Lever le clivage entre hard & soft skills : un prémisse pour appréhender les situations de tension ?

Lever le clivage entre hard & soft skills : un prémisse pour appréhender les situations de tension ?
Bérangère Colignon

Ancienne RRH, fondatrice de Clart&Sens, entreprise de coaching et de formation en intelligence émotionnelle, j'aide les dirigeants et managers à conserver un bon niveau d'énergie.

Comprendre en quoi le clivage même entre hard et soft skills impacte les relations humaines et mesurer combien lever ce clivage apaise les tensions, change la perception et ouvre le champ des possibles.

Développer et déployer les « soft skills », encore souvent définies en « opposition » aux « hard skills », ouvre à d’autres potentiels humains et subliment les capacités déjà conscientisées.

Les Soft skills, et si elles étaient complémentaires aux Hard skills ?

À l’instar des « sciences molles » et « sciences dures », les « Soft skills », littéralement traduites par « compétences douces ou générales », se décrivent souvent en comparaison, voire en opposition, aux « hard skills », littéralement traduites par « compétences dures ou techniques ».

Ce clivage, pratique à la compréhension du cerveau humain qui aime les dichotomies pour simplifier et apprendre, limite toutefois la mesure des liens existants entre ces différentes compétences et leur impact dans le rapport à soi comme dans le rapport aux autres.

Comprendre de quoi il s’agit et mesurer leurs complémentarités est gage d’ouverture d’esprit, de changement de perspective et d’engagement vers l’harmonie de relations plus saines et pérennes.

Soft et Hard skills : de quoi parle-t-on ?

L’intelligence artificielle, pour la nommer ChatGPT, propose ces définitions :

« Les soft skills font référence à des comportements personnels qui influencent notre manière d’interagir avec les autres. Contrairement aux hard skills, elles sont transversales et s’appliquent à différents contextes personnels et professionnels. Elles englobent un large éventail de compétences, notamment la communication efficace, l’intelligence émotionnelle, l’empathie, la résolution de conflits, la gestion du stress, la pensée critique, la collaboration, l’adaptabilité, le leadership et la résilience. Elles sont souvent liées à nos aptitudes sociales, émotionnelles et cognitives. »

« Les hard skills sont des compétences spécifiques, généralement acquises par l’apprentissage, la formation ou l’éducation formelle. Elles regroupent des compétences techniques et mesurables qui sont essentielles pour accomplir des tâches spécifiques dans un domaine professionnel ou industriel donné. Elles sont souvent liées à des qualifications et des certifications qui démontrent la maîtrise de ces compétences. »

Comment une personne techniquement brillante, rongée par son stress, toujours indécise et incapable d’exprimer son avis peut-elle diffuser sa valeur ajoutée ?

Comment un féru des sciences sociales, ayant du mal à comprendre ses propres besoins et à nouer des relations de confiance, peut-il être crédible ?

Pour peu que ces personnes se soient laissées bercer par la croyance que les « soft skills » ne sont pas une science « noble » mais plutôt « molle », aucune chance pour qu’elles ne se tournent vers une projection de développement de leurs compétences à mieux se percevoir, communiquer, créer des relations de confiance, prendre des décision ou gérer leur stress.

Élargir le spectre des « skills » au-delà de la simple dichotomie « soft » et « hard », pour mesurer leurs complémentarités dans l’intelligence humaine, ouvre alors les esprits à d’autres synergies possibles.   

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Soft et Hard skills : complémentaires et au service les unes des autres …

Sortir des tensions liées à cette dichotomie purement sémantique “hard” versus “soft”, permet de réconcilier les “techniciens” avec les compétences transverses, et les “généralistes” avec les compétences spécifiques pour de plus grandes opportunités de transformations.

Les soft skills, largement associées à la sémantique du « développement personnel » dans les représentations collectives, semblent encore souffrir d’une sorte de « mauvaise réputation » en lien avec l’idée péjorative de « développement égocentrique ».

Pourtant, elles visent avant tout à développer les compétences de l’individu en tant que personne afin de répondre à ses propres besoins pour le faire tendre vers un bon niveau d’autonomie et de responsabilisation, et ainsi développer ses compétences professionnelles favorisant les échanges constructifs et l’intelligence collective.

Les “soft skills” permettent de faire circuler plus fluidement les valeurs ajoutées, à la fois techniques et généralistes, de chacun.e dans un collectif pour créer des émulsions nouvelles face aux nombreux et complexes défis à relever.

Atténuer les tensions ressenties face à la notion même de “tension” et voir au-delà des oppositions entre soft et hard skills permet de « construire des ponts plutôt que des murs » – Newton, mathématicien, physicien, astronome aussi alchimiste et philosophe.

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Zoomer sur la notion de « tension » devrait nous permettre de construire et traverser les ponts…

La notion de tension dans toutes ses dimensions

Selon le Larousse, au niveau physique, la tension est une “force qui agit de manière à écarter, à séparer les parties constitutives d’un corps.”

Cette définition technique est facilement transposable sur le mode de fonctionnement humain, tant au niveau de l’individu lui-même que de ses relations humaines. Aborder les “soft skills” sous cet angle auprès des “techniciens” suscite leur intérêt, et met en évidence les liens existant entre “soft” et “hard” skills pour créer des ponts.

Au niveau de l’individu, selon le modèle du générateur émotionnel de Dirk Eilert, chercheur, coach, expert en intelligence émotionnelle et fondateur de l’Eilert Akadémie à Berlin depuis 2001, toutes nos émotions fonctionnent dans notre corps, notre « machine intérieure », en triade avec un déclencheur, une fonction et un besoin. Lorsque le niveau de tension et l’intensité de nos émotions respectent nos seuils de tolérance et qu’elles sont fonctionnelles, nos besoins sont comblés et elles nous octroient ainsi l’énergie, la puissance pour avancer en équilibre. Dans le cas contraire, il peut y avoir rupture du message ou “surchauffe intérieure” et notre “machine intérieure” devient dysfonctionnelle.

Côté physique et “technique”, la Puissance électrique se calcule par le produit entre la tension et le courant. Ramenée à l’expression “j’ai l’impression que le courant passe bien entre nous”, cette formule permet de comprendre à la fois techniquement et relationnellement, à quel point la tension et l’intensité sont liées et source de puissance.

Au niveau relationnel, Thierry Lechenault, expert en relations humaines depuis plus de 20 ans, superviseur de coachs et de consultants, facilitateur en co-développement professionnel et interprète de rêves (approche C.G. Jung), constate qu’il se joue dans cette formule de la puissance « la même équation dans la relation humaine : la Puissance de la Relation est le résultat de la tension entre 2 personnes, c’est-à-dire du « déséquilibre de charge » entre 2 personnes, combiné à l’intensité du flux d’énergie qui circule d’une personne à l’autre. »

Cette notion de tension et les différents états électriques associés – comme la surtension ou le court-circuit – sont comparables aux différents niveaux de tensions pouvant exister au niveau humain, à l’intérieur de lui-même comme dans ses relations : d’un simple problème extérieur à la relation, jusqu’au litige exempt de toute communication, en passant par le simple désaccord, les tensions ou le conflit.

Quels intérêts et bénéfices à dépasser tous ces clivages, en premier lieu sémantiques, entre “soft” et “hard” skills, justement grâce à la notion de “tension” ?

La notion de tension : du clivage à l’alliance

Comprendre tous ces liens intrinsèques entre “soft” et “hard” skills, au travers même de l’exemple de la notion de tension, est donc un prémisse incontournable pour justement mieux appréhender les situations de tension. Ce rapprochement réconcilie l’ensemble des potentiels humains, tant techniques que relationnels, pour leur permettre de mieux se conjuguer aussi bien au niveau individuel, à l’intérieur même de la personne, que collectivement.

Prendre conscience des intérêts mutuels d’allier « sciences dures » et « sciences molles » permet de sortir de ces clivages pour mesurer l’importance de considérer l’Humain dans toutes ses dimensions et lui permettre de libérer pleinement son potentiel. La notion de tension devient une opportunité d’apprendre et de se déployer, source de profonde transformation.

Au niveau de l’entreprise, accéder à cette prise de conscience permet une ouverture plus large de sa vision qui, lorsqu’elle est relayée auprès de ses collaborateurs, aboutit à une meilleure communication et adhésion, une plus grande collaboration, davantage de responsabilisation avec un impact direct sur l’efficience et donc la productivité.

Comment cette alliance peut-elle aboutir à une telle transformation ?

Une réconciliation autour de la notion de tension, transformatrice de vision

Prendre en considération l’Humain dans toutes ses dimensions est gage d’un juste niveau de tension propice à l’unité, tant à l’intérieur même de l’individu qu’à l’extérieur, et ainsi propice à l’efficience.

L’Humain, un tout indissociable appartenant à un tout bien plus grand

Selon Stephen Covey (1932-2012), enseignant, conférencier et homme d’affaires américain, notre capacité de production personnelle dépend de nous-même et de notre propre capacité à équilibrer, dans la durée, les différentes dimensions qui nous composent en tant qu’Humain, à savoir :

1/ Notre dimension physique – santé, nutrition, exercice – essentielle et qui influence notre quotidien. Elle est la résultante des trois autres dimensions. En entreprise, elle peut être facilitée par la Qualité de Vie et des Conditions de Travail pour éviter ou diminuer les risques d’accidents et de troubles musculo-squelettiques, et permettre à chacun.e de libérer son plein potentiel « technique ».

2/ Notre dimension mentale – réflexion, traitement de l’information, différents types d’intelligence – qui nous permet de prendre des décisions en conscience et de résoudre les problèmes. En entreprise, toutes les actions de développement des compétences techniques ou individuelles, notamment au travers de la formation, du tutorat ou du mentorat, renforcent cette dimension humaine et favorise la bonne santé mentale des collaborateurs.rices.

3/ Notre dimension émotionnelle qui englobe tous nos types de ressentis physiologiques et leurs impacts dans nos paroles et nos actes, joue un rôle prépondérant dans nos relations interpersonnelles et notre épanouissement. En entreprise, communiquer avec clarté et cohérence et agir sur la prévention du stress garantit une performance durable et protège des risques d’épuisement professionnel.

4/ Notre dimension spirituelle – quête de sens, connexion avec quelque chose de bien plus grand que soi-même – qui est très variable d’une personne à l’autre et en lien ou non avec la religion. Ce sujet est souvent « occulté » en entreprise tant il peut justement être source de tensions. Pourtant, en entreprise, la question du sens et des valeurs associées au « pourquoi elle vend tel service ou produit », clarifie les missions qui en découlent pour permettre à chacun.e de se connecter à cette dimension, à son « pourquoi », et à des objectifs plus larges que ses tâches quotidiennes, pour garder un niveau d’engagement élevé dans la durée.

Toutes ces dimensions interconnectées, lorsqu’elles sont intégrées en chacun.e d’entre nous avec un juste niveau de tension, permettent de ressentir un équilibre intérieur de juste puissance – ni impuissant, ni tout-puissant – propice à l’efficience individuelle & collective, aux relations saines et durables et au partage, y compris dans des situations de désaccord. Et c’est ainsi que l’entreprise, composée de tous ses collaborateurs.rices pour former un tout indissociable, peut bénéficier de la « science en conscience ».

Vers une science en conscience

Selon Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », et les exemples de l’actualité qui se répète ne font que confirmer les déboires de cette prophétie…

Intégrer la notion de tension comme « normale » dans tout phénomène physique et relationnel, transcende la peur même de se confronter à ces « tensions » pour les appréhender comme une formidable opportunité de transformation dans notre monde VUCA – Volatility, Uncertainty, Complexity & Ambiguity – d’incertitude permanente.

La vision même des tensions n’est plus appréhendée comme une source de stress ou de clivages, mais comme une opportunité d’en apprendre encore davantage sur soi-même, sur sa relation à soi, sur les autres et sur sa relation aux autres dans un esprit de compréhension mutuelle.

Ces tensions se transforment en occasion de découvrir de nouvelles synergies pour relever les plus grands défis que la société et la vie nous proposent et auxquels les entreprises, si elles veulent rester « dans l’ère du temps et des besoins » ont tout intérêt à s’ouvrir.

Plus que d’expertise technique, les leaders d’aujourd’hui ont besoin de racines intérieures solides et de larges ailes afin de jouer dans leurs équipes un rôle de « fédérateur des cœurs » orientant ainsi les tensions relationnelles vers des opportunités d’échanges, d’ouverture d’esprit et incitant alors aux idées nouvelles pour s’adapter à tous les forts enjeux actuels : sociétaux, écologiques et économiques.

Les soft skills, comme les hard skills, se développent tout au long de la vie, grâce à la neurogenèse et la neuroplasticité cérébrale, cette capacité de notre corps à créer de nouveaux neurones et connexions neuronales. Le niveau de bien-être, individuel et collectif, l’engagement, l’efficience et des relations humaines saines et pérennes sont quelques exemples des bénéfices et résultats d’un tel investissement.

Alors, qu’attendez-vous pour vous former ou vous faire accompagner ?

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Bérangère Colignon

De formation supérieure et après un parcours de 15 ans en ressources humaines et management dans le secteur de la formation professionnelle pour les industries, Bérangère Colignon fonde Clart&Sens pour « clarifier et donner du sens à vos talents », un cabinet RH et organisme de formation qui applique l’intelligence émotionnelle et collective au cœur de vos ressources humaines profondes.