On associe très souvent la négociation annuelle obligatoire (NAO) à la négociation sur l’augmentation annuelle des salaires puisque c’est sans aucun doute la plus connue (et la plus attendue par les salariés !) des négociations en entreprise.
En réalité, il n’y a pas une, mais plusieurs négociations rendues obligatoires par le législateur qui a voulu favoriser le dialogue social en entreprise.
Mais quelles sont les négociations obligatoires ? Comment se passent-elles en pratique ? Et doit-on obligatoirement trouver un accord ?
Nous vous disons tout ce que vous devez savoir sur les négociations obligatoires en entreprise pour favoriser le dialogue social.
La négociation obligatoire en entreprise
Quelles sont les entreprises concernées ?
La négociation obligatoire concerne les entreprises «où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives (article L. 2242-1 du Code du travail)» à savoir :
- Les entreprises de plus de 50 salariés (seuil d’effectif permettant la désignation d’un délégué syndical) dans lesquelles ont été désigné au moins un délégué syndical.
- Les entreprises de moins de 50 salariés dans lesquelles un membre de la délégation élue du personnel au CSE aura été désigné en qualité de délégué syndical.
Quels sont les thèmes de négociation obligatoire ?
Les négociations obligatoires sont regroupées en 3 domaines par le Code du travail (articles L. 2242-1 et L. 2242-2 du Code du travail) :
- La rémunération (les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise).
- L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail qui devient à partir du 31 mars 2022 la qualité de vie au travail et des conditions de travail (article de la loi santé au travail du 2 août 2021).
- Pour les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Ce sont les 3 thèmes de négociations sur lesquels les entreprises, munies d’organisations syndicales, doivent négocier obligatoirement.
Les autres thèmes restent à la discrétion des partenaires sociaux qui restent donc libres d’engager le dialogue social.
Un accord pour négocier ?
Le législateur oblige à négocier sur ces 3 thèmes, mais les partenaires sociaux peuvent conclure un accord qui fixe le cadre dans lequel vont se dérouler ces 3 négociations obligatoires (article L. 2242-10).
L’avantage d’avoir un accord sur les NAO est de déterminer, mais aussi de fixer à l’avance un cadre sur :
- Les thèmes des négociations obligatoires.
- La périodicité avec l’obligation de négocier au moins tous les quatre ans. En pratique, les accords prévoient une négociation annuelle sur les rémunérations, les fameuses NAO dont on parle en début d’année lors des discussions sur les augmentations collectives de salaires.
- Le contenu de chacun des thèmes.
- Le calendrier et les lieux des réunions.
- Les informations que l’employeur remet aux négociateurs sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise.
- Les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties.
Mais attention, la signature d’un tel accord ne doit pas bloquer le dialogue social en l’enfermant dans un cadre restrictif. L’employeur et les partenaires sociaux doivent pouvoir négocier en dehors du calendrier si le contexte économique et social le justifie.
Les dispositions applicables à défaut d’accord sur la négociation obligatoire
À défaut d’un accord d’entreprise sur les modalités des négociations, l’employeur devra alors engager :
- Chaque année :
- Une négociation sur la rémunération.
- Une négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail.
- Tous les 3 ans, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels pour les entreprises de plus de 300 salariés.
À retenir : Soit un accord fixe la périodicité des 3 négociations obligatoires (mais jamais au-delà de 4 ans !). Soit la négociation est annuelle pour les rémunérations et l’égalité professionnelle et la qualité de vie et conditions de travail ou triennale pour la gestion des emplois.
Modalités pratiques de la négociation obligatoire
Qui doit engager les négociations collectives obligatoires ?
C’est à l’employeur de prendre l’initiative d’engager les négociations collectives obligatoires.
Si l’employeur ne fait rien ? Une organisation syndicale représentative va en faire la demande expresse et l’employeur est alors tenu de transmettre la demande de négociation aux autres organisations représentatives dans les huit jours et de convoquer les parties à la négociation dans les quinze jours.
Quels risques si l’employeur n’est pas diligent ?
- Il commet un délit d’entrave qui est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
- Il peut être condamné à des pénalités financières (articles L. 2242-7 et L. 2242-8 du Code du travail).
Qui convoquer aux négociations ? Comment convoquer ?
Qui doit-on convoquer à la négociation ?
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la négociation annuelle obligatoire s’engage avec le ou les délégués syndicaux présents dans l’entreprise.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les négociations pourront se tenir avec un membre du Comité Social Économique qui aura été désigné en qualité de délégué syndical.
Pour rappel, seuls les délégués syndicaux sont habilités à négocier et conclure les accords collectifs.
Les membres du Comité Social et Économique ne négocient pas les accords ; donc ils ne sont donc pas convoqués aux négociations !
Attention : toutes les organisations syndicales représentatives doivent être convoquées, même celles qui pourraient dire ne pas vouloir s’asseoir à la table des négociations !
Ne pas convoquer tous les syndicats représentatifs est un délit d’entrave et l’accord qui serait signé à l’issue de telles négociations serait atteint de nullité (cass. soc. 12 oct. 2006, no 05-15.069).
Comment convoquer ?
Le Code du travail ne le précise pas, mais il est conseillé de le faire par courrier, soit remis en main propre, soit en recommandé, soit par messagerie électronique.
Combien de délégués syndicaux peuvent être présents à la négociation ?
La négociation se déroule avec une délégation de chaque organisation syndicale représentative, à savoir le délégué syndical ou au moins 2 délégués syndicaux en cas de pluralité de délégués.
Quel calendrier de négociations ?
S’il existe un accord collectif sur la négociation obligatoire, le calendrier et les modalités des réunions sont déjà fixés ; à savoir le nombre de réunions, leur périodicité, le lieu où elles se tiendront.
À défaut d’accord, 2 réunions au minimum doivent se tenir :
La première réunion est dite réunion préparatoire qui permettra de préciser :
- Le lieu et le calendrier des réunions de négociation.
- Les informations qui seront remises par l’employeur aux délégués syndicaux et la date de remise desdites informations.
Il n’y a pas un nombre maximal de réunions : les négociations s’achèvent lorsque les parties ont trouvé un accord ou constaté l’échec des négociations.
Les réunions peuvent se tenir à distance si la situation l’exige.
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Quelles sont les informations qui doivent être remises aux partenaires sociaux ?
L’accord sur la négociation obligatoire doit préciser les documents remis par l’employeur et la date de cette remise.
Mais à défaut d’accord, il n’y a pas de liste exhaustive même si de nombreuses informations sont mises à disposition des délégués syndicaux dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).
L’employeur est tenu de négocier avec loyauté. Il doit donc communiquer les informations nécessaires pour permettre aux partenaires sociaux de négocier en toute connaissance de cause.
Pendant les négociations, l’article L. 2242-4 du Code du travail interdit à l’employeur de prendre unilatéralement décision concernant l’un des sujets abordés avec les partenaires sociaux « sauf situation d’urgence ». L’employeur peut toutefois continuer à prendre des décisions individuelles, même si une négociation collective est en cours. La vie de l’entreprise continue !
Obligation de négocier, mais pas de conclure un accord !
Le législateur oblige l’employeur à se mettre autour de la table avec les partenaires sociaux sur l’un des thèmes objet des NAO, mais pas à trouver un terrain d’entente qui déboucherait sur un accord entre les parties !
Les négociations peuvent donc aboutir à 2 issues :
En cas d’accord, quelles formalités ?
Si un accord est trouvé, c’est la partie la plus diligente qui rédige l’accord. En pratique, la rédaction est confiée aux services RH et juridiques de l’entreprise pour validation par les partenaires sociaux.
Qui sont les signataires de l’accord ?
Une fois rédigé, l’accord est signé par l’employeur et les organisations syndicales qui y sont favorables.
Rappel : pour être valable l’accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique.
Si les syndicats ne représentant que 30%, une consultation des salariés devra être engagée.
Peut-on signer électroniquement un accord d’entreprise ? Avec la crise sanitaire de la covid-19, il est désormais possible d’utiliser la signature électronique via un prestataire de certification électronique ou la numérisation d’exemplaires en signature manuscrite.
Quelles sont les formalités de dépôt et de publication ?
Les signataires de l’accord doivent ensuite accomplir quelques formalités (en pratique c’est l’employeur qui en prend l’initiative) pour que l’accord soit applicable.
- Notification de l’accord collectif signé à l’ensemble des organisations représentatives (art. L. 2231-5 du Code du travail).
- Transmission à la DREETS-DDETS (ex DIRRECTE) via la plateforme de téléprocédure des accords.
- Publication et diffusion sur www.legifrance.gouv.fr. en version anonymisée.
En version anonymisée, les noms, prénoms, paraphes ou signatures de personnes physiques et certaines mentions confidentielles sont supprimés.
À retenir : ne sont pas publiés les accords d’intéressement, de participation, les plans d’épargne d’entreprise, les plans d’épargne interentreprises, les plans d’épargne pour la mise à la retraite collectifs, les accords relatifs au plan de sauvegarde de l’emploi et les accords de performance.
- Dépôt au greffe du Conseil des Prud’hommes.
Ne pas oublier d’informer les salariés de l’existence de l’accord !
L’employeur doit informer les salariés de la signature de l’accord collectif via un affichage aux emplacements réservés aux communications destinées au personnel et des modalités de mise à disposition et de consultation des textes (souvent dans les bureaux du service du personnel).
L’employeur peut également mettre un exemplaire de l’accord sur l’intranet s’il en existe un dans l’entreprise.
En cas de désaccord, quelle suite donnée ?
Les négociations peuvent ne pas aboutir à un consensus entre l’employeur et les partenaires sociaux.
Dans ce cas, l’employeur doit rédiger un procès-verbal de désaccord qui doit mentionner la tenue des réunions, les propositions des parties, les discussions qui ont eu lieu avec les arguments présentés par les parties et les éventuelles mesures prises unilatéralement par l’employeur (article L.2242- 5 du Code du travail).
Le procès-verbal de désaccord n’a pas à être signé par les organisations syndicales.
Le procès-verbal de désaccord signé doit également être déposé auprès de la DREETS-DDETS et du greffe du Conseil des prud’hommes.
L’employeur peut prendre des décisions unilatérales (par exemple fixer le % de l’augmentation collectif) ou proposer de reprendre les discussions ultérieurement (en tenant compte des raisons pour lesquelles les négociations n’ont pas abouti s’il souhaite trouver, cette fois, un terrain d’entente !).
Conclusion
Le législateur a fixé un cadre obligatoire de discussions entre les employeurs et les partenaires sociaux sur 3 thèmes via les négociations annuelles obligatoires. Mais les acteurs sociaux restent libres de négocier sur tous les sujets qui leur semblent importants pour l’activité économique et sociale de l’entreprise !
Le dialogue social est un vrai levier de performance économique et sociale de l’entreprise, contribuant à la qualité de vie au travail et à l’engagement des salariés dans l’entreprise. Et ce même en période de crise !
Le télétravail en est une parfaite illustration. Ce mode d’organisation du travail, peu répandu avant la crise sanitaire de la Covid-19, est devenu un enjeu majeur pour les conditions de travail et la qualité de vie des collaborateurs, mais aussi l’engagement et la fidélisation des salariés.
Dans son rapport du 15 novembre 2021, l’ANACT a recensé entre le 1er janvier et le 4 novembre 2020, plus de 6 000 textes (accords et avenants) mentionnant le télétravail qui ont été déposés sur D@ccord, (la base statistique des accords collectifs d’entreprises), dont 1 000 textes spécifiques au télétravail.
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