En moyenne, nous passons 80% de notre temps au travail sur notre lieu de travail, l’entreprise demeure ainsi un lieu de rencontre et de sociabilisation à part entière. Il est fréquent d’y faire des rencontres, de tisser des liens, qu’ils soient amicaux ou amoureux.
Selon une étude Ifop menée en 2018 (étude Ifop pour Online Séduction réalisée par questionnaire auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus), 41% des personnes interrogées auraient déjà fantasmé sur une personne de leur environnement professionnel, 35% auraient déjà eu des relations sexuelles dans ce même cadre. Selon cette étude, 14% auraient rencontré leur conjoint dans un cadre professionnel (contre 11% pour les applications de rencontre !).
Les relations amoureuses sont donc un réel sujet à gérer pour les employeurs, car liées à l’affect, elles peuvent générer de réelles problématiques au sein de l’entreprise.
Les clauses interdisant les relations amoureuses au travail
Il peut être tentant pour un employeur d’éviter ces problématiques au sein de son entreprise en prévoyant dans les contrats de travail une clause interdisant toute relation amoureuse entre deux collègues. Mais est-ce possible ?
L’interdiction de ces clauses
Une telle clause serait nulle ! En effet, il n’est pas possible pour l’employeur d’interdire ces relations, l’article 9 du Code civil prévoyant que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’employeur ne peut pas s’immiscer dans la vie privée de ses salariés.
Les relations amoureuses ne peuvent donc pas être régie par une clause insérée dans le contrat, ni par le règlement intérieur. Il est alors interdit de prévoir des sanctions, tel que le licenciement, en cas de liaison intime entre deux salariés de l’entreprise.
Il en est de même des clauses de célibat, qui impose aux salariés de rester célibataire. Ces clauses ont été clairement interdites par la jurisprudence (Cass. soc. 7 février 1968, n° 65-40622, BC V n° 86).
En cas de trouble caractérisé au sein de l’entreprise
En revanche, l’employeur peut envisager des sanctions dans les cas où la relation entraîne une désorganisation de l’entreprise ou un trouble caractérisé. La relation ne doit pas entraver la bonne marche de l’entreprise ou engendrer des conséquences sur le travail.
Le salarié doit donc conserver une attitude professionnelle, un devoir de réserve est attendu de sa part, au risque de pouvoir être sanctionné. Sa vie personnelle, et notamment sentimentale ne doivent pas interférer dans son travail.
La drague au travail
Avant de passer par la case « relation », les salariés sont inévitablement passé par la case « séduction ». Est-ce alors possible d’envisager pour un collaborateur de séduire son collègue ?
La plus grande prudence est de mise
Dans le Code du travail, rien n’empêche un salarié de draguer son ou sa collègue. En revanche, il faut être très prudent sur le sujet, car la frontière avec le harcèlement sexuel peut être mince. Le salarié en question devra être attentif aux réactions de l’autre, notamment en cas de non réceptivité ou de refus.
En présence de liens hiérarchiques
La situation est plus problématique lorsqu’il s’agit d’un supérieur hiérarchique qui entreprend de séduire un de ses collaborateurs avec lequel il y a présence d’un lien de subordination.
Dans ce cas, le collaborateur recevant les faveurs de son supérieur hiérarchique peut se retrouver dans une position délicate dans laquelle il n’oserait pas refuser, de peur des impacts négatifs sur sa carrière. Les juges qualifieront plus facilement ces tentatives de séduction de harcèlement lorsqu’elles proviennent d’un salarié ayant un poids hiérarchique important.
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Les relations avec un supérieur hiérarchique
Selon l’étude Ifop citée ci-dessus, 4% des personnes interrogées auraient déjà eu des relations sexuelles avec un supérieur hiérarchique direct, et 4% avec un dirigeant de l’entreprise où ils ont travaillé.
Les relations intimes entre une personne détentrice d’un lien de subordination et son subordonné, comme toutes relations amoureuses au travail, ne sont pas interdites par la loi. En revanche, il convient d’être prudent en la matière ; car aux problématiques liées aux relations manager / managé, se rajoutent celles liées aux relations entre partenaires amoureux.
Les risques de harcèlement sexuel
Dans de telles relations, il est difficile de s’assurer du consentement réel et entier du collaborateur cédant aux avances de son supérieur hiérarchique. Craint-il des représailles en cas de refus ? Quid en cas de séparation amoureuse ?
La Cour de cassation s’est (à nouveau) prononcé en la matière lors d’un arrêt rendu le 15 février 2023 (Cass. soc. 15 février 2023, n° 21-23919 D). Dans cette affaire, l’employeur contestait le harcèlement sexuel en raison de l’existence préalable d’une relation intime consentante entre les protagonistes, excluant tout lien avec la sphère professionnelle.
Mais les juges ne l’ont pas entendu de cette manière. Ils ont retenu l’existence d’un harcèlement sexuel envers la salariée en se fondant sur des éléments tels que, entre autres : l’existence d’un lien de subordination entre les salariés, l’absence de limite fixée par le supérieur hiérarchique entre la sphère personnelle et professionnelle, ayant créé des circonstances pour obtenir des faveurs sexuelles, l’absence d’initiative de la salariée, le mode de vie du supérieur et les plaintes d’autres salarié sur son comportement.
Les risques de favoritisme
Les promotions-canapés n’existent pas que dans les films. Lorsqu’un responsable hiérarchique ou un dirigeant d’entreprise entretient une relation amoureuse avec l’un de ses collaborateurs, il convient de veiller à une parfaite équité entre son partenaire et les autres membres de son équipe ou de son entreprise. L’évolution professionnelle d’un salaire doit uniquement être basée sur ses compétences.
L’équité doit être respectée à tout point de vue : formation professionnelle, promotion, rémunération, etc., sans être favorable, ni défavorable au salarié avec lequel il entretient (ou entretenait) une relation intime, aucune discrimination n’est possible.
Il est également important pour l’employeur de pouvoir éviter tout conflit d’intérêt lié à ces relations.
Par ailleurs, à côté des risques légaux liés aux relations amoureuses au travail, ils existent des risques « moraux » liés à l’entretien de ces relations dans un cadre professionnel. Ces relations peuvent alors engendrer jalousies et rumeurs, mais également dégrader la réputation du salarié.
Les relations sexuelles au travail
33% des personnes ayant déjà eu une relation avec une autre personne liée à son environnement professionnel ont déclaré s’être déjà livrées à des ébats ou des jeux sexuels sur leur lieu de travail.
Alors un salarié a-t-il le droit d’avoir des relations sexuelles sur son lieu de travail ? Si dans le Code du travail, rien n’empêche explicitement les pratiques sexuelles sur le lieu de travail, il est évident que ces comportements peuvent, en fonction des circonstances, entraîner un trouble caractérisé au sein de l’entreprise. A fortiori, en cas d’exhibitionnisme ou de violence, comportements qui tomberaient sous le coup de la loi pénale.
La discrimination de l’employeur envers les couples
Dans une décision récente du 23 juin 2023, la Défenseure des droits, saisie dans un litige opposant un couple de salariés à l’entreprise Leroy Merlin, a considéré que les salariés avaient été victime de discrimination. En effet, l’employeur, sachant qu’ils étaient en couple, avait modifié leurs plannings de sorte qu’ils n’aient aucun jour de repos en commun.
Il en résulte que l’employeur qui empêche un couple de travailler aux mêmes horaires se rend ainsi coupable de discrimination. Il ne pouvait pas prendre en compte la situation de famille des salariés pour prendre des décisions les concernant, notamment en matière de mutation ou d’horaires de travail.
Conclusion
Même si les relations amoureuses et intimes ne sont pas interdites dans la sphère professionnelle, celles-ci relevant de la sphère privée, ces dernières ne doivent pas perturber le bon fonctionnement de l’entreprise. Il est de l’obligation de l’employeur de veiller à ce que ses salariés respectent les notions de consentement, de respect et de réciprocité dans leurs relations avec les autres salariés de l’entreprise.
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point : les employeurs devront continuer à gérer ces problématiques récurrentes et délicates au sein de leurs entreprises.
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