Négociation d’un accord d’intéressement : comment faire ?

Négociation d’un accord d’intéressement : comment faire ?
Céline Le Friant

Un accord d’intéressement se révèle être un outil stratégique salarial de haute importance. Et pourtant, nombre d’entreprises y renoncent, persuadées de sa complexité à mettre en œuvre. Dans notre article, nous faisons toute la lumière sur l’accord d’intéressement !

Ces dernières années, les pouvoirs publics ont souhaité inciter les employeurs, en particulier les TPE et PME, à mettre en place des accords d’intéressement. Les petites entreprises sont en effet parfois réticentes, estimant la mise en place lourde ou complexe.

Au contraire, la mise en place d’un accord d’intéressement est aujourd’hui grandement facilitée : différents interlocuteurs possibles (DS, CSE ou salariés), utilisation d’un modèle type, application d’un accord de branche, …

Tous les employeurs peuvent le mettre en place, quel que soit l’effectif, et les avantages sont nombreux : motivation et fidélisation des salariés associés à la performance de l’entreprise. De son côté, cette dernière bénéficie d’exonérations fiscales et sociales.

Alors comment faire ? Pour tout savoir sur la négociation d’un accord d’intéressement, suivez le guide !

Rappel : les avantages d’un accord d’intéressement.

L’intéressement est un dispositif d’épargne salarial facultatif. Les salariés perçoivent une prime calculée selon les résultats et la performance de l’entreprise. Cette somme est exonérée de cotisations sociales (sauf CSG/CRDS) et d’impôt sur le revenu (en cas de placement sur un PEE, PEI ou PERCO).

Quant à l’entreprise, elle bénéficie d’avantages fiscaux et sociaux sur les sommes versées :

  • Exonération de cotisations sociales.
  • Déduction du bénéfice imposable.
  • Exonération des taxes et participations (salaire, apprentissage, formation continue, construction…).
  • Défiscalisation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (prévue jusqu’au 31 décembre 2020).

En outre, il faut noter la suppression du forfait social, depuis le 1er janvier 2019, pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Les versements au titre de l’intéressement sont donc uniquement soumis :

  • À la CSG/CRDS.
  • Au forfait social de 20% pour les entreprises de plus de 250 salariés.

Les modalités de la négociation.

L’accord d’intéressement passe par une négociation, mais avec qui ? Existe-t-il une date limite ? Quel est le contenu de l’accord ?

Avec qui négocier ?

Accord avec les délégués syndicaux ou les représentants du personnel.

Une entreprise peut mettre en place un accord d’intéressement de différentes manières (art. L. 3312-5) :

  • Dans le cadre d’un accord d’entreprise ou de branche.
  • Par un accord entre l’employeur et les représentants des syndicats représentatifs dans l’entreprise.
  • Avec un accord conclu avec les membres du CSE.
  • Par un projet de contrat proposé par l’employeur et ratifié par le personnel à la majorité des 2/3.

Ces modalités concernent par conséquent des entreprises d’une certaine taille, disposant de délégués syndicaux (plus de 50 salariés) ou au moins d’un CSE (plus de 11 salariés).

Dérogation pour les entreprises de moins de 11 salariés.

Les petites entreprises, sans DS ni CSE, peuvent également se doter d’un intéressement. Par dérogation aux règles énoncées ci-dessus, elles peuvent le mettre en place par une décision unilatérale de l’employeur.

Elles doivent alors respecter les conditions suivantes :

  • Informer les salariés.
  • Prévoir une durée d’intéressement entre 1 et 3 ans.
  • Ne pas être déjà couverte par un accord d’intéressement (ou ne pas en avoir conclu depuis au moins 5 ans).

Une fois la période de validité écoulée, l’employeur ne pourra plus recourir à une décision unilatérale pour reconduire l’intéressement.

Date et durée de l’accord.

Quand négocier ?

Pour bénéficier des exonérations sociales de l’intéressement, l’accord doit être conclu “avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet” (art L3314-4). Cette obligation est nécessaire pour assurer le caractère aléatoire de l’intéressement, l’un des points-clés de sa validité.

Par exemple. Accord prenant effet le 1er janvier 2021 : il devra être conclu avant le 1er juillet 2021 en cas de période de calcul annuelle. Si la période de calcul est semestrielle, il devra être conclu avant le 1er avril 2021.

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Quelle est la durée de l’accord ?

Depuis le 9 décembre 2020, les accords d’intéressement peuvent être conclus pour une durée de 1 à 3 ans (art. L. 3312-5). Avant cette date, leur durée était de 3 ans.

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Comment rédiger l’accord ?

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Trois solutions s’offrent à l’entreprise pour rédiger un accord d’intéressement. Elle peut :

  • Le rédiger elle-même.
  • Utiliser un modèle type.
  • Appliquer un accord de branche (art. L. 3312-8). Un accord dans l’entreprise reste néanmoins nécessaire sauf si elle compte moins de 50 salariés. Dans ce cas, elle peut se contenter de valider l’accord de branche par décision unilatérale à condition qu’il s’agisse d’un accord « clé en main » (sans choix possible pour les signataires).

Quelle que soit la méthode retenue, l’accord prévoit obligatoirement certaines clauses.

Clauses obligatoires.

Les parties doivent veiller à inclure les informations suivantes dans l’accord d’intéressement (art L3313-1, L3313-2, R3313-12) :

  • Un préambule : motif de l’accord, raisons du choix des modalités de calcul de l’intéressement et des critères de répartition de ses produits.
  • Période de validité.
  • Établissements de l’entreprise concernés.
  • Modalités d’intéressement retenues.
  • Formules de calcul et critères de répartition.
  • Moyens d’information des bénéficiaires.
  • Dates de versement.
  • Conditions d’information du CSE sur l’application des clauses de l’accord.
  • Procédure de règlement des différends dans l’application de l’accord ou sa révision.

Enfin, l’accord peut prévoir son renouvellement pour 3 ans par tacite reconduction.

Service en ligne. Une nouvelle plateforme propose un accompagnement gratuit des entreprises pour la mise en place d’un accord d’intéressement : Mon-interessement.urssaf.fr.

Modèle type d’accord d’intéressement.

Proposé par le ministère du travail et le ministère de l’Économie, il reprend les différentes clauses obligatoires. Il ne reste plus aux partenaires sociaux qu’à compléter la formule de calcul et les modalités de la répartition. Ce modèle type est disponible sur le site du ministère du travail.

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Les suites de la négociation.

Le dépôt de l’accord.

L’employeur dépose l’accord sur la plateforme TéléAccords dans un délai de 15 jours suivant sa date limite de conclusion (Art.L.3313-3, D.3313-1).

S’il ne s’agit pas d’un accord collectif (accord avec le personnel par exemple), ce dépôt doit s’accompagner de certaines pièces : PV du CSE, émargement des salariés en cas de ratification de l’accord par le personnel, etc. (art.D.3345-1).

Dépôt hors délai ? L’accord déposé (ou conclu) hors délais produit néanmoins ses effets. Mais les exonérations ne seront possibles que pour les périodes de calcul postérieures au dépôt (Art.L.3315-5). Les acomptes versés avant le dépôt de l’accord ne bénéficieront pas rétroactivement de l’exonération.

Contrôle de l’administration.

La Direccte (la Dreets à compter du 1er avril 2021) procède à un contrôle des accords déposés. Elle vérifie en particulier la présence des différentes mentions obligatoires.

En l’absence d’observation dans un délai de 4 mois, les exonérations sociales sont réputées acquises. L’administration peut toutefois demander des modifications jusqu’à la fin du 6ème mois, pour une mise en conformité pour les exercices suivants.

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Modification et dénonciation de l’accord.

L’accord d’intéressement peut être modifié ou dénoncé dans les mêmes conditions que lors de sa conclusion et avec l’ensemble des signataires.

Si ces derniers ne sont plus présents, la modification intervient selon l’une des modalités de conclusion de l’accord d’intéressement (négociation, accord avec le CSE, ratification des salariés, etc.).

La modification et la dénonciation suivent les mêmes règles que pour l’accord initial : respect d’un certain délai pour être applicable à l’exercice en cours, dépôt sur la plateforme TéléAccords. Dans le cas contraire, les exonérations sociales des sommes concernées sont remises en cause.

Transfert d’entreprise.

Que se passe-t-il en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur (L3314-4) ?

  • Fusion, cession ou scission entraînant de nouvelles élections professionnelles. L’accord se poursuit ou peut-être renouvelé selon les modalités classiques (accord collectif, accord avec le CSE, ratification avec les salariés…).
  • Modification juridique rendant impossible l’application de l’accord. Il cesse alors de produire ses effets.
  • Nouvel employeur déjà couvert par un accord d’intéressement : les salariés en bénéficient.
  • Pas d’accord d’intéressement dans la nouvelle entreprise. Elle doit engager une négociation dans un délai de 6 mois (suivant la modification juridique).
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Céline Le Friant

De formation juridique, j’ai pu évoluer en entreprise sur des postes de juriste en droit social, responsable paie, puis responsable RH. Forte de ces 13 années d’expérience, je travaille aujourd’hui à mon compte en tant que responsable RH et juriste en droit social à temps partagé. J’aide les entreprises à retrouver la sérénité dans la gestion de leurs salariés en intervenant de manière ponctuelle ou régulière, en fonction des besoins. Je propose également des missions de sous-traitance en droit social pour des cabinets d’experts comptables et d’avocats.