombre maximal de départs envisagés, de suppression d’emplois associés, et la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective.
  • Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier.
  • Les modalités de présentation et d’examen de candidatures au départ des salariés.
  • Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ.
  • Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié.
  • Des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion, ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés.
  • Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.

Validation par la Dreets.

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Une fois conclu, l’accord est transmis pour validation ou acceptation tacite à la Dreets qui vérifie que l’accord respecte les dispositions légales et ne vise pas à contourner les règles relatives à la mise à la retraite ou aux licenciements économiques collectifs.

En pratique, l’accord est transmis à la Dreets via une procédure de télétransmission (https://www.portail-pse-rcc.emploi.gouv.fr).
À compter de la réception de l’accord, la Dreets dispose de 15 jours calendaires pour valider ou non l’accord collectif puis pour notifier à l’employeur sa décision. 

Le silence gardé par la Dreets à l’issue du délai prévu de 15 jours vaut décision de validation.

Une fois validé par la Dreets et notifié à l’employeur, l’accord de RC doit être porté à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur les lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de faire connaître cette information.

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Quels sont les effets d’une RCC sur le contrat de travail ?

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties (C. trav. art. L. 1237-19-2).

En pratique, l’employeur et le salarié doivent conclure une convention individuelle de rupture dont les modalités sont prévues par l’accord de RCC. Cet écrit a notamment pour objet de déterminer le délai de rétractation des parties et la date de la rupture du contrat de travail.

Les parties peuvent y ajouter d’autres dispositions du type clause de confidentialité, clause de non-dénigrement, levée d’une clause de non-concurrence, rappel de la portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance, etc.).

Pour les salariés protégés, la rupture d’un commun accord du contrat de travail doit faire l’objet d’une autorisation de l’inspecteur du travail (C. trav. art. L. 1237-19-2) et ne peut intervenir, au plus tôt, que le lendemain du jour de l’autorisation.

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Le salarié bénéficie d’une indemnité de rupture qui ne pourra pas être inférieure à l’indemnité légale due en cas de licenciement pour motif économique. Il bénéficie également de mesures visant à faciliter son reclassement externe (actions de formation, VAE, reconversion, soutien à la création ou à la reprise d’entreprise).

En revanche, il ne pourra pas bénéficier ni du contrat de sécurisation professionnelle ni de la priorité de réembauchage proposés aux salariés visés par une procédure de licenciement économique.

Cependant, tant que son contrat de travail n’est pas arrivé à expiration, le salarié poursuit son activité dans les conditions habituelles.

Quels sont les avantages et les inconvénients de la Rupture Conventionnelle Collective ?

La rupture conventionnelle collective présente de nombreux avantages :

  • Elle rend possible la suppression d’emplois et la réduction d’effectifs de manière souple, en évitant le cadre contraignant d’un Plan de sauvegarde (PSE) ou d’un Plan de départs volontaires. 
  • L’invocation d’un motif économique n’est pas nécessaire pour y recourir.
  • N’étant pas imposée par l’une ou l’autre partie, mais décidée d’un commun accord, elle permet une sécurisation des départs volontaires et l’absence de contestations ultérieures. 
  • Son délai de mise en œuvre est plus rapide que celui d’un licenciement économique et il est possible d’engager immédiatement de nouveaux salariés.
  • Pour les salariés, la rupture conventionnelle collective leur permet de négocier un départ volontaire dans un cadre juridique précis, d’obtenir des indemnités de rupture conventionnelle et de bénéficier de l’assurance chômage.

Les inconvénients sont les suivants :

  • Si le nombre de salariés volontaires est insuffisant, l’objectif de suppressions d’emplois ne pourra pas être atteint. Par conséquent, la RCC n’est pas adaptée en cas de fermeture de site ou d’arrêt d’activité.
  • Dans la mesure où ce dispositif repose sur le volontariat, l’entreprise risque de voir ses meilleurs salariés quitter l’entreprise.
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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.