Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, « l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. » Cette responsabilité relève du service RH, quand celui-ci existe dans l’entreprise. Une disposition qui peut « mettre sous pression » l’entreprise, mais qui est pourtant vecteur et garante d’une main d’œuvre intégrée, engagée et efficiente. La santé est l’affaire de chacun.e et de tous : la prise de conscience de cette réalité ouvre déjà quelques horizons…
La prévention tertiaire : paysage et perspective
Dans cette partie, nous définirons la prévention tertiaire et la décrirons en quelques chiffres. Après quoi nous mettrons en lumière les enjeux et alerterons sur les risques de négliger cette prévention en entreprise.
Prévention tertiaire : Définition et chiffres
Les 3 types de prévention – primaire, secondaire et tertiaire – interviennent dans l’intention de répondre aux articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. » Ces 3 niveaux de prévention s’intègrent dans le cadre des accidents et maladies professionnelles, et des Risques Psycho-Sociaux. Ils ont un impact direct sur la Qualité de Vie et des Conditions de Travail au sein de l’entreprise.
La prévention tertiaire intervient après que l’incident ait eu lieu et que les problèmes de santé soient apparus. Elle a pour objectif de réduire les conséquences et séquelles, et d’aider les salariés concernés à retrouver leurs capacités de travail. La prévention primaire vise quant à elle à prévenir l’apparition des risques en modifiant l’environnement et les conditions de travail pour réduire les expositions aux dangers. Quant à la prévention secondaire, elle a pour objet la détection précoce des risques pour intervenir sur ces derniers afin d’éviter leur aggravation et la survenue d’un incident.
Le Guide 2024 sur la Prévention ainsi que les informations disponibles sur l’Espace CSSCT – Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail – vous permettront d’approfondir ces 3 niveaux de prévention et leur articulation.
Le dernier Rapport annuel 2022 de l’Assurance Maladie – Risques professionnels montre une diminution générale des accidents et des maladies professionnelles en 2022 par rapport à 2021. Cependant, les troubles musculosquelettiques avec 38 286 cas répertoriés en 2022 (majorité des maladies professionnelles), et les maladies psychiques avec 1 814 cas répertoriés en 2022 (en augmentation régulière), restent des préoccupations majeures.
Une fois le paysage de la prévention tertiaire posé, parlons des perspectives en terme d’enjeux.
Les enjeux de la prévention tertiaire pour l’entreprise
Bien au-delà de la simple « conformité légale », mettre en place une réelle prévention tertiaire permet à l’entreprise :
Une réduction des coûts de santé : en aidant les salariés à récupérer plus rapidement et de manière plus complète après une maladie ou une blessure, l’entreprise peut réduire les coûts liés aux soins de santé et aux indemnités.
Une amélioration de la productivité : des salariés en meilleure santé sont plus susceptibles de maintenir un niveau élevé de productivité et d’efficience, ce qui profite directement à l’entreprise.
Une intégration et une fidélisation plus grandes des salariés : montrer un engagement envers la santé et le bien-être des salariés peut améliorer leur satisfaction et leur fidélité, réduisant ainsi le taux de turn-over.
Une image et une réputation positives : une entreprise qui prend soin de ses employés projette une image positive, ce qui peut attirer de nouveaux talents et renforcer la réputation de l’entreprise.
En revanche, négliger cette prévention peut engendrer des risques importants pour l’entreprise.
Les risques de négliger cette prévention pour l’entreprise
Outre l’évidente responsabilité légale de l’entreprise qui, en cas de conditions de travail insuffisantes encourt des sanctions civiles ou pénales, d’autres conséquences nocives pour l’activité directe de l’entreprise sont à prendre au sérieux.
Sans prévention tertiaire, les salariés souffrant de maladies ou blessures peuvent connaître des récidives ou des complications, ce qui peut les rendre incapables de travailler sur le long terme avec le constat d’une augmentation de l’absentéisme, des incapacités chroniques et un taux d’employabilité réduit.
Le manque ou la mauvaise affectation du travail aux salariés malades ou blessés par défaut de prévention tertiaire peut entraîner une baisse de la productivité globale de l’entreprise.
Les frais de santé, les coûts de mutuelle et les indemnités peuvent augmenter si les salariés ne reçoivent pas les soins nécessaires pour se rétablir complètement.
Un manque de soutien pour les salariés victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle peut entrainer un sentiment de manque de reconnaissance, affecter leur moral, et induire une perte de motivation de l’ensemble du personnel avec un impact potentiel sur le taux de turn-over.
Concrètement, voyons comment agir sur la prévention tertiaire.
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La prévention tertiaire en action
Dans cette partie, nous analyserons en quoi le rôle et la posture du représentant des ressources humaines est une clef primordiale dans cette prévention tertiaire. Nous évoquerons ensuite l’importance de la prévention primaire et secondaire et ses impacts sur la prévention tertiaire. Enfin, nous vous proposerons 7 idées concrètes pour passer à l’action.
Le rôle et la posture du RH : première clef d’activation
Souvent rattaché au comité de direction, le service des ressources humaines représente une figure d’autorité au sein de l’entreprise pour les collaborateurs. Il revêt ainsi un pouvoir d’influence conséquent, parfois sous-estimé par le représentant de ce service. Cette représentation met en lumière l’importance du rôle et de la posture du représentant des ressources humaines en tant que garant du respect de la sécurité et de la santé au travail.
Plus qu’un simple coordinateur ou pilote des actions de prévention au travail, le représentant des ressources humaines peut humaniser cette dimension. En communiquant sur ses différentes expériences – tant professionnelles que personnelles – il diffuse sa propre sensibilité sur le sujet. Cette posture peut contribuer à la prise de conscience générale que chacun.e est concerné.e par sa propre santé et influence celle d’autrui. Elle peut générer davantage de confiance et de responsabilisation à la fois individuelles et collectives, ingrédients indispensables à une prévention globale efficace.
Mettre en évidence les ponts existants entre les différents niveaux de prévention est également un bon levier d’action.
Communiquer sur la prévention primaire et secondaire : levier d’action de la prévention tertiaire
L’impact direct de la prévention primaire et secondaire sur la prévention tertiaire est évident : en réduisant l’exposition aux dangers et en détectant de manière précoces les risques, la probabilité de réalisation du risque se réduit et par là-même le niveau de prévention tertiaire. La phrase « prévenir, c’est déjà guérir » prend ici tout son sens.
Au-delà de cet effet direct, plus les actions de prévention primaire et secondaire sont mises en avant et font l’objet d’une communication régulière, plus chacun.e fait de son mieux en conscience et selon la réalité du terrain pour prévenir sa propre santé et celle des autres.
En cas de survenue du risque, le choc psychologique lié à la réalisation du risque et l’éventuelle culpabilité ressentie tant par les salariés concernés que par l’ensemble des collaborateurs, peuvent être atténués car chacun.e saura en son fort intérieur que le maximum pour éviter la survenue de ce risque avait été fait.
Une fois le rôle et la posture du RH mesurés, la confiance et la responsabilisation de chacun.e bien ancrées, des actions concrètes de prévention tertiaire peuvent être mises en place. Elles favorisent l’employabilité du salarié après les conséquences de l’accident ou de la maladie avérées.
7 idées concrètes pour agir sur la prévention tertiaire
Voici 7 actions à mettre en place pour réduire les conséquences une fois l’accident ou la maladie survenu.e, et favoriser la rémission voire la guérison et ainsi l’employabilité des salariés concernés.
1- Créer une cartographie des différents acteurs et professionnels de santé qui gravitent autour du ou des salarié.s concerné.s : notamment les services de santé au travail, les ergonomes, le médecin conseil de la sécurité sociale, le médecin traitant et les spécialistes. Cette action permet à la fois de clarifier les différents acteurs mobilisés pour la réinsertion et de centraliser leurs coordonnées pour faciliter les éventuelles interventions. Le représentant des ressources humaines incarne ainsi sa posture de coordinateur et le.s salarié.s concerné.s sont pleinement moteurs dans leur réintégration.
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Je télécharge2- Mettre en place un programme globale de réinsertion professionnelle, après une analyse complète du système dans lequel évoluent le.s salarié.s : organisation du poste de travail (matériel, horaire, lieu), tâches, environnement, relations de travail (internes et externes). Cette analyse permet des aménagements pertinents et réalistes sur tous les aspects à la fois physique, mental et émotionnel.
3- Établir un programme de suivi personnalisé de cette réintégration, avec différents rendez-vous planifiés entre le service des ressources humaines et tous les acteurs concernés pour s’assurer de la pertinence des aménagements, du respect du suivi médical nécessaire, pour analyser les progrès, recueillir les besoins et réaliser les éventuels ajustements.
4- Organiser des groupes de soutien et d’entraide en collaboration avec d’autres entreprises dont les salarié.s ont pu vivre des situations similaires pour qu’ils puissent partager leurs expériences, s’échanger des conseils et s’entraider durablement.
5- Revoir les actions de prévention primaire et secondaire en intégrant les circonstances particulières ayant conduit à l’incident ou à la maladie, en intégrant le.s salarié.s concerné.s si leur état de santé le permet.
6- Proposer des actions de soutien par le coaching, la formation et des ateliers de bien-être pour aider le.s salarié.s concerné.s ainsi que tous les collaborateurs à mieux accueillir leurs émotions, à faire de leur stress une source d’énergie plutôt que d’épuisement et à maintenir un lien de confiance entre les collaborateurs et leur entreprise.
7- Favoriser une communication transparente et honnête des actions tertiaires mises en place et des ressources disponibles pour les aider.
Conclusion
Percevoir les différents niveaux de prévention comme une opportunité de créer des liens de confiance entre les collaborateurs et leur entreprise plutôt que comme une simple « obligation légale » est gage d’efficience et de pérennité pour tous les acteurs du travail.
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