La loi partage de la valeur du 29 novembre 2023 a mis en place et adapté plusieurs dispositifs permettant aux employeurs de partager le fruit de leur travail avec les collaborateurs de l’entreprise. Cette loi s’inscrit dans une logique de prise en compte du travail des collaborateurs de l’entreprise dans le bénéfice réalisé et permet ainsi de valoriser le travail des salariés. Ces dispositifs ont également été mis en place pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés dans un contexte de forte inflation.
Certaines dispositions ne pouvaient être mises en place qu’après la publication d’un décret d’application, c’est chose faite, deux décrets du 29 juin et 5 juillet 2024 ont fixé les modalités d’application de plusieurs mesures issues de la loi Partage de la valeur.
Dans cet article, nous vous proposons de faire le point sur les modalités d’application de la loi Partage de la valeur.
Loi Partage de la valeur : Quelles sont les principales mesures ?
La loi Partage de la valeur adoptée le 22 novembre 2023 et publiée le 30 novembre 2023 a pour objet de transposer des dispositions de l’accord national interprofessionnel (ANI) de la loi du 10 février 2023. Cette loi comporte plusieurs mesures de partage des bénéfices des entreprises ayant pour objectif de valoriser le travail des salariés ainsi que d’adapter certaines dispositions déjà existantes mais vieillissantes.
La Prime de partage de la valeur (PPV)
La prime de partage de la valeur voit son régime dérogatoire prolongé jusqu’en 2026, avec des exonérations sociales et fiscales renforcées pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC, mais uniquement dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Une nouveauté importante est la possibilité pour les entreprises de verser deux primes de partage de la valeur par an. De plus, les salariés peuvent choisir d’affecter cette prime à un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise, offrant plus de flexibilité dans l’utilisation de cette prime.
Obligation de partage des bénéfices pour certains employeurs
Les entreprises de 11 salariés ou plus qui réalisent un certain niveau de bénéfices sont désormais dans l’obligation de partager ces gains avec leurs salariés sous la forme d’un dispositif de partage de la valeur. Les obligations varient en fonction de la taille de l’entreprise et de l’existence ou non d’un dispositif de participation obligatoire. Cette mesure est mise en place au titre expérimental pendant 5 ans et prend effet à compter du 1er janvier 2025.
Participation, intéressement et plans d’épargne
La loi introduit une expérimentation pour les entreprises de moins de 50 salariés, leur permettant de mettre en place un accord de participation volontaire. Cet accord repose sur une formule de calcul des montants redistribués qui peut être moins favorable que la formule légale. Elle adapte également certaines règles en matière de participation et d’intéressement. Concernant l’épargne salariale, la loi propose certaines adaptations avec notamment l’orientation vers des « fonds verts ».
Plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE)
Un nouveau dispositif, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE), est mis en place. Il permet aux employeurs de verser une prime aux salariés lorsque la valeur de l’entreprise augmente sur une période de trois ans.
Assouplissement des attributions gratuites d’actions
Le régime des attributions gratuites d’actions a également été assoupli avec une augmentation du plafond global d’attribution. Une nouvelle règle permet également de « recharger » le plafond individuel. Ces mesures d’adaptation permettent aux entreprises une plus grande flexibilité dans l’octroi d’actions à leurs salariés.
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Partage de la valeur : Quelles sont les modalités d’application apportées par les derniers décrets ?
Les modalités d’application des mesures issues de la loi Partage de la valeur, promulguée le 29 novembre 2023, ont été précisées par deux décrets, publiés les 29 juin et 5 juillet 2024. Ces textes apportent des précisions pour l’application des dispositifs, notamment concernant la prime de partage de la valeur (PPV), l’intéressement, la participation et les plans d’épargne.
Prime de partage de la valeur : exonérations et affectation à un plan d’épargne
Un régime social et fiscal de faveur s’applique jusqu’au 31 décembre 2026 en fonction de la taille de l’entreprise et la rémunération du salarié.
Voici un tableau récapitulatif du régime social et fiscal de la prime de partage de la valeur (PPV) jusqu’au 31 décembre 2026 :
Salaire < 3 SMIC | Salaire > 3 SMIC | |
Cotisations sociales | Exonération dans la limite de 3000 € ou 6000 € dans certains cas. | Exonération dans la limite de 3000 € ou 6000 € dans certains cas. |
CSG/CRDS et taxe sur les salaires | Entreprises de moins de 50 salariés : Exonération dans la limite de 3000 € ou 6000 € dans certains cas. Entreprises d’au moins 50 salariés : Pas d’exonération | Pas d’exonération |
Forfait social | Entreprises de moins de 250 salariés : Exonération Entreprises d’au moins 250 salariés : Soumise sur la fraction exonérée de cotisations sociales mais soumise à CSG | Entreprises de moins de 250 salariés : Exonération Entreprises d’au moins 50 salariés : Soumise sur la fraction exonérée de cotisations sociales mais soumise à CSG |
Impôt sur le revenu | Entreprises de moins de 50 salariés : Exonérations dans la limite de 3000 € ou 6000 € dans certains cas. Entreprises d’au moins 50 salariés : Imposable sauf en cas d’affectation sur un plan d’épargne (exonération à hauteur de 3000 € ou 6000 € dans certains cas) | Imposable sauf en cas d’affectation sur un plan d’épargne (exonération à hauteur de 3000 € ou 6000 € dans certains cas) |
Modalités de calcul du seuil de 50 salariés
Le décret du 5 juillet 2024 a précisé le mode de calcul du seuil de 50 salariés pour l’octroi de l’exonération renforcée, selon les règles d’effectif de la sécurité sociale. L’effectif est donc apprécié au niveau de l’entreprise.
De plus, ce décret a confirmé qu’il n’y avait pas d’atténuation de l’effet de seuil pendant 5 ans habituellement prévu en cas de franchissement d’un seuil d’effectif. Ainsi, dès lors que l’entreprise franchit le seuil des 50 salariés, elle perd le bénéfice de l’exonération renforcée au 1er janvier de l’année suivante.
Affectation de la prime de partage de la valeur à un plan d’épargne salariale
La loi permet désormais aux salariés de demander l’affectation de leur prime de partage de la valeur à divers plans d’épargne (PEE, PEI, PERCO, PERE-CO ou PERE-OB). Pour être effective, cette mesure devait faire l’objet d’un décret d’application. Ainsi, un décret du 29 juin 2024 a précisé les modalités du placement de la PPV sur les plans d’épargne.
L’employeur doit informer le salarié par une fiche distincte du bulletin de salaire. Cette fiche précise les informations suivantes :
- Le montant de la prime.
- Les éventuelles retenues de CSG/CRDS.
- La possibilité d’affectation sur un plan d’épargne.
- Le délai d’indisponibilité des droits et les conditions de déblocage anticipé.
Cette fiche peut être remise au salarié par voie électronique, sauf opposition du salarié.
La demande d’affectation doit être effectuée dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la fiche d’information.
Nouvelles possibilités de déblocage anticipé pour la participation et les PEE
Un décret du 5 juillet 2024 a instauré trois nouveaux cas de déblocage anticipé pour la participation et les plans d’épargne d’entreprise (PEE). Les salariés peuvent désormais débloquer ces fonds de manière anticipée pour les raisons suivantes :
- Financer des travaux de rénovation énergétique de leur résidence principale.
- Exercer une activité de proche aidant.
- Acquérir un véhicule utilisant l’électricité, l’hydrogène (ou une combinaison des deux) ou un cycle à pédalage assisté neuf.
La demande de déblocage anticipée doit être effectué dans les 6 mois suivant le fait générateur, sauf pour le cas du proche aidant où elle peut être effectuée à tout moment.
Orientation de l’épargne vers des « fond verts »
La loi partage de la valeur prévoit qu’a compter du 1er juillet 2024, le règlement du plan d’épargne salariale doit offrir la possibilité d’affecter une partie des sommes épargnées à l’acquisition de parts d’au moins un fond labellisé ou d’un fond nourricier d’un fond labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable.
Le décret du 29 juin 2024 a fixé la liste des 5 labels :
- Label « investissement socialement responsable » (ISR)
- Label « France Finance verte »
- Label « Relance »
- Label « Finansol »
- Label « Comité intersyndical de l’épargne salariale »
Avances sur intéressement et participation
La loi Partage de la valeur introduit également la possibilité pour les accords d’intéressement ou de participation de prévoir le versement d’avances en cours d’exercice. Cette mesure permet aux salariés de percevoir une partie de leur intéressement ou de leur participation avant la fin de l’exercice, sous réserve de leur accord.
Les décrets du 29 juin et du 5 juillet 2024 apportent des précisions notamment concernant l’information du salarié et du recueil de son accord, au regard des conséquences du versement d’un trop-perçu.
Lorsque l’accord d’intéressement ou de participation prévoit la possibilité de verser des avances en cours d’exercice, l’employeur a l’obligation d’informer chaque salarié concerné de cette option. Cette information doit être transmise au salarié, accompagnée d’un délai dans lequel ce dernier peut exprimer son accord. Si ce délai n’est pas explicitement mentionné dans l’accord, le salarié dispose par défaut de 15 jours à compter de la réception de la notification. Cette notification peut être envoyée par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Durant ce laps de temps, le salarié doit donc indiquer s’il accepte le principe d’une avance sur l’intéressement ou la participation. Si le salarié ne donne pas son accord explicite dans les délais impartis, aucune avance ne peut lui être versée.
En outre, pour chaque avance versée, une fiche distincte du bulletin de salaire doit être remise au salarié. Cette fiche contient des informations spécifiques telles que le montant de l’avance, les retenues de CSG/CRDS, et d’autres détails relatifs à l’intéressement ou la participation. La fiche doit également mentionner les modalités de versement de l’avance ainsi que les conditions de remboursement en cas de trop-perçu. Cette fiche peut être remise sous format électronique, à condition que le salarié ne s’y oppose pas.
Par ailleurs, la fiche d’information transmise au salarié au moment du versement de l’intéressement ou de la participation doit être adaptée afin de prendre en compte l’éventuelle avance et notamment :
- Le montant des sommes reçues au titre de l’avance.
- Le solde restant à verser ou le montant à reverser à l’employeur en cas de trop-perçu.
Nouveaux plafonds d’abondement et de versements unilatéraux de l’employeur aux plans d’épargne
Nouvelles limites d’abondement de l’employeur dans certains cas
Le décret du 5 juillet 2024 a également relevé le plafond des abondements de l’employeur aux versements des salariés sur les plans d’épargne d’entreprise (PEE) et les plans d’épargne retraite (PERCO, PERE-CO).
Le plan d’épargne d’entreprise (PEE) peut être alimenté par l’abondement de l’employeur en complément des versements des salariés. Cet abondement est limité à 8% du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), dans la limite du triple de la contribution du salarié.
Dans certains cas, la limite d’abondement peut être augmentée. Depuis le 7 juillet 2024, elle est portée à 16% du PASS lorsque l’abondement concerne l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise du même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes, et toujours dans la limite du triple du versement du salarié.
Nouvelles limites de versements unilatéraux de l’employeur
Les versements unilatéraux permettent à l’employeur d’alimenter un plan d’épargne d’entreprise (PEE), un plan d’épargne retraite collectif (PERCO), ou un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PERE-CO), même sans contribution du salarié. Ces versements doivent respecter certaines règles, telles que l’attribution uniforme à tous les salariés et l’utilisation des sommes pour l’acquisition d’actions ou certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.
Depuis le 1er juillet 2024, la limite des versements unilatéraux a été augmentée à 3 000 € par an, et jusqu’à 6 000 € dans certains cas spécifiques. Cela remplace l’ancienne limite de 2% du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). Cette augmentation concerne également les PERCO et PERE-CO.
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Je télécharge le guidePar ailleurs, Les versements unilatéraux sont pris en compte pour vérifier le respect des plafonds d’abondement réglementaires du plan d’épargne, fixés à 8% ou 16% du PASS, selon le contexte.
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