Comment négocier et préparer le départ à l’amiable d’un salarié ?

Comment négocier et préparer le départ à l’amiable d’un salarié ?
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Connaissez-vous l’adage : “il est préférable de négocier un mauvais accord plutôt que de gagner un bon procès” ? Et pourquoi la négociation d’un accord devrait-elle être une mauvaise chose ? Qu’il s’agisse d’une volonté de départ du salarié ou d’un souhait de l’employeur de mettre un terme à la relation contractuelle, l’accord à l’amiable présente de nombreux avantages !

La négociation du départ à l’amiable d’un salarié diffère selon que ce dernier est employé en CDI ou en CDD. 

Valable uniquement pour les contrats à durée indéterminée, le licenciement à l’amiable ou rupture conventionnelle, constitue un mode négocié de rupture du contrat de travail, reposant sur l’accord mutuel de l’employeur et de l’employé. 

Le contrat à durée déterminé peut également être rompu à l’amiable, à condition, également, que les deux parties concernées soient en accord de façon claire et non équivoque. Quand c’est le cas, on parle alors de rupture d’un commun accord du CDD ou rupture à l’amiable.

Ces deux modes de rupture consensuels peuvent être initiés aussi bien par le salarié que par l’employeur.

Après l’exposé, d’une part, des intérêts d’un départ à l’amiable du salarié, nous verrons, d’autre part, ce qu’il faut négocier, comment le négocier puis comment préparer concrètement le départ à l’amiable du salarié.

Pourquoi envisager un départ à l’amiable ?

Certaines situations peuvent justifier le recours au départ à l’amiable du salarié

Le salarié souhaite quitter l’entreprise et bénéficier des allocations chômage

Conflit avec l’employeur, nouveau projet professionnel en vue, motifs personnels… de nombreuses raisons peuvent pousser le salarié à désirer quitter l’entreprise. Dans ce contexte, il pourrait tout à fait démissionner. Cependant, il a tout intérêt à demander à négocier son départ. En effet,  la rupture à l’amiable d’un CDI ou d’un CDD lui offre des avantages que n’apporte pas la démission.

En premier lieu, la rupture à l’amiable ouvre droit aux allocations chômage.

En second lieu, le salarié qui négocie une rupture amiable de son contrat de travail bénéficie d’indemnités d’un montant au moins égal au montant de l’indemnité légale de licenciement, ce qui ne serait pas le cas s’il démissionnait. 

Enfin, la procédure de rupture à l’amiable est plus rapide et sécurisante : elle permet au salarié de quitter son emploi dans des conditions sereines et d’éviter les aléas d’une procédure contentieuse longue et coûteuse. 

L’employeur souhaite se séparer d’un salarié, mais veut éviter la lourdeur et les risques d’un licenciement

En cas de désaccord ou mésentente avec un salarié ou encore de difficultés économiques de l’entreprise, l’employeur peut proposer au salarié en CDI qui le souhaite, une rupture amiable de son contrat de travail, et signer avec lui une rupture conventionnelle par laquelle les parties conviennent d’un commun accord des conditions de rupture du contrat de travail.

Dès lors, la justification de la rupture du contrat de travail n’est pas nécessaire.

L’employeur ne peut pas imposer une rupture conventionnelle au salarié, et inversement, et chacune des parties est libre de la refuser.

La rupture amiable du contrat de travail par rupture conventionnelle présente plusieurs avantages:

D’une part, elle est plus rapide et moins complexe qu’ un licenciement pour motif personnel . L’employeur s’évite des contraintes et des coûts.

D’autre part, , en tant que rupture à l’amiable, la rupture conventionnelle préserve l’entreprise d’une situation conflictuelle pouvant créer la désorganisation interne.

Enfin, la rupture amiable du contrat de travail est par définition moins risquée : le consentement obligatoire du salarié aux modalités de son départ réduit le risque de poursuites judiciaires devant les Prud’hommes et le risque financier (frais d’avocat et de procédure).

Les points de vigilance

La rupture conventionnelle n’est pas légalement possible dans les cas suivants:

  • le salarié est en CDD, en contrat d’apprentissage ou en période d’essai. La rupture conventionnelle ne concerne que les salariés en CDI.
  • En présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Dans ces cas, seule la rupture amiable collective est admise.
  • Lorsque la santé mentale du salarié est atteinte car son consentement peut être altéré : burn out, cas de harcèlement moral ou sexuel caractérisé
  • lorsque le salarié est reconnu inapte au travail par le médecin du travail.

La rupture conventionnelle ne doit pas non plus être un licenciement déguisé, dans lequel l’une des deux parties est contrainte, sous l’emprise de pressions ou de menaces, d’accepter la rupture de contrat. Les deux parties doivent être librement consentantes.

Si le salarié parvient à démontrer qu’il a subi des pressions ou fait l’objet de tromperies, il pourra s’adresser au Conseil de Prud’hommes pour obtenir la nullité de la rupture conventionnelle, par exemple, s’il démontre qu’il était victime de la part de l’employeur de faits de harcèlement moral.

Le délai pour saisir le Conseil de Prud’hommes et contester une rupture conventionnelle homologuée est de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention de rupture conventionnelle.

En cas de nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail prononcée par le Conseil de Prud’hommes, le salarié est considéré comme ayant été licencié de manière injustifiée. Il a alors droit aux indemnités de rupture consécutives à un licenciement abusif, déduction faite de celles qu’il aura touchées dans le cadre de la rupture conventionnelle, ainsi que des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Que négocier ?

La négociation de départ intervient alors lorsque l’employeur et le salarié sont d’accord sur le principe du départ.

Deux points essentiels font l’objet d’une négociation :

La date de fin de contrat

Une date de fin de contrat est négociée entre les parties.

Le montant de l’indemnité spécifique de rupture.

L’indemnité de rupture conventionnelle se négocie autour de 4 sommes qui se cumulent :

  • L’indemnité légale a minima ou l’indemnité prévue par la convention collective si celle-ci est plus avantageuse.
  • L’indemnité compensatrice de congés payés
  • Si applicable, l’indemnité due au titre de la clause de non-concurrence
  • Le cas échéant, une indemnité supra légale négociée

Comment négocier le départ à l’amiable d’un salarié ?

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En Contrat à durée indéterminée

Pour garantir la validité d’un licenciement à l’amiable, l’accord du salarié et celui de l’employeur sont indispensables. 

Le licenciement à l’amiable ou rupture conventionnelle du CDI se négocie selon une procédure en 5 étapes :

Une demande de départ à l’amiable.

Cette proposition de départ à l’amiable peut être faite par l’employé ou l’employeur, à l’écrit ou à l’oral.

La tenue d’un ou plusieurs entretiens.

La tenue d’un entretien, au minimum, est obligatoire. Il est recommandé de convoquer le salarié par écrit afin de garder des preuves de la tenue de cette réunion.

Le ou les entretiens ont pour objectif de trouver un accord sur les modalités de rupture du contrat (date de rupture, montant de l’indemnité…). Lors de cet entretien, le salarié peut être accompagné d’un représentant du personnel ou un autre salarié de l’entreprise.

En pratique, plusieurs entretiens sont généralement nécessaires avant de négocier chaque point de l’accord qui sera soumis à l’homologation de la DREETS (Direction Régionale de l’économie, de l’emploi du travail et des solidarités, anciennement DIRECCTE).

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La signature d’une convention.

L’accord obtenu sur les modalités de rupture aboutit à la rédaction et la signature d’une convention officialisant la procédure de licenciement amiable. Cette convention doit mentionner la date de rupture du contrat de travail et être établie en 3 exemplaires : un pour le salarié, un pour l’employeur et un pour la DREETS.

Le respect du délai de rétractation.

Le lendemain de la signature de la convention démarre un délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel la convention peut être contestée, sous forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception, par le salarié ou l’employeur. Il n’est pas nécessaire de mentionner la raison de la rétractation.

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L’homologation de la décision par la DREETS.

Si personne ne s’est rétracté à l’issue des 15 jours, un exemplaire de la convention doit être envoyé en recommandé à la DREETS dont dépend l’entreprise pour homologation.

Depuis le 1er avril 2022, l’utilisation du service TéléRC pour le dépôt du formulaire de demande d’homologation de rupture conventionnelle et la validation de la rupture conventionnelle est obligatoire. Une rupture conventionnelle se fait donc en ligne et aucune demande par courrier n’est traitée.

Par exception cependant, en cas d’ impossibilité d’ accès au service, un cerfa de rupture conventionnelle n°14598 peut être envoyé par courrier.

L’autorité administrative dispose d’un délai de 15 jours ouvrables (tous les jours sauf dimanche et jours fériés), à compter du lendemain de la réception de la demande pour statuer.

Si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

 La convention est réputée homologuée si aucune réponse n’est reçue dans les 15 jours ouvrables. 

En cas de rupture conventionnelle d’un salarié protégé, l’autorisation de l’inspection du travail est requise. 

A l’issue du délai d’homologation, la rupture conventionnelle est alors actée et la fin du contrat de travail intervient à la date convenue, au plus tôt le lendemain de l’expiration du délai de rétractation. Aucun préavis ne s’applique.

À lire également :

En Contrat à durée déterminée

Cette rupture repose également sur l’accord mutuel de l’employeur et de l’employé. Cependant, par rapport à la procédure de licenciement à l’amiable, les formalités de rupture amiable d’un CDD sont moindres (article L1243-1 du Code du Travail).

Un entretien préalable

Un entretien préalable à la rupture d’un commun accord doit avoir lieu entre les deux parties pour convenir des modalités de rupture avant terme du CDD.

La conclusion d’un accord matérialisé par un écrit

Pour des raisons de preuve, la rupture amiable doit faire l’objet d’une convention écrite et signée par les parties, constatant leur accord de mettre fin au CDD, la date de fin du CDD et les conditions financières applicables à cette rupture.

L’homologation de l’accord par la DREETS n’est pas requise.

Comment préparer le départ à l’amiable d’un salarié ?

Le calcul et le versement des indemnités de rupture conventionnelle

Le licenciement à l’amiable donne lieu au versement d’indemnités spécifiques de rupture conventionnelle au salarié, auxquelles s’ajoutent, le cas échéant, les primes dues, les indemnités compensatrices de congés payés et l’indemnité supra légale.

Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle doit être au minimum égal à l’indemnité légale de licenciement et ses modalités de calcul varient en fonction de l’ancienneté du salarié :

  • Salariés ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise.

L’indemnité est calculée au prorata du nombre de mois de présence.

  • Salariés ayant entre 1 an et 11 ans d’ancienneté.

L’indemnité est égale à ¼ du salaire mensuel brut par année d’ancienneté.

  • Salariés ayant plus de 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise.

L’indemnité est égale à 1/3 du salaire mensuel brut par année d’ancienneté.

Par salaire, on entend la formule la plus avantageuse pour le salarié entre la rémunération brute annuelle divisée par 12 et la rémunération brute des 3 derniers mois divisée par 3.

À noter : la Convention collective dont relève l’entreprise peut prévoir une indemnité conventionnelle plus favorable. Il est donc conseillé d’aller la consulter au préalable.

Exemple : Un salarié travaille depuis 17 ans dans l’entreprise. Son salaire s’élève à 2 500 € mensuel brut.

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Son salaire mensuel de référence = moyenne salaire brut / 12 mois = 2 500 € x 12 mois / 12 mois = 2 500€

L’ancienneté de ce salarié étant de 17 ans, son indemnité de rupture conventionnelle sera égale à 1/4 de son salaire mensuel de référence par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans puis + 1/3 de son salaire mensuel par année à partir de 10 ans.

Indemnité de rupture conventionnelle = (1/4 x 2 500€ x 10 ans) + (1/3 x 2 500€ x 7 ans)                                                              = 6250 € + 5833 = 12 083 €

À l’issue de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ce salarié aura droit à une indemnité de rupture conventionnelle au moins égale à 12 083 €.

Le calcul et le versement de l’indemnité de précarité du CDD

En cas de rupture amiable, le salarié touchera l’indemnité de précarité normalement versée à la fin de tout CDD. Cette indemnité doit être au minimum de 10 % de la rémunération brute totale du CDD effectué.

Toutefois, le montant de l’indemnité peut être limité à 6% par une convention ou un accord d’entreprise. 

La remise des documents obligatoires au salarié

En parallèle des indemnités de départ, les documents suivants doivent être remis au salarié :

  • Le certificat de travail.
  • L’attestation Pôle Emploi.
  • Le reçu pour solde de tout compte.
  • Un état récapitulatif des sommes et valeurs mobilières épargnées, en cas de dispositif d’intéressement.

Le registre unique du personnel doit aussi être mis à jour.

En cas de manquement, l’entreprise s’expose à des sanctions.

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.