Depuis le 1er janvier 2016, tous les employeurs doivent proposer une complémentaire santé à leurs employés. Cette obligation légale est prévue par la loi du 14 juin 2013.
La mise en place de cette mutuelle peut se faire de plusieurs manières : accord d’entreprise, de branche ou accord par référendum auprès des salariés. Néanmoins, cette négociation n’est pas toujours possible en particulier dans les TPE et PME. Dans ce cas, l’entreprise peut mettre en place la complémentaire santé par décision unilatérale de l’employeur (DUE).
Cet acte juridique a donc été massivement utilisé depuis 2016 pour permettre aux entreprises de se mettre en conformité et proposer une mutuelle d’entreprise.
La DUE est un document écrit, rédigé de manière unilatérale par l’employeur. Ce dernier y prend des engagements envers ses salariés dans le cadre de son pouvoir de direction. Ici, il s’agit donc de mettre en place une complémentaire santé dans l’entreprise.
C’est un acte complexe, qui doit respecter un certain nombre de conditions. De là dépendra en effet la reconnaissance du caractère collectif et obligatoire du régime mis en place et donc des avantages qui en découlent pour l’entreprise. En cas d’erreurs ou d’oublis dans la DUE, l’URSSAF peut sanctionner lourdement l’employeur.
Alors comment mettre en place la DUE ? Quelles sont les obligations de l’employeur ? Que risque-t-il si la DUE est mal rédigée ou mal appliquée ?
La mise en place de la DUE.
Une DUE est un acte écrit. Elle doit être rédigée avec le même soin qu’un accord collectif et contenir certaines mentions obligatoires (C.Sécurité sociale.art L911-1).
Consultation préalable du CSE.
L’employeur doit obligatoirement informer le comité social et économique de son projet de DUE (C.trav.art R2312-22). Il doit lui communiquer ce dernier ainsi que le contrat d’assurance envisagé.
Le CSE donne ensuite un avis, favorable ou défavorable, qui n’aura qu’une valeur consultative.
Mentions obligatoires.
Dans le cadre d’une mutuelle d’entreprise, la décision unilatérale de l’employeur doit impérativement prévoir les mentions ci-dessous.
Bénéficiaires du contrat.
Il est en effet possible de prévoir plusieurs régimes différents, en fonction des catégories de personnel par exemple. Dans ce cas, il faudra rédiger autant de DUE que de régimes différents.
La DUE doit donc préciser clairement si elle s’adresse à l’ensemble du personnel ou bien à une catégorie précise (cadres, non-cadre, etc.). Ces catégories sont prévues de manière limitative par le Code de la sécurité sociale (art R242-1-1).
Cas de dispenses.
La mutuelle est théoriquement obligatoire pour tous, mais certains salariés peuvent en être dispensés dans des cas limitativement prévus par la loi. Néanmoins, pour faire valoir ces dispenses, elles doivent être spécifiquement mentionnées dans la DUE.
C’est donc à l’employeur de décider s’il intègre l’ensemble des cas de dispenses possibles ou seulement certains. Nous détaillerons ces différentes dispenses un peu plus loin.
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Les ayants droit.
La DUE doit préciser si les conjoints et enfants des salariés sont concernés et, si oui, de quelle manière (facultative ou obligatoire).
Risques couverts.
Un simple renvoi au contrat d’assurance lui-même est suffisant. Évitez d’insérer directement le tableau des garanties dans la décision unilatérale. Chaque modification vous obligerait en effet à mettre à jour, à chaque fois, la DUE.
Modalités de cotisations.
La DUE doit préciser le montant de la cotisation et la participation financière de l’entreprise. Cette dernière doit être au moins de 50%.
Détails des tarifs appliqués.
L’acte doit indiquer le ou les tarifs choisis par l’entreprise. Il est en effet possible de prévoir un seul tarif commun à tous ou différencier selon la situation des salariés : isolé/famille, adulte/enfant, nombre de personnes, etc.
Conditions de révision ou de dénonciation de l’acte.
Lors de la constitution de l’acte, l’employeur prévoit les modalités de révision, mais aussi de dénonciation de ce dernier.
Date de prise d’effet et durée de validité.
Lors de sa prise de décision, l’employeur devra déterminer la date de mise en œuvre de sa décision ainsi que la durée d’application.
Mentions facultatives.
Certaines mentions peuvent être rajoutées de manière facultative comme l’information sur la portabilité des droits ou le nom de l’organisme choisi.
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Les obligations de l’employeur.
Dans le cadre de sa décision unilatérale, l’employeur à l’obligation d’informer individuellement les salariés. Il doit également veiller au caractère obligatoire et collectif du régime.
Information individuelle des salariés.
L’employeur doit informer les salariés de la mise en place de la DUE et de son contenu. Cette obligation d’information est donc très précise puisqu’elle doit porter sur :
- Les bénéficiaires.
- La nature des prestations.
- La répartition et le montant des cotisations.
- La durée de l’engagement.
- Les conditions de maintien des garanties en cas de résiliation.
- Les motifs de remise en cause ou de dénonciation de la DUE.
De plus, chaque salarié doit avoir été informé individuellement et l’employeur doit pouvoir le prouver.
En pratique, il est donc indispensable de transmettre un exemplaire de la DUE à chaque salarié et à leur faire signer individuellement une liste d’émargement.
Celle-ci doit être conservée précieusement, car elle peut être demandée en cas de contrôle URSSAF par exemple.
Cette obligation d’information s’impose également pour les nouveaux salariés. À chaque embauche, vous devez remettre aux nouveaux entrants un exemplaire de la DUE et en conserver la preuve.
Outre la liste d’émargement, la preuve peut également être apportée par :
- Un accusé de réception de recommandé.
- Ou tout autre document signé par le salarié mentionnant qu’il a bien reçu communication de la DUE.
Affiliation obligatoire et collective.
Principe du régime et avantages.
La mise en place d’un régime de prévoyance obligatoire et collectif permet à l’entreprise de bénéficier d’une exonération sur les contributions patronales concernées.
Pour cela, l’employeur doit veiller à la bonne conformité de sa DUE avec les dispositions légales, en particulier les mentions obligatoires citées plus haut. L’affiliation à la mutuelle doit concerner l’ensemble des salariés et être obligatoire.
Les exceptions au caractère obligatoire du régime.
Certaines dispenses ont néanmoins été prévues par le législateur. Elles permettent à certains salariés de refuser l’adhésion au régime sans pour autant remettre en cause son caractère obligatoire.
Les différents cas de dispenses possibles.
- Salariés embauchés avant la mise en place du régime. L’article 11 de la loi EVIN prévoit en effet expressément qu’aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d’une décision unilatérale de l’employeur, d’un système de garanties collectives contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système. »
- Salariés déjà couverts de manière obligatoire par une autre mutuelle.
- Temps très partiels. Ils peuvent refuser l’adhésion si la cotisation équivaut à au moins 10% de leur salaire.
- CDD inférieur à 3 mois. À condition de bénéficier par ailleurs d’une couverture individuelle si celle proposée par l’entreprise est au moins égale à 3 mois.
- CDD entre 3 mois et 1 an.
- CDD supérieur à 1 an, en justifiant d’une couverture souscrite par ailleurs.
- Apprentis. Ils peuvent être dispensés si la cotisation équivaut à au moins 10% de leur salaire. Si elle est inférieure à ce seuil, la dispense est également possible sans condition pour un contrat inférieur à 1 an. Si le contrat est supérieur à 1 an, l’apprenti devra apporter la preuve d’une couverture personnelle déjà souscrite.
Rappelons que ces cas de dispenses doivent être prévus dans la DUE pour pouvoir être utilisés (sauf concernant les salariés déjà présents lors de la mise en place).
Cas des salariés absorbés par une autre société : Les salariés dont les contrats sont repris par une autre société peuvent également refuser l’adhésion au régime obligatoire mis en place par une décision unilatérale de l’entreprise absorbante. (Cass. soc. 4-1-1996 n° 92-41.885; Circ. DSS 344 du 25-9-2013).
Sanctions en cas de non-respect des obligations relatives à la DUE.
Redressement URSSAF.
L’exonération de cotisations sociales est directement liée au caractère obligatoire et collectif de l’affiliation. La bonne application du régime est contrôlée par l’URSSAF. Ce dernier vérifie que le contenu de la DUE répond bien aux obligations légales et que l’employeur l’applique correctement.
À défaut (DUE mal rédigée, salariés non affiliés sans pouvoir justifier d’un cas de dispense légal, etc.), l’entreprise risque un redressement URSSAF. Les exonérations de charges sociales seront annulées et l’entreprise devra réintégrer ces sommes dans l’assiette de cotisations.
Exemple pour les ayants droit du salarié : le régime doit prévoir leur adhésion à titre obligatoire (sous réserve des cas de dispense) pour ouvrir droit à l’exonération de cotisations sociales. En cas d’adhésion facultative, le régime perd son caractère obligatoire et justifie ainsi la réintégration des contributions patronales dans l’assiette de cotisation (Cass. 2e civ. 20-12-2018 n° 17-26.958).
Calcul du redressement.
Les redressements portent normalement sur le montant global des cotisations dues sur les contributions patronales.
Néanmoins, le contrôleur URSSAF peut réduire le redressement en tenant compte uniquement des sommes (manquantes ou excédentaires) nécessaires pour que le régime revête un caractère obligatoire et collectif. L’employeur doit néanmoins pouvoir reconstituer ces sommes et en apporter la preuve.
Montant du redressement réduit :
- 1,5 fois les sommes manquantes ou en excès si le redressement concerne la non production d’une demande de dispense ou autre justification.
- 3 fois ces sommes dans les autres cas.
Cas où le redressement ne peut pas être réduit :
- Méconnaissance d’une particulière gravité des règles relatives au caractère collectif et obligatoire du régime.
- Octroi d’un avantage personnel.
- Discrimination.
- Si l’URSSAF a déjà fait une observation pour la même irrégularité lors d’un contrôle antérieur (dans la limite des 5 années précédentes).
- Travail dissimulé.
- Obstacle à un contrôle ou abus de droit.
Enfin, précisons que l’employeur ne peut pas demander au salarié le remboursement des cotisations salariales correspondant aux contributions concernées par le redressement.