Rupture du contrat de travail
Motif de licenciement รฉconomique
Cass. soc. 1-6-2022 nยฐ 20-19.957 FS-B
Les difficultรฉs รฉconomiques comme motif de licenciement s’apprรฉcient en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires ร la date de rupture du contrat de travail, par rapport ร celui de l’annรฉe prรฉcรฉdente ร la mรชme pรฉriode.
ร la suite dโune convocation ร un entretien prรฉalable ร un รฉventuel licenciement pour motif รฉconomique et du respect du dรฉlai de rรฉflexion dont elle disposait aprรจs son adhรฉsion au contrat de sรฉcurisation professionnelle, une salariรฉe voit son contrat de travail rompu dont le motif รฉconomique lui est notifiรฉ par lettre. Contestant le bien-fondรฉ de cette rupture, elle saisit la juridiction prudโhomale.ย
La Cour dโappel la dรฉboute de sa demande et la salariรฉe se pourvoit en cassation.
La question qui est posรฉe ร la Cour de cassation est celle de savoir quel critรจre retenir pour caractรฉriser les difficultรฉs รฉconomiques comme motif de licenciement.
La chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrรชt d’appel et, ร travers cet arrรชt, apporte deux prรฉcisions concernant lโapprรฉciation des difficultรฉs รฉconomiques pour justifier un licenciement รฉconomiqueย :
- La durรฉe d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, telle que dรฉfinie par le Code du travail pour justifier d’un licenciement รฉconomique consรฉcutif aux difficultรฉs รฉconomiques de l’entreprise, s’apprรฉcie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la pรฉriode contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport ร celui de l’annรฉe prรฉcรฉdente ร la mรชme pรฉriode.
- Les difficultรฉs รฉconomiques doivent รชtre รฉtablies ร la date de la rupture du contrat de travail, qui, seule, doit รชtre prise en compte pour apprรฉcier la cause du licenciement. Le juge doit donc se placer ร la date du licenciement pour apprรฉcier son motif.
Contrat de sรฉcurisation professionnelle
Cass.soc. 1er juin 2022, nยฐ20-17.360
Pas de non-respect du dรฉlai dโenvoi de la lettre de licenciement en cas d’adhรฉsion au CSP.
Lorsque la rupture du contrat de travail rรฉsulte de lโacceptation par le salariรฉ dโun contrat de sรฉcurisation professionnelle (CSP), lโemployeur doit en รฉnoncer le motif รฉconomique :
- Soit dans le document รฉcrit dโinformation sur le CSP, remis obligatoirement au salariรฉ concernรฉ par le projet de licenciement.
- Soit dans la lettre quโil est tenu dโadresser, en application de ce texte, au salariรฉ lorsque le dรฉlai dont ce dernier dispose pour faire connaรฎtre sa rรฉponse ร la proposition de CSP expire aprรจs le dรฉlai dโenvoi de la lettre de licenciement imposรฉ par le Code du travail.
Lorsque le salariรฉ adhรจre au CSP, la rupture du contrat de travail intervient ร lโexpiration du dรฉlai dont il dispose pour prendre parti.
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Je participeDans son arrรชt du 1erย juin 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation prรฉcise que la lettre adressรฉe par lโemployeur au salariรฉ avant son adhรฉsion au CSP nโa pas pour effetย de rompre le contrat de travail, mais nโa que pour objectif de notifier au salariรฉ le motif รฉconomique du licenciement envisagรฉ et de lui prรฉciser quโen cas de refus du contrat de sรฉcurisation professionnelle, elle constituera la notification du licenciement.
En consรฉquence, le salariรฉ qui a adhรฉrรฉ au CSP ne peut pas invoquer le non-respect par lโemployeur du dรฉlai dโenvoi de la lettre de licenciement imposรฉ par le Code du travail.
Cause rรฉelle et sรฉrieuse de licenciement
Cass.Soc. 15 juin 2022, nยฐ21-10572
Prรชter ร lโemployeur des propos humiliants et blessants ร lโรฉgard dโun salariรฉ dans le but de donner une mauvaise image de la direction et de crรฉer un malaise avec les membres du personnel caractรฉrise ร la fois un abus de la libertรฉ dโexpression et un manquement ร lโobligation de loyautรฉ.
Une salariรฉe avait affirmรฉ ร lโun de ses collรจgues que, selon les dirigeants de la sociรฉtรฉ, il รฉtait ยซ le plus mauvais peintre quโils avaient pu avoir ยป. Elle avait tenu ces propos en dehors du travail, mais en prรฉsence de deux de ses amis, donc ยซ publiquement ยป.
Ces allรฉgations sont portรฉes ร la connaissance des dirigeants, qui contestent les avoir tenus. Ils mettent en consรฉquence ร pied la salariรฉe ร titre conservatoire puis la licencient pour faute grave.
Les juges รฉcartent la faute grave, mais retiennent la cause rรฉelle et sรฉrieuse de licenciement et condamnent donc la sociรฉtรฉ ร payer les salaires correspondant ร la mise ร pied conservatoire.
La salariรฉe se pourvoit en cassation en invoquant, dโune part, la violation de sa libertรฉ dโexpression et, dโautre part, le non-respect de sa vie personnelle.
Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi de la salariรฉe et confirme lโarrรชt dโappel en prรฉcisantย deux pointsย :
- Dโune part,ย le salariรฉ ne doit pas abuser de la libertรฉ dโexpression, notamment en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
- Dโautre part, lโemployeur, en principe,ย ne peut pas sanctionner un salariรฉ pour des faits relevant de sa vie personnelle. Nรฉanmoins, il peut justifier une sanction par des faits tirรฉs de la vie personnelle lorsqueย ces faits se rattachent ร la vie professionnelle, en ce quโils constituent un manquement du salariรฉ ร une obligation dรฉcoulant de son contrat de travail.
En lโespรจce,ย les propos tenus par la salariรฉe caractรฉrisent une violation de lโobligation contractuelle de loyautรฉ, dans la mesure oรน,ย mรชme sโils ont รฉtรฉ tenus en dehors du temps et du lieu du travail, ils ont รฉtรฉ adressรฉs ร un autre salariรฉ de l’entreprise afin de donner une mauvaise image de ses dirigeants et crรฉer un malaise entre ces derniers et les membres du personnel.ย
Le comportement de la salariรฉe constituait donc bien une cause rรฉelle et sรฉrieuse de licenciement.
รlections professionnelles
Vote รฉlectronique
Cass.soc. 1er juin 2022, nยฐ20-22.860
Lโatteinte au principe d’รฉgalitรฉ face ร l’exercice du droit de vote, qui est un principe gรฉnรฉral du droit รฉlectoral, constitue ร elle seule une cause d’annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le rรฉsultat.
Une sociรฉtรฉ prรฉvoit l’รฉlection par vote รฉlectronique des membres de la dรฉlรฉgation du personnel au comitรฉ social et รฉconomique. Invoquant diverses irrรฉgularitรฉs dans le recours au vote รฉlectronique et son dรฉroulement, deux fรฉdรฉrations syndicales saisissent le tribunal judiciaire, entre les 2 tours, en annulation de ces รฉlections.
En effet, le tribunal relรจve que :
- Compte tenu de leurs fonctions, certains salariรฉs travaillant hors des locaux nโavaient pas accรจs au matรฉriel nรฉcessaire pour se connecter sur la plateforme de vote รฉlectronique.ย
- Lโemployeur avait interdit ร cette catรฉgorie de salariรฉs, pour des raisons de confidentialitรฉ, dโutiliser un ordinateur de la sociรฉtรฉ ou un appareil personnel au sein de lโentreprise.
Le tribunal en a dรฉduit que la sociรฉtรฉ nโavait pas pris les prรฉcautions appropriรฉes pour quโaucun salariรฉ ne soit รฉcartรฉ du scrutin, quโune telle interdiction porte atteinteย au principe gรฉnรฉral dโรฉgalitรฉ face ร lโexercice du droit de vote et que ce manquement constitue ร lui seul une cause dโannulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le rรฉsultat.
La sociรฉtรฉ se pourvoit en cassation.
Rejetant le pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme la dรฉcision du tribunal.
Consultation des salariรฉs dans le cadre dโun protocole dโaccord prรฉรฉlectoral
Cass.soc. 15 juin 2022, nยฐ21-60.107
Les salariรฉs ont la facultรฉ d’exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie รฉlectronique ; peu importe que le protocole d’accord prรฉรฉlectoral n’ait pas prรฉvu cette possibilitรฉ.
Des organisations syndicales concluent un protocole dโaccord prรฉรฉlectoral mentionnant que les salariรฉs seront consultรฉs en vue de valider cet accord. Aucune mention expresse nโest faite concernant le mode opรฉratoire.
Lors du recueil des rรฉsultats, deux votes blancs ou nuls sont comptabilisรฉs. Un des salariรฉs demande lโannulation du vote prรฉtextant une erreur de manipulation lors du vote รฉlectronique. Il demande donc la caducitรฉ du protocole dโaccord prรฉรฉlectoral (PAP).
La Chambre sociale de la Cour de cassation, par cet arrรชt du 15 juin 2022, rejette la demande du salariรฉ et reconnaรฎt aux salariรฉs la possibilitรฉ de voter blanc ou nul aux รฉlections professionnelles, facultรฉ qui nโest prohibรฉe par aucun texte et qui est inhรฉrente ร la libertรฉ fondamentale de voter.
Ainsi, la Cour affirmeย que les salariรฉs peuvent dรฉcider de faire entendre leur voix en glissant dans l’urne un vote nul ou blanc, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie รฉlectronique et ajoute que le fait que le protocole d’accord prรฉรฉlectoral n’ait pas prรฉvu pareille possibilitรฉ est indiffรฉrent.
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Licenciement pour inaptitude
Cass.soc.8 juin 2022. nยฐ20-22.500
Il n’y a pas dโobligation de consultation du CSE en cas dโimpossibilitรฉ de reclassement.
Une salariรฉe est dรฉclarรฉe inapte ร la suite dโun accident du travail. Dans son avis, le mรฉdecin du travail mentionne expressรฉment que tout maintien du salariรฉ inapte dans l’emploi serait gravement prรฉjudiciable ร sa santรฉ ou que l’รฉtat de santรฉ du salariรฉ fait obstacle ร tout reclassement dans l’emploi.
Moins dโun mois plus tard, la salariรฉe est licenciรฉe pour inaptitude et impossibilitรฉ de reclassement. La salariรฉe conteste ce licenciement devant les juridictions prudโhomales.
La Cour d’appel lui donne raison, retenant lโirrรฉgularitรฉ du licenciement, en raison de lโabsence de consultation des dรฉlรฉguรฉs du personnel. En effet, pour la cour dโappel, cette consultation est obligatoire “quelle que soit lโorigine de lโinaptitude” et la consultation doit รชtre faite mรชme en lโabsence de possibilitรฉ de reclassement”. Elle condamne ainsi lโemployeur ร verser plus de 10 000 euros ร la salariรฉe pour cette irrรฉgularitรฉ.
La Cour de cassation casse et annule la dรฉcision d’appel. Pour elle, lโavis du mรฉdecin du travail mentionnant que lโรฉtat de santรฉ de la salariรฉe fait obstacle ร tout reclassement dans un emploi, justifie l’employeur ร rompre le contrat de travail au sens de l’article L.1226-12 du Code du travail et รฉteint, par dรฉduction, lโobligation de consultation des dรฉlรฉguรฉs du personnel.
En effet,ย l’employeurย n’est pas tenu de consulter les reprรฉsentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu’il n’est pas tenu d’effectuer.
Harcรจlement moral
Cass.soc. 1er juin 2022, nยฐ20-22.058
Lโenquรชte interne de lโemployeur nโa pas ร associer les รฉlus du personnel.
Un salariรฉ est licenciรฉ pour faute grave ร la suite dโun harcรจlement moral.ย ร la suite de la dรฉnonciation du harcรจlement moral, lโemployeur avait dรฉclenchรฉ une enquรชte interne.
La Cour dโappelย juge ce licenciement sans cause rรฉelle et sรฉrieuse, au motif que lโemployeur nโavait pas associรฉ le CHSCT ร lโenquรชte quโil avait diligentรฉe.
La question se pose de savoir si le CSE doit รชtre associรฉ ร lโenquรชte portant sur le harcรจlement moral.
La Cour de cassation casse lโarrรชt dโappel estimant que la Cour dโappel ne pouvait pas rejeter le compte rendu dโenquรชte au motif quโelle nโavait pas รฉtรฉ confiรฉe au CHSCT, mais ร la direction des ressources humaines.ย
Elle prรฉcise que cette enquรชte peut รชtre limitรฉe ร seulement une partie des collaborateurs du salariรฉ accusรฉ de harcรจlement et peut รชtre menรฉe par la direction des ressources humaines sans que les reprรฉsentants du personnel soient associรฉs.