En tant qu’employeur, recruter un nouvel employé constitue toujours une étape délicate.
Comment définir ses responsabilités ? Dois-je opter pour un forfait en jours ou en heures pour son temps de travail ? Quels avantages vais-je lui offrir ?
Tous ces aspects doivent être précisés par écrit dans le contrat de travail du salarié. Il est bien connu qu’une clause mal rédigée ou manquante peut entraîner de lourdes sanctions, notamment une requalification du contrat en faveur du salarié.
Il est donc essentiel d’être particulièrement attentif à ce qui est inclus dans le contrat de travail et d’évaluer chaque situation individuellement pour chaque employé.
Parmi ces complexités, une cause de nombreux casse-têtes pour les employeurs est la clause de dédit-formation.
Peu connue et rarement utilisée, elle peut s’avérer complexe à mettre en œuvre.
Cet article examinera donc les modalités d’application de la clause de dédit-formation et les précautions que l’employeur doit prendre lors de sa rédaction et de son application.
La clause de dédit-formation : mais qu’est-ce donc ?
Dans quel contexte peut-on faire appel à cette clause ?
Vous voilà face à un candidat, la perle rare que vous avez enfin trouvé après moult entretiens plus ou moins infructueux. Celui-ci correspond parfaitement à vos attentes et au poste que vous lui proposez.
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Je télécharge les 8 fichesSeulement, il y a un hic. Votre candidat (ou votre salarié s’il s’agit d’une montée en grade) n’a pas toutes les compétences pour le poste. Pour être « parfait », il aurait besoin de suivre une formation complémentaire.
Qu’à cela ne tienne, soucieux du bien-être de vos employés (et désireux de ne pas laisser passer un candidat de valeur !), vous financerez la formation lui permettant d’obtenir les compétences manquantes.
Seulement celle-ci s’avère assez coûteuse et une question vous taraude. Il est bien beau de dépenser autant d’argent, mais comment puis-je m’assurer qu’une fois formé, le salarié ne me fera pas faux bond ?
Comment éviter de prendre le risque de former quelqu’un qui ne restera pas dans mes effectifs ?
Après tout, vous avez investi dans votre salarié, vous estimez donc pouvoir obtenir un retour sur investissement.
C’est là qu’intervient la clause de dédit-formation.
Définition
La clause de dédit-formation est une clause à insérer dans le contrat de travail qui stipule que l’employeur prendra à sa charge les frais de formation, mais qu’en retour, par la signature de ladite clause, le bénéficiaire (le salarié), s’engage à rester dans les effectifs de l’employeur pendant une certaine période déterminée. C’est une façon à la fois :
- D’amortir les frais dépensés en faveur du salarié pour sa formation.
- De bénéficier des compétences toutes neuves et récemment acquises du salarié, en faveur de votre entreprise.
Attention, cette clause n’est pas nécessairement inscrite au contrat de travail dès l’embauche puisqu’elle peut :
- Être insérée dans le contrat de travail.
- Faire l’objet d’un avenant au contrat de travail.
- Faire l’objet d’un accord écrit entre le salarié et l’employeur.
Soyez donc extrêmement prudent en utilisant cette clause, car elle n’est pas régie par le Code du travail, mais par la jurisprudence, qui peut être variable. Il est donc conseillé de consulter votre conseiller juridique et de lui faire relire attentivement votre clause.
Les contrats non concernés par la clause de dédit-formation
Pensez également à analyser la situation de vos employés au cas par cas. En effet, certains salariés ne peuvent être concernés par cette clause. Et plus particulièrement :
- Le contrat de professionnalisation qui ne peut faire l’objet d’une clause de dédit-formation (Art. L. 6325-15 du Code du travail).
- L’avenant au contrat de travail qui prévoit la reconversion ou la promotion par l’alternance (Pro-A) ne peut pas contenir de clause de dédit-formation (Art. D. 6324-1 du Code du travail).
Conditions de validité de la clause de dédit-formation
C’est décidé, vous ne laisserez pas passer ce candidat (ou vous souhaitez aider un salarié qui monte en grade), la clause de dédit-formation est à vous ! Après tout, en voilà un outil pratique !
Vous allez payer, mais vous obtiendrez bien vite un retour sur investissement. Et voilà que déjà vous vous emparez du contrat de travail et de votre plus belle plume, prêt à dégainer cette clause.
Pas si vite !
On a vu des contrats de travail être rompus ou requalifiés justement parce que l’employeur avait fait preuve d’un peu trop d’empressement.
La clause de dédit-formation doit répondre à des conditions de validité, on ne peut pas l’écrire comme on la souhaite.
La présence d’un écrit
La première étape – et la plus évidente – est d’écrire cette clause. Elle ne peut pas faire l’objet d’un simple accord oral entre l’employeur et le salarié.
Comme nous l’avons dit plus haut, la clause doit être rédigée soit dans un contrat de travail (pour une nouvelle embauche) soit dans un avenant à un contrat déjà existant (pour un salarié qui changerait de poste).
Enfin, la clause doit être signée avant le début de la formation. Donc n’engagez aucun frais et ne faites débuter aucune formation à votre salarié tant que la clause n’a pas été signée.
La nature de la formation
Indiquez la nature de la formation, sa date, sa durée et toute autre information jugée pertinente.
La détermination du coût réel de la formation
Pour être valable, votre clause doit contenir toutes les informations indiquant le coût réel de la formation que vous serez amené à payer de vos frais. On ne peut pas simplement dire que le salarié s’acquittera « d’une certaine somme » ou d’une « somme forfaitaire ». Ces informations sont bien trop floues.
Indiquez donc le montant réel des frais de formation, en vous référant, si besoin, aux dispositions conventionnelles.
Les conditions de remboursement
Qu’advient-il si le salarié ne souhaite pas aller jusqu’au bout de la période d’engagement ?
Pour anticiper ce cas de figure, vous devrez préciser les conditions de remboursement imposées au salarié dans l’hypothèse où celui-ci voudrait quitter son poste avant la durée d’engagement initialement prévue en application de cette clause.
Dans le même esprit que la détermination du coût réel de la formation, vous ne pouvez pas simplement dire que le salarié devra « rembourser les frais de formation ». Cette mention est imprécise et ne précise pas les conditions de remboursement.
Il faut donc être mesuré. L’indemnité de dédit formation doit être proportionnée par rapport aux frais que vous avez engagés.
Sachez que beaucoup de clauses ont été annulées par les tribunaux, car – sur ce point – elles ont été jugées bien trop dissuasives. L’indemnité sollicitée par l’employeur était si élevée qu’elle avait un effet dissuasif et empêchait le salarié de démissionner.
La durée de la clause
Combien de temps, après sa formation, l’employé doit-il rester dans vos effectifs ?
Veillez à être proportionné dans la rédaction de cette mention. Ne soyez pas trop excessif (évitez des engagements sur des dizaines d’années ou à durée indéterminée).
Pour déterminer la durée d’application, comparez-la avec le montant des dépenses que vous avez effectuées. Par exemple, si la formation a coûté 100 euros, une période d’engagement de 10 ans pour l’employé serait jugée excessivement longue.
Allez également voir vos confrères et concurrents, regardez ce qu’il se pratique dans les usages de votre profession.
D’usage, la clause est limitée entre deux et cinq ans, selon la durée et le coût de la formation.
Attention : Pour toutes les dispositions ci-dessus indiquées, nous vous invitons à vous référer à votre convention collective ! Celles-ci peuvent en effet prévoir des dispositions conventionnelles différentes auxquelles vous ne pourrez déroger.
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Applicabilité de la clause
Malheur ! Vous avez formé votre salarié, payé ses frais de formation et voilà que ce dernier ne souhaite pas rester dans vos effectifs. Vous pensez alors à la clause que vous avez judicieusement insérée dans son contrat de travail.
Dans quel(s) cas la clause de dédit-formation peut-elle être appliquée ?
Conditions d’application
Cette clause est mise en œuvre sous deux conditions :
- Si la rupture du contrat de travail vient de votre salarié. Pour exemple, si celui-ci démissionne ou s’il est licencié pour faute grave ou lourde ou pour abandon de poste.
- Si cette rupture n’est pas imputable à l’employeur. Pour exemple, si un salarié démissionne pour un fait dont vous êtes responsable (vous n’avez pas payé votre salarié, harcèlement), la clause ne sera pas applicable.
En tant qu’employeur, vous n’êtes bien évidemment pas obligé d’appliquer cette clause. Vous avez parfaitement le droit de renoncer à son bénéfice.
Limites
Pour profiter de cette disposition, vous pouvez exiger que l’employé rembourse les frais de formation que vous avez payés (à condition, comme mentionné précédemment, que le montant de ces frais soit spécifié dans le contrat de travail).
Attention, il ne s’agit pas de demander à un salarié de rembourser ses salaires ! Ceci est totalement interdit. Il s’agit uniquement des dépenses réelles non obligatoires et indiquées au contrat de travail.
Par ailleurs, si votre salarié a suivi une formation différente de celle qui était indiquée dans son contrat de travail, vous ne pourrez pas non plus exiger le remboursement des frais de formation, de même si vous n’avez pas maintenu cette formation (vous l’avez annulée) ou si vous n’avez pas permis au salarié d’aller au bout de la formation.
À la lumière des éléments ci-dessus exposés, nous vous invitons donc à être particulièrement vigilants dans la rédaction de cette clause. Le recours à un juriste ou un avocat spécialisé en droit du travail vous sera d’un grand secours pour éviter tout impair et s’assurer de l’applicabilité de cette clause.
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