C’est un sujet RH souvent méconnu, mais qui peut déboucher sur des procédures longues et difficiles : le signalement de comportement illégaux. En France, en 2023, 5,3 signalements étaient effectués sur une base de 1000 employés, un chiffre en forte augmentation par rapport aux années précédentes (source : NAVEX Global).
Ces signalements ont pour source les lanceurs d’alerte. Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? Comment protège-t-on les salariés lanceurs d’alerte ? Quelle posture et quels réflexes adopter en tant que RH face à cette situation ? On vous dit tout.
Le lanceur d’alerte : définition et champ d’action en entreprise
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?
Depuis l’instauration de la Loi du 22 mars 2022 dite « loi Waserman », le lanceur d’alerte est défini comme “une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.”
Des exemples de signalement d’alerte médiatisés
Parmi les lanceurs d’alerte les plus connus, citons Julian Assange, fondateur du site Wikileaks, à l’origine de la publication massive de documents américains classifiés liés à la guerre en Irak et en Afghanistan, ou encore Edward Snowden, ancien employé de la CIA et de la NSA, qui a mis au jour un vaste programme de surveillance généralisé des gouvernements américains et britanniques via les données récoltées sur les GAFA (Google, Meta, Apple etc.).
Des exemples de signalement d’alerte en entreprise
Bien que les affaires concernant la sphère politique et gouvernementale soient souvent les plus médiatisées, elles ne représentent pas la majorité des cas de lancement d’alerte. Ainsi, tous les jours, en France, de nombreuses personnes signalent des comportements ou attitudes répréhensibles dont elles ont été témoins en entreprise : corruption, fraude, délit d’initié, harcèlement moral ou encore harcèlement sexuel.
Ces alertes ne sont pas forcément issues d’un salarié de l’entreprise, mais peuvent venir d’un ancien salarié, de potentiels candidats à l’embauche, d’actionnaires ou de partenaires/prestataires externes.
Comment un salarié lanceur d’alerte est-il protégé ?
Une protection renforcée depuis 2022
Avant l’instauration de la loi Waserman en 2022, le lanceur d’alerte en entreprise était dans l’obligation de saisir son employeur pour l’informer des faits dont il avait été témoin ou victime. Cependant, cette obligation était considérée comme un frein pour lancer un signalement en raison des pressions que pouvait éventuellement subir le salarié concerné.
Cette obligation a été supprimée grâce à l’instauration de cette loi. Le salarié lanceur d’alerte peut désormais ne pas effectuer de signalement en interne et s’adresser directement, en externe, à l’une des 41 autorités désignées comme compétentes pour recueillir les signalements.
Parmi ces autorités, citons l’Agence française anticorruption (AFA), la Haute autorité de santé (HAS), le Conseil national de l’ordre des médecins ou encore la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
A lire également :
- Harcèlement sexuel en entreprise: définition, prévention, sanction… Que dit le droit ?
- Clause d’exclusivité dans le contrat de travail : définition et exemple
- Comment enregistrer un accord d’entreprise ?
La loi a aussi fait évoluer la protection des salariés contre les représailles (harcèlement, menaces) et leur accorde des mesures de soutien psychologique et financier.
Deux articles du Code du travail abordent la protection du salarié lanceur d’alerte. Premièrement, un principe de non-discrimination est posé dans l’article L 1121-2 du Code du travail. Deuxièmement, l’article L1132-3-3 dispose de la protection générale du lanceur d’alerte afin que ce dernier soit protégé d’actions telles qu’une procédure de licenciement, une mesure de sanction ou une mesure de discrimination.
Un signalement ? Les bons réflexes à adopter en tant que RH
Respecter les obligations légales
Il est essentiel pour le service RH de veiller à se conformer à la législation. Depuis 2023, les entreprises de plus de 50 salariés ont pour obligation de :
- Mettre en œuvre une procédure interne à l’entreprise de recueil et de traitement des signalements ;
- Diffuser ladite procédure interne via différents canaux de communication (email, intranet, affichage) afin de permettre aux acteurs de l’entreprise d’y avoir accès à tout moment ;
- Mettre en place un dispositif anonyme et sécurisé de réception des signalements. Ce dispositif peut prendre la forme d’une plateforme en ligne, d’un formulaire anonymisé ou d’un numéro de téléphone dédié.
- Respecter les délais de prise en compte du signalement : un accusé de réception doit être envoyé au lanceur d’alerte dans un délai maximum de 7 jours ouvrés, et une réponse avec les actions envisagées ou mises en œuvre post-signalement doit lui être adressée dans les 3 mois.
- Garantir au lanceur d’alerte son anonymat et la confidentialité de son récit.
Adopter une posture éthique et responsable
Il est du rôle du service RH de garantir et préserver les intérêts de l’entreprise, mais aussi ceux du salarié lanceur d’alerte.
Afin de faciliter le process de signalement, mais aussi la période post-signalement, le service RH peut mettre en place des dispositifs qui garantissent éthique, intégrité et transparence :
- Former et sensibiliser les salariés : informer les salariés de l’existence d’une procédure de recueil et de traitement des signalements, informer sur les comportements ou attitudes répréhensibles, mais aussi former les salariés sur des exercices pratiques pour s’assurer de la bonne compréhension de ces enjeux.
- Proposer des outils externes à l’entreprise : le salarié lanceur d’alerte n’ayant plus l’obligation d’en informer son entreprise, le service RH peut mettre à disposition des salariés un référentiel des autorités compétentes pour recueillir les signalements ou des outils spécifiques au dépôt d’une alerte, de nombreuses plateformes sécurisées dédiées à cet effet étant disponibles.
- Accompagner le salarié lanceur d’alerte : Après un signalement, le salarié lanceur d’alerte peut ressentir le besoin d’être accompagné, rassuré et soutenu dans sa démarche. Le service RH peut orienter le salarié vers un psychologue ou un conseil juridique, tout en se tenant à ses côtés pour le tenir informé de l’avancée des enquêtes qui sont menées.
Derrière chaque alerte, il y a une personne qui ose parler pour protéger l’intérêt collectif. Le rôle du RH est d’écouter, de rassurer et d’agir avec intégrité. En créant un environnement de confiance, il permet à chacun de s’exprimer sans crainte et favorise une culture d’entreprise plus saine, plus juste, et plus humaine.
RH : comment sécuriser la gestion des arrêts maladie ?
Calculs d’indemnisation, gestion des retours, obligations légales… Les arrêts maladie ne laissent aucune place à l’improvisation. Afin de gagner du temps et éviter les erreurs, notre partenaire Lucca vous propose un kit pour bien maîtriser le cadre légal grâce à 3 ressources. Il contient une vidéo où une avocate décrypte les obligations de l’employeur, un mémo récapitulant les règles clés et les réponses concrètes aux questions les plus courantes sur la réglementation des arrêts maladie.
Je télécharge le kitA lire également :
- Droit de retrait : que dit le code du travail ? tout savoir !
- Le référent harcèlement CSE : rôle, missions, désignation, obligations…
- Mise à pied conservatoire : procédure, délais, salaire…