Lors des entretiens de recrutement ou pendant l’exécution d’un contrat de travail, employeurs et candidats/employés seront amenés à échanger un certain nombre de données personnelles.
Si la collecte de certaines de ces données semble évidente pour l’embauche ou l’exécution du contrat de travail (pour exemple, le nom, prénom et adresse de l’employé), d’autres peuvent faire l’objet d’interrogations quant à la pertinence de leur collecte.
C’est notamment le cas du casier judiciaire.
L’employeur peut-il demander un extrait du casier judiciaire à ses employés ou lors d’un entretien d’embauche ?
Nous aborderons la réponse à cette question sous l’angle de la protection des données personnelles, de la vie privée et en opérant une distinction entre les catégories de casier judiciaire.
Le casier judiciaire et la protection des données personnelles
Est-ce qu’un casier judiciaire peut être considéré comme une donnée personnelle ?
Pour rappel, les données à caractère personnel (les « Données Personnelles ») désignent toute information pouvant identifier directement ou indirectement une personne physique (nom, prénom, courriel, n° de téléphone, adresse postale, etc.).
À ce titre, le RGPD définit une donnée à caractère personnel comme : « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée «personne concernée») ; est réputée être une «personne physique identifiable» une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale; » (art. 4 RGPD).
Dans la mesure où le casier judiciaire comprend notamment l’identité de l’employé/candidat (nom, prénom) ainsi que des informations se rapportant à sa personne (condamnations), le casier judiciaire doit être considéré comme une donnée personnelle en ce qu’il contient des informations permettant d’identifier une personne physique, en l’occurrence le candidat/employé.
Il convient donc de traiter cette donnée avec le même niveau de protection que n’importe quelle autre donnée personnelle. Nous vous invitons pour cela à vous référer aux divers articles publiés en lien avec la protection des données personnelles de vos employés et candidats.
La nécessité de la collecte du casier judiciaire
Bien que le casier judiciaire soit une donnée personnelle, il ne doit pas pour autant faire l’objet d’une collecte abusive et injustifiée. En effet, ce ne sont pas tous les postes qui requièrent la collecte du casier judiciaire d’un candidat.
À ce titre, lorsqu’un employeur collecte et traite une donnée personnelle, il doit le faire en appliquant le principe de minimisation des données. En application de ce principe (voir à ce sujet l’article « Principe de minimisation des données »), l’employeur ne peut collecter et traiter que les données qui sont strictement nécessaires pour répondre à la finalité du traitement.
La collecte du casier judiciaire d’un candidat doit donc répondre à deux impératifs :
- Cela doit être pertinent, donc avoir un lien avec la finalité du traitement.
Pour exemple, il n’y a aucune justification de collecter le casier judiciaire d’un candidat en poste depuis plusieurs années, au titre d’une évaluation annuelle ou pour le calcul d’une prime ou l’émission d’une fiche de paie.
En revanche, pour un poste bien spécifique en lien avec la sécurité(ex : poste de surveillance), l’employeur peut demander une copie du casier pour vérifier les antécédents judiciaires d’un candidat en vue d’évaluer l’adéquation de ce dernier au poste proposé.
- Cela doit être indispensable au traitement. L’employeur doit avoir impérativement besoin du casier judiciaire pour effectuer le traitement.
Pour exemple, l’employeur n’a pas impérativement besoin du casier judiciaire d’un candidat à un poste de chargé de recrutement.
Toutefois, il peut en avoir impérativement besoin s’il souhaite promouvoir un employé à un poste bien spécifique, aux hautes responsabilités ou répondant à des critères légaux précis (agents de sécurité, assistantes maternelles, etc.).
Quelles suites donner à la collecte ?
Bien que l’employeur puisse demander une production d’un extrait du casier judiciaire, il ne peut pas en conserver une copie ni effectuer un autre traitement. En somme, l’employeur peut simplement « consulter » ledit extrait, mais il n’a pas le droit :
- De l’archiver, d’en faire une copie.
- D’en communiquer une copie à des tiers ou à d’autres employés.
- D’inscrire les mentions contenues dans l’extrait sur un registre.
Dans le fichier de gestion du personnel, l’employeur se contentera d’indiquer une mention indiquant si « oui » ou « non », le casier judiciaire a été vérifié.
À l’exception de certaines professions où l’employeur, tenu par certaines dispositions légales spécifiques, devra conserver un extrait du casier judiciaire. Auquel cas, l’employeur devra se référer à la durée fixée par la loi ou par un règlement.
Les différentes catégories de casier judiciaire et leur collecte
Pour certains emplois, l’employeur pourra être amené à collecter l’un des trois types de casier judiciaire (Bulletin n°1 B1, Bulletin n°2 B2 et Bulletin n°3 B3). En fonction du type de casier, les incidences ne sont pas les mêmes pour l’employeur.
Le bulletin n°1
Il s’agit du bulletin le plus précis et répondant à des restrictions légales strictes. En effet, le B1 comporte l’ensemble des condamnations et des décisions inscrites au casier judiciaire. Y figureront les motifs des condamnations, la nature de ces dernières, la nature de la peine et sa durée.
Le B1 est exclusivement réservé aux autorités judiciaires et aux greffes pénitentiaires. L’employeur ne peut, en aucun cas, en exiger une copie. Cela est contraire aux dispositions légales.
Il est à noter également que l’employé/candidat lui-même ne peut s’en faire délivrer une copie, il ne peut qu’en obtenir une communication verbale en se rendant auprès du greffe du tribunal correctionnel.
Le Bulletin n°2
Sur ce bulletin figurent les condamnations du B1 à l’exception des condamnations prononcées contre les mineurs, les contraventions ou les décisions étrangères.
Pour autant, l’employeur peut-il en demander une copie à un candidat/employé ?
Oui et non. Seuls les employeurs ayant une activité culturelle, éducative ou sociale auprès de mineurs sont autorisés à en demander une copie et seulement si cette information est essentielle pour évaluer les compétences et l’adéquation d’un candidat à un poste où il sera nécessairement en contact avec des mineurs.
En tant qu’employeur, si vous souhaitez obtenir une copie de ce bulletin, vous devrez passer auprès des autorités administratives compétentes.
Si le B2 est vierge (aucune mention), on vous en enverra une copie.
Dans le cas contraire, aucune copie ne sera transmise à l’employeur. Ce dernier sera simplement informé que le B2 comporte une ou plusieurs condamnations. La nature desdites condamnations ne sera pas communiquée à l’employeur. L’employeur recevra également une information lui indiquant si lesdites condamnations constituent ou non un frein à l’embauche du candidat.
Il est à noter qu’un candidat ne peut pas s’opposer à la communication du B2 à l’employeur par les autorités administratives. Lorsque le poste en question exige la vérification des antécédents du candidat, l’employeur peut se passer du consentement de ce dernier et prendre contact avec les autorités administratives compétentes pour en obtenir une copie.
Le Bulletin n°3
Ce bulletin comporte les informations suivantes :
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J’accède au contenu- Condamnations pour crimes et délits supérieures à deux ans d’emprisonnement sans sursis, prononcées en France ou à l’étranger.
- Condamnations pour crimes et délits inférieures à deux ans d’emprisonnement sans sursis, si le tribunal en a ordonné la mention.
- Certaines déchéances ou incapacités en cours d’exécution.
- Mesures de suivi socio-judiciaire et peines d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Pour ce casier, puisqu’aucun texte légal ou réglementaire ne prévoit de disposition à ce titre, l’employeur peut en demander une production d’extrait à un candidat, en application toutefois du principe de minimisation rappelé plus haut. On ne demandera donc à un candidat la production de cet extrait qu’en ayant un motif légitime et si l’emploi en question le justifie.
Par ailleurs, certains emplois nécessitent la vérification par l’employeur du B3, pour des professions dont l’accès est réglementé. C’est le cas des avocats, salariés travaillant dans les aéroports, chauffeurs de taxi ou employés de casinos.
On rappellera que l’employeur ne peut être délivré directement à l’employeur. Cet extrait est délivré seulement à la personne concernée.
Les conséquences de la non-communication d’un casier ou de la présence de condamnation
Deux situations peuvent être rencontrées par les employeurs.
Le refus de communication du casier par un employé/candidat
Il peut arriver qu’un salarié refuse de communiquer l’extrait B3. Il faut rappeler que vous ne pouvez justifier le non-recrutement d’un candidat (ou la non-promotion d’un employé à un poste) si la personne refuse de vous transmettre l’extrait du casier judiciaire, surtout si l’employeur ne justifie pas de la nécessité de vérifier l’extrait en question.
À l’exception des postes spécifiques où la réglementation impose à l’employeur de procéder à certaines vérifications (ex : les emplois où il est nécessaire de vérifier le B2), l’employeur ne peut pas justifier le refus d’embauche pour défaut de communication de l’extrait du casier judiciaire.
Le candidat/employé a fait l’objet de condamnations
En outre, si un candidat a fait l’objet d’une condamnation, cela ne peut servir de motif à l’employeur pour refuser l’accès à l’emploi (sauf pour les métiers qui requièrent qu’un candidat n’ait pas été condamné pour certains crimes et délits incompatibles avec le poste proposé).
Toutefois, si l’employé a fait l’objet d’une condamnation, cette condamnation ne peut servir de motif à elle seule pour justifier le renvoi du salarié. Nous vous invitons à vous référer à l’article « Salarié condamné, comment réagir ? » pour savoir quelle attitude adopter dès lors qu’un de vos employés fait l’objet d’une condamnation pénale.