Veille jurisprudentielle Janvier 2022

Veille jurisprudentielle Janvier 2022
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Régulièrement, la jurisprudence, que cela soit le conseil des prud’hommes, la cour d’appel ou de cassation, apportent des éclaircissements quant aux articles du Code du travail régissant les relations contractuelles. Comme chaque mois, nous faisons le tour des arrêts les plus importants.

Exécution du contrat

Cass. soc. 5-1-2022 n° 20-16.115 F-D

Une salariée est engagée en qualité de réceptionniste dans un hôtel puis promue gouvernante réceptionniste. 

Quelques années plus tard, refusant d’exécuter les tâches qui lui sont demandées, elle est mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave.

Contestant son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud’homale puis la Cour d’appel qui la déboutent de ses demandes.

Elle se pourvoit en cassation et fait valoir que son refus d’exécuter les tâches qui lui étaient demandées était justifié par le comportement déloyal de l’employeur, qui ne recrutait pas suffisamment de personnel et usait de la polyvalence prévue à son contrat de travail, en cas de sous-effectif, pour exiger d’elle l’exécution régulière de tâches de femme de ménage.

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 janvier 2022, déboute la salariée de toutes ses demandes, relevant que la directrice de l’hôtel lui avait demandé d’accomplir, exceptionnellement, des tâches de nettoyage pour une journée, en remplacement d’une employée absente et pour aider la seule qui restait, et ayant constaté que le contrat de l’intéressée prévoyait de remplacer ponctuellement les femmes de ménage, la cour d’appel, faisant ressortir l’absence d’attitude déloyale de l’employeur, a répondu aux conclusions invoquées. 

Rupture du contrat

Cass. soc. 5-1-2022 n° 19-25.793 F-D

Un salarié est engagé en qualité d’agent de sécurité par une société de surveillance.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, il est mis à pied à titre conservatoire par lettre puis se voit proposer une rétrogradation qu’il refuse.
L’employeur le convoque alors à un nouvel entretien préalable puis lui notifie son licenciement.
Contestant ce licenciement, le salarié saisit la juridiction prud’homale.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, affirmant “qu’une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave au lieu et place de la sanction refusée.”

Par conséquent, le licenciement ne peut pas être dit sans cause réelle et sérieuse au motif que la mise à pied du salarié n’a pas été suivie immédiatement d’un licenciement ou d’une sanction, alors que le délai entre la mise à pied conservatoire et le licenciement résulte de la nécessité de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable après son refus de la rétrogradation proposée antérieurement à titre de sanction.

Convention de Forfait jours

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Cass. soc. 12 janvier 2022 n° 19-25080

Un DAF n’est pas un cadre dirigeant s’il est soumis à une convention de forfait en jours. 

Un salarié est engagé en qualité de responsable administratif et financier avec un contrat de travail stipulant une convention de forfait en jours.
Par avenant, il est promu directeur administratif sans modification de la convention en forfait jours qu’il détenait antérieurement.
Quelques années plus tard, il est convoqué à un entretien préalable, mis à pied à titre conservatoire puis est licencié.
Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Pour justifier le fait de ne pas devoir payer des heures supplémentaires en raison de la nullité de la convention de forfait jours, l’employeur soutient que le salarié est un cadre dirigeant et qu’il n’est pas concerné par la législation relative à la durée du travail.

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 12 janvier 2022, déboute l’employeur et rappelle que sont considérés comme cadres dirigeants, les salariés qui remplissent cumulativement les 3 conditions posées à l’article L. 3111-2 du Code du travail, à savoir :  des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome et la perception d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.

Par conséquent, le choix d’une convention de forfait en jours exclut la qualification de cadre dirigeant.

À lire également :

Cass. soc. 15 décembre 2021, n° 19-18.226

Un accord pour le développement de l’emploi par la réduction négociée et l’aménagement du temps de travail concernant le personnel d’encadrement est conclu au sein d’une entreprise.

Le Syndicat national de l’encadrement du commerce SNEC saisit le tribunal de grande instance aux fins de voir prononcer la nullité de cet accord et celle des conventions individuelles de forfait en jours prises en son application, en soutenant que ce texte ne respectait pas le droit à la santé et à la sécurité des salariés.

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L’arrêt n°19-18.226 de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 décembre 2021 apporte une réponse à deux questions distinctes : 

  • Contenu impératif de la convention de forfait en heures.

En l’espèce, la convention de forfait précisait : « la présente rémunération a un caractère forfaitaire » sans précision complémentaire, et que la rémunération couvrait tous les aspects de l’exercice de l’activité, quel que soit le temps qui y est consacré.

La Cour de cassation souligne qu’en l’absence de précision du nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire, aucune convention de forfait ne peut être caractérisée. Par conséquent, dans ces conditions, les conventions individuelles de forfait ne sont pas valablement conclues et l’employeur peut être condamné à verser diverses sommes à titre de rappel de salaires voire au titre de repos compensateur.

  • Un syndicat ne peut pas demander en justice la nullité de conventions individuelles de forfait jours.

Dans sa décision du 15 décembre 2021, la Cour de cassation précise le périmètre d’action d’un syndicat professionnel dans son droit d’agir en justice :

– Un syndicat professionnel ne peut agir en justice que lorsqu’un préjudice concerne l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.

– L’action d’un syndicat professionnel ne lui permet donc pas de demander la nullité ou l’inopposabilité des conventions individuelles de forfait.

Égalité salariale

Prud’homme, 13 décembre 2021, n° RG F 19/04852 

Une salariée est engagée en qualité de technicienne de maîtrise de gestion à la direction informatique de France Télévisions. Après une privation d’augmentation de salaire pendant 14 ans, elle est licenciée pour inaptitude.

Elle saisit la juridiction prud’homale pour faire valoir, d’une part, l’exécution déloyale de son contrat de travail pour absence de fourniture de travail aux conditions contenues dans son contrat, et, d’autre part, une inégalité de traitement salariale.

  1. L’absence de fourniture de travail aux conditions contenues dans le contrat de travail établit le caractère déloyal de l’exécution du contrat de travail.

Concernant l’exécution déloyale du contrat, la salariée établit que, durant 18 ans, elle est demeurée en instance d’affectation sur le poste de Rédacteur Reporter. Elle produit des courriers qui établissent que sa candidature a été rejetée pour des postes à Vanves, à Perpignan, à Tours, à Amiens, à Montpellier et à Lille. Des syndicats ont saisi par lettre la Direction des ressources humaines et le Directeur général. L’inspection du travail a également saisi, par lettre, l’employeur, pour demander la régularisation du dossier de la salariée ainsi que le versement de rappels de salaire.

Le Conseil de prud’hommes constate que l’avenant au contrat de travail de la salariée mentionne bien la fonction de « rédacteur reporter » puis celle de « journaliste rédacteur reporter » et que cette mention figure également sur ses derniers bulletins de salaire.

La juridiction, confirmant que la salariée n’avait pas eu d’affectation ou avait occupé un emploi ne correspondant pas à sa qualification, a pu en déduire l’absence de fourniture de travail aux conditions contenues dans le contrat de travail, et, par voie de conséquence, le caractère déloyal de l’exécution du contrat de travail. 

2. À travail égal, salaire égal.

S’agissant de l’inégalité de traitement salarial, la salariée démontre que les documents de la négociation annuelle obligatoire (NAO) établissent que le salaire médian des journalistes reporters était de 4.583 euros bruts mensuels en 2017, pour les journalistes ayant entre 10 et 19 ans d’ancienneté et que le salaire des journalistes employés à Paris est de 5.041 euros bruts.

Or, il ressort des bulletins de paie que la salariée percevait à cette date une rémunération de 3.427 euros auxquels s’ajoutaient 383 euros de prime d’ancienneté .

Le tribunal confirmant alors que la journaliste avait établi la matérialité des faits précis d’une situation inférieure à celle de collègues en situations comparables, à savoir une différence de 1.231 euros par année d’ancienneté, l’a dite fondée à demander réparation et à obtenir un rappel de salaire pour inégalité de traitement.

À lire également :

Salariés protégés 

CE 29 décembre 2021, avis n° 453069, JO 9 janvier 2022

Consultation du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Lorsqu’un employeur souhaite licencier un salarié élu du comité social et économique, il doit respecter une procédure qui inclut notamment la consultation du CSE et la demande d’une autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail.

Plus précisément, le Code du travail, dans son article L. 2421-3, impose la consultation du CSE uniquement dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Faut-il en déduire que l’employeur n’a pas à consulter le CSE, avant de licencier un de ses membres, dans les entreprises de moins de 50 salariés ?

Dans un avis du 29 décembre 2021, le Conseil d’État confirme que le CSE n’a pas à être consulté sur le projet de licenciement d’un membre élu à la délégation du personnel au CSE (titulaire ou suppléant), d’un représentant syndical au CSE ou d’un représentant de proximité du CSE, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L 2312-4 du Code du travail.

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.