Discrimination capillaire au travail : que dit la loi en 2025 ?

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97 % des français interrogés par Opinion way sur l’inclusion en entreprise considèrent que l’apparence physique a un impact sur au moins une étape de la carrière professionnelle : à l’embauche, lors d’un entretien, d’une promotion ou d’une négociation de salaire. Qu’en est-il de la discrimination capillaire ?

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Le baromètre Apicil « Les Français et l’inclusion Â» du 3 avril 2025 réalisé avec OpinionWay a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête ! 

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Sous la pression des jugements en entreprise, qu’il s’agisse du regard des collègues ou de remarques de managers, un tiers des salariés a déjà modifié son apparence, un phénomène particulièrement marqué chez les jeunes, dont 44 % déclarent avoir changé de look après une remarque.

Plus largement, 57 % des Français envisageraient un ajustement physique à des fins professionnelles, et près d’un jeune de 18 à 24 ans sur trois irait jusqu’à la médecine esthétique pour booster ses chances de réussite.

Et les cheveux ne sont pas anodins. Ils racontent une histoire, une culture, un style personnel. Et pourtant, ils continuent d’être perçus comme non professionnels dès qu’ils sortent d’une norme implicite : coiffures afro, couleurs vives, longueurs inhabituelles, calvities ou cheveux blancs pour les femmes… Selon le baromètre 2025 d’Apicil, 27 % des salariés ont déjà changé de coiffure pour des raisons professionnelles.

C’est dans ce contexte que la question de la discrimination capillaire a émergé. 

Que dit la loi sur la discrimination capillaire ? Et comment les entreprises doivent aborder le sujet, sans se faire de cheveux blanc ?

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Un cadre législatif sur la discrimination sur l’apparence

L’apparence physique est un critère reconnu dans le droit français parmi les 25 motifs de discrimination interdits. 

L’article 225-1 du Code pénal et l’article L.1132-1 du Code du travail interdisent toute différence de traitement fondée sur des éléments physiques non pertinents pour le poste. Cela inclut à la fois l’apparence corporelle (taille, morphologie, couleur de peau, cheveux) et l’apparence vestimentaire ou « look » (coiffure, maquillage, tatouages, bijoux).

Au-delà des impacts en terme de réputation et de marque employeur, discriminer peut coûter cher à l’entreprise.

Les sanctions pénales en cas de condamnation peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende pour les personnes physiques et jusqu’à 225 000 euros d’amende pour les personnes morales.

Le candidat ou le salarié qui s’estime être victime d’une discrimination peut saisir le conseil des prud’hommes. Il doit prouver des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination (témoignages, courriels, écarts de traitement, comportements…), l’employeur doit alors démontrer que sa décision repose sur des caractères objectifs et étrangers à toute discrimination.

Et si la discrimination est retenue, la décision prise sur un motif discriminatoire est annulée par le juge qui peut ordonner la réintégration du salarié ou condamner au paiement d’une indemnité minimale de 6 mois de salaire en cas de licenciement, et accorder des dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral ou professionnel.

Cependant, certaines restrictions peuvent être autorisées si elles sont justifiées. Par exemple, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante (comme c’est le cas pour les comédiens ou les mannequins), ou lorsqu’elles relèvent de règles de sécurité, d’hygiène ou d’image de l’entreprise, mentionnées dans le règlement intérieur. Porter un casque, attacher ses cheveux ou éviter certaines coiffures dans l’agroalimentaire ou le BTP peut alors être exigé, mais sous conditions strictes de justification.

Le principe est donc clair : tout ne peut pas être imposé, et les restrictions doivent être proportionnées. Les employeurs ont donc une responsabilité dans l’équilibre à trouver entre contraintes professionnelles et respect des libertés individuelles.

Jusqu’à présent, la question capillaire est traitée à travers d’autres motifs de discrimination. En 2022, la Cour de cassation a tranché en faveur d’un steward à qui l’on interdisait de porter des tresses africaines nouées en chignon, coiffure pourtant autorisée aux femmes.

La justice a estimé qu’il s’agissait d’une discrimination fondée sur l’apparence physique, en lien avec le sexe du salarié. L’employeur ne pouvait se fonder ni sur des codes de genre, ni sur l’image de marque de l’entreprise pour justifier cette différence de traitement.

Cette décision a marqué un tournant, en mettant en lumière les limites du cadre juridique actuel pour appréhender pleinement les discriminations liées aux cheveux. Elle a aussi renforcé l’idée qu’il était temps de nommer clairement cette forme de discrimination pour mieux la combattre.

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Une proposition de loi pour reconnaître la discrimination capillaire

C’est dans ce contexte, qu’une proposition de loi a été déposée en septembre 2023 pour faire reconnaître explicitement la discrimination capillaire comme une catégorie autonome, distincte dans le Code du travail et le Code pénal. 

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Si le droit interdit déjà les discriminations fondées sur l’apparence physique, les parlementaires à l’origine du texte estiment que cette notion reste trop large et imprécise pour englober efficacement les discriminations constatées sur les cheveux.

La proposition de loi a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 mars 2024, sans opposition du gouvernement, mais doit encore passer l’étape du Sénat pour entrer en vigueur. Elle vise notamment à modifier l’article L.1132-1 du Code du travail en y ajoutant la mention explicite de la discrimination capillaire, et à interdire toute disposition discriminante dans les règlements intérieurs d’entreprise.

Elle prévoit aussi une mise en cohérence avec le Code pénal (article 225-1) et la loi du 27 mai 2008 sur les discriminations. Un amendement a été introduit pour simplifier la formulation et éviter les risques d’omission en parlant plus largement d’apparence « notamment capillaire »​.

Cette reconnaissance spécifique fait débat. Certains, comme la Défenseure des droits, estiment que le droit actuel suffit et considèrent qu’un ajout spécifique au critère capillaire n’est pas nécessaire juridiquement, l’apparence physique étant déjà protégée.

Mais les partisans du texte mettent en avant la difficulté, dans les faits, à faire reconnaître cette discrimination. En nommant le problème, on le rend plus visible, plus identifiable, donc plus facile à combattre.

Qu’elle soit jugée symbolique ou nécessaire, cette reconnaissance d’une discrimination capillaire relance surtout la réflexion sur les pratiques concrètes au sein des entreprises. Car la lutte contre les discriminations ne se joue pas uniquement dans les textes, mais aussi dans les comportements du quotidien.

Les cheveux, un enjeu de diversité et d’inclusion en entreprise

Si le cadre légal pose les bases, c’est dans la culture d’entreprise que se joue l’essentiel. Reconnaître les cheveux comme un enjeu d’inclusion, c’est interroger en profondeur les stéréotypes qui influencent encore trop souvent les perceptions professionnelles.

Les discriminations liées à l’apparence ne sont pas toujours intentionnelles. Elles s’appuient souvent sur des stéréotypes profonds. Ces jugements automatiques influencent les comportements, parfois sans que l’on en ait conscience.

En entreprise, ces biais peuvent se traduire par une inégalité d’accès à l’emploi ou aux responsabilités. L’économiste Eva Sierminska a constaté une « prime à la beauté Â» puisque dans une étude elle a constaté que les personnes jugées comme attirantes gagneraient 15% de plus que les autres. 

Heureusement, les RH disposent de leviers concrets pour faire évoluer les choses.

La première étape, c’est la sensibilisation des salariés par des formations pour lutter contre les discriminations en général et plus particulièrement celles liés au physique. Certains entreprises organisent également des ateliers sur les biais inconscients ou la diversité des apparences.

Former les recruteurs à « recruter sans discriminer » est également essentiel. Cela peut passer par des mises en situation, l’usage de CV anonymes ou des grilles d’évaluation précises, basées sur des compétences observables et objectivables. Le but : éviter que l’intuition ou la première impression ne prenne le dessus sur les faits.

Les entreprises peuvent aussi agir via la communication : en montrant des profils variés, en valorisant les collaborateurs et collaboratrices dans toute leur diversité. Cela passe par les visuels internes, les campagnes de recrutement, les témoignages en ligne. Montrer que l’on peut être soi-même au travail est un message puissant.

Au-delà des obligations légales, c’est une question de climat social, de cohérence, d’exemplarité. Un salarié ou une salariée qui change de coiffure à contrecœur, qui cache ses cheveux, qui essuie des remarques sur son style, est une personne à qui l’on envoie le message que ses compétences ne suffisent pas.

La diversité ne se limite pas aux discours. Elle commence par les détails, les petits signaux, les réactions du quotidien. Un environnement de travail inclusif, c’est un environnement où chacun peut venir comme il est, sans avoir à effacer une partie de soi.

En agissant sur ces sujets, les entreprises renforcent leur attractivité, fidélisent leurs talents et envoient un signal fort à la société. La diversité n’est pas une contrainte : c’est une richesse. Et cela passe aussi… par la tête.


Conclusion

Pour les RH, le sujet des cheveux peut sembler secondaire. Mais c’est souvent par les détails que l’on évalue une culture d’entreprise. Et pour les collaborateurs, c’est un révélateur puissant : si je dois me couper les cheveux pour être pris au sérieux, que dit-on de mes compétences ? Si ma coiffure devient un obstacle, comment puis-je être pleinement moi-même dans mon travail ? À force de vouloir que tout soit « tiré à quatre épingles », on finit parfois par « couper les cheveux en quatre ».

Ce qui compte vraiment dans le monde professionnel, ce ne sont ni les boucles, ni la barbe, ni la couleur des cheveux. Ce sont les idées, l’intelligence, la créativité, la rigueur, la capacité à travailler en équipe ou à innover. Des compétences qui, elles, ne connaissent ni sexe, ni âge, ni apparence, ni origine, ni religion, etc…. Des compétences professionnelles reconnues, valorisées pour des performances qui décoiffent !

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