La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne (DDADUE) tant attendu par les employeurs et les professionnels des Ressources Humaines est entrée en vigueur le 24 avril 2024. Cette loi a comme objectif de mettre en conformité le droit européen dans plusieurs domaines et notamment concernant l’acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail. Cette disposition de la loi DDADUE font suite aux récentes jurisprudences ayant secouées le monde des Ressources Humaines en septembre 2023.
Mais que contient la loi DDADUE ? Quelles sont les nouvelles règles d’acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail ? Comment fonctionne le nouveau système de report ? Et qu’en est-il de la rétroactivité ?
Dans cet article, nous vous livrons notre éclairage sur la loi DDADUE et l’acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail.
Loi DDADUE : Pourquoi une loi d’adaptation au droit de l’Union Européenne concernant les congés payés ?
Les nouvelles règles concernant les congés payés en cas d’arrêt de travail sont entrées en vigueur le 24 avril 2024. Cette mise en conformité était nécessaire et très largement attendue, notamment suite aux dernières jurisprudences allant dans le sens du droit européen.
Une interprétation des juges de fond en faveur du droit européen
En septembre 2023, la Cour de cassation a écarté deux règles du Code du travail en raison de leur incompatibilité avec le droit européen (Cour de Cassation – 13 septembre 2023, n° 22-17340 et n° 22-17638). Elle a ainsi statué que, malgré les dispositions du Code du travail, les salariés acquièrent des congés payés :
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- Sur toute la durée d’un arrêt de travail lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle (AT/MP), sans limitation de durée, soit au-delà de la première année.
Un vide juridique concernant le droit Français
Après des années d’inaction, les autorités publiques ont décidé de rendre le Code du travail conforme au droit européen. Ces modifications entrent en vigueur avec la loi 2024-364 du 22 avril 2023, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE), publiée au Journal officiel le 24 avril.
Harmonisation du droit européen tout en limitant l’impact pour les employeurs
Les pouvoirs publics ont harmonisé la législation française avec le droit européen sans surtransposition, limitant l’impact sur les entreprises autant que possible, et notamment concernant les règles de rétroactivité.
Toutefois, ces ajustements se traduisent par une gestion plus complexe des congés payés pour les équipes Ressources Humaines.
Salarié en arrêt de travail : quelles sont les nouvelles règles d’acquisition des congés payés ?
La loi DDADUE prévoit de nouvelles dispositions en matière d’acquisition des congés payés et de report pendant un arrêt de travail. Elle pose également des gardes fous en matière de rétroactivité.
L’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie ou accident non professionnel
2 jours ouvrables par mois pendant un arrêt de travail pour maladie
Lors d’un arrêt maladie ou accident d’origine non professionnelle, les congés payés s’acquièrent à raison de 2 jours ouvrables par mois, ce qui représente 1,67 jours ouvrés.
Un mois de travail effectif ou assimilé donne normalement droit à 2,5 jours ouvrables de congés payés. Cependant, en cas d’arrêt non professionnel, le salarié ne cumule que 2 jours ouvrables par mois, avec une limite maximale de 24 jours si le salarié est malade toute la période d’acquisition.
Cette différence allège ainsi l’impact de la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur les entreprises.
Exemple : Un salarié est en arrêt de travail pour maladie du 1er aout au 30 septembre 2024
Acquisition sur la période de référence :
- Du 1er juin au 31 juillet 2024 : 2,5 jours par mois soit 5 jours ouvrables
- Du 1er aout au 30 septembre 2024 : 2 jours par mois soit 4 jours ouvrables
- Du 1er octobre 2024 au 31 mai 2025 : 2,5 jours par mois soit 20 jours ouvrables
Ainsi, au 31 mai 2025, le salarié a acquis 29 jours ouvrables.
Pas de condition d’ancienneté ou d’indemnité
À noter également que l’acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle n’est pas conditionnée à l’indemnisation de la Sécurité Sociale ou encore au maintien de l’employeur ou par un organisme de prévoyance.
Ainsi, un salarié peut bénéficier de ce dispositif dès son embauche sans conditions d’ancienneté.
L’indemnité de congés payés
Pour calculer l’indemnité de congés payés selon la règle du 10ème en cas de prise des congés ou solde de tout compte, il convient de prendre en compte la rémunération fictive que le salarié aurait perçu? mais uniquement à hauteur de 80%.
Illustration par un exemple
Un salarié est en arrêt de travail pour maladie de janvier à mars. Les congés sont décomptés en jours ouvrables. Sa rémunération mensuelle brute est de 2 000 euros.
Mois | Acquisition congés payés | Base 10ème congés payés |
---|---|---|
Juin à décembre | 17,5 | 14 000 |
Janvier à mars | 6 | 4 800 |
Avril à mai | 5 | 4000 |
Période de référence | 29 jours ouvrables * | 22 800 euros |
L’acquisition des congés payés pendant une maladie professionnelle ou un accident du travail
2.5 jours ouvrables, sans changement
Pas de changement concernant l’acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail pour accident du travail/trajet ou maladie professionnelle. Le salarié acquiert toujours 2,5 jours ouvrables (ou 2,08 jours ouvrés) par mois.
Pas de limitation de durée
La réglementation prévoyait une durée limitée pendant laquelle le salarié pouvait acquérir des congés payés. Cette disposition a été supprimée par la loi DDADUE.
Ainsi, un salarié en arrêt de travail pour accident du travail/trajet ou maladie professionnelle acquiert de 2,5 jours ouvrables de congés tout le long de son arrêt de travail.
Les règles de report des congés payés en cas d’arrêt de travail
La loi DDADUE prévoit des règles de report des congés payés acquis pendant un arrêt de travail. Mais comment fonctionne ce report ? Comment informer le salarié sus ses droits ?
Période de report de 15 mois pouvant être prolongée par accord collectif
La loi prévoit une période de report de 15 mois pour les congés payés qu’un salarié ne peut pas prendre à cause d’une maladie ou d’un accident, qu’ils soient professionnels (AT/MP) ou non.
Cette période commence à la date à laquelle le salarié reçoit les informations sur ses droits aux congés.
La période minimale de 15 mois peut être étendue par un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Exemple :
- Un salarié est en maladie du 1er janvier au 5 mai 2025. La période de prise des congés est fixé du 1er juin au 31 mai.
- L’employeur informe le salarié le 15 mai 2025 de son solde de jours à prendre ainsi que ses dates de report.
- A son départ en arrêt de travail, il restait au salarié 6 jours ouvrables à prendre.
- Le solde des congés acquis sur la période 2023-2024 est reporté jusqu’au 15 juillet 2026, soit 15 mois après l’information du salarié, car le salarié est dans l’impossibilité de prendre ses congés avant le 31 mai 2025.
Arrêt de travail de plus d’un an à la fin d’une période d’acquisition
Une règle spécifique s’applique aux salariés qui sont en arrêt de travail depuis au moins un an à la fin d’une période d’acquisition des congés. Les congés acquis pendant cet arrêt sont reportés sur une période de 15 mois qui débute à la fin de la période d’acquisition concernée, à condition que le contrat de travail soit suspendu depuis au moins un an à cette date, en raison d’une maladie ou d’un accident.
Dans ce cas, la période de report démarre sans attendre la reprise du travail ni que le salarié soit informé. Pour une période d’acquisition allant du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1, le report de 15 mois commence le 1er juin N+1.
Si l’arrêt de travail se poursuit et que le salarié ne revient pas avant la fin de la période de report, les droits aux congés sont perdus.
Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report, celle-ci est suspendue. Elle reprend dès que l’employeur informe le salarié sur le nombre de jours de congés disponibles et leur date limite d’utilisation.
Exemple avec reprise avant l’expiration du report :
- Un salarié est en maladie du 1er avril 2024 au 31 juillet 2025
- Au 1er juin 2025, ses songés acquis sur la période 2024-2025 sont automatiquement reportés jusqu’au 31 août 2026, soit 15 mois après la fin de période d’acquisition.
- Le salarié reprend le travail le 1er aout 2025, sa période de report est donc suspendu jusqu’à l’information du salarié sur ses droits.
- Il est informé de ses droits le 7 août 2025.
- Le solde des congés acquis sur la période 2024-2025 est reporté jusqu’au 7 septembre 2026.
- Le solde des congés acquis sur la période 2023-2024 ainsi que les éventuels jours restants sur la période 2022-2023 sont reportés jusqu’au 7 novembre 2026, soit 15 mois après l’information du salarié.
Exemple avec reprise après l’expiration du report :
- Un salarié est malade du 1er avril 2024 au 30 septembre 2026.
- Au 1er juin 2025, report automatique des congés acquis sur la période 2024-2025 jusqu’au 31 aout 2026, soit 15 mois après la date de fin d’acquisition.
- Au 1er juin 2026, report automatique des congés acquis sur la période 2025-2026 jusqu’au 31 aout 2027, soit 15 mois après la date de fin d’acquisition.
- Au 1er octobre 2026, le salarié reprend le travail.
- Il est informé de ses droits le 15 octobre 2026.
- Ses congés acquis sur la période 2023-2024, ainsi que les éventuels jours restants sur la période 2022-2023, doivent être pris jusqu’au 15 janvier 2027, soit 15 mois après l’information sur ses droits.
- Ses congés acquis sur la période 2024-2025 sont perdus car la période de report est expirée.
- Ses congés acquis sur la période 2025-2026 seront à prendre jusqu’au 15 septembre 2027, soit après une suspension de 15 jours entre son retour et sa date d’information.
- Les congés acquis à compter du 1er juin 2026 seront à prendre à compter du 1er juin 2027, comme les autres salariés.
Informer le salarié sur ses droits : quelle procédure ?
Après un arrêt maladie ou accident, qu’il soit d’origine professionnelle ou non, l’employeur est tenu d’informer le salarié, dans le mois suivant la reprise du travail, de deux éléments :
- Le nombre de jours de congés payés disponibles.
- La date limite à laquelle ils doivent être utilisés.
La loi ne précise pas les sanctions en cas de non-communication, d’information tardive ou incomplète.
L’information peut se faire par tout moyen donnant une date certaine, y compris via le bulletin de paie, comme le précise le nouvel article L. 3141-19-3 du Code du travail.
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Congés payés et arrêt de travail : Les règles de rétroactivité
La question de la rétroactivité est le point qui inquiétait le plus les employeurs et les professionnels des Ressources Humaines. Il était donc indispensable de légiférer sur ce sujet. Jusqu’à quelle date les salariés qui ont été en arrêt de travail peuvent demander un calcul rétroactif de leurs droits ?
Rétroactivité du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024
La loi prévoit une application rétroactive du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024 pour les éléments suivants :
- La règle d’acquisition des congés payés pendant un arrêt pour accident ou maladie non professionnelle (2 jours ouvrables par mois).
- Les dispositions relatives à l’information du salarié sur ses droits.
- Les règles de report, dont le point de départ varie en fonction de la durée de l’arrêt de travail.
La date du 1er décembre 2009 correspond à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a donné force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sur laquelle la Cour de cassation s’est appuyée dans ses décisions du 13 septembre 2023 pour écarter les règles françaises non conformes.
La rétroactivité des règles de report permet de limiter les risques, empêchant un salarié de cumuler sans fin des droits à congés payés si son arrêt de travail se prolonge au-delà d’une période d’acquisition.
Et pour les arrêts AT/MP ?
La loi n’a pas prévu de rétroactivité concernant la suppression de la limite d’un an pour l’acquisition des congés payés lors d’arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle. Cependant, les salariés peuvent s’appuyer sur la jurisprudence de septembre 2023 (Cour de cassation- 13 septembre 2023, n° 22-17638 FPBR) pour faire valoir leurs droits.
Par ailleurs, les règles de report peuvent s’appliquer de manière rétroactive pour les congés payés acquis pour des salariés en AT/MP, car la loi ne distingue pas l’origine de l’arrêt en ce qui concerne les règes de report.
Quel délai pour demander la rétroactivité du calcul de droits ?
Le délai varie en fonction si le salarié a quitté l’entreprise ou est encore en poste.
Salariés en poste : délai de forclusion de 2 ans
La loi prévoit un délai de forclusion de 2 ans à partir du 24 avril 2024 pour engager des actions en justice visant à obtenir des congés payés pour la période allant de décembre 2009 jusqu’à cette date. Ainsi, un salarié actuellement en poste dispose d’un délai jusqu’au 23 avril 2026 pour agir.
Salariés ayant quitté l’entreprise : prescription triennale selon le gouvernement
La loi ne prévoit pas de disposition spécifique pour les salariés ayant quitté leur entreprise avant le 24 avril 2024. Le gouvernement applique la prescription triennale pour le paiement des salaires (art. L. 3245-1 du Code du travail).
Selon le Conseil d’État, les anciens salariés dont le contrat est rompu depuis plus de 3 ans au 24 avril 2024 ne pourront pas intenter d’action en justice. Cependant, cette interprétation pourrait être remise en question et pourrait éventuellement être soumise à la Cour de cassation pour clarification.
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