Vote de la motion de censure, quelles en sont les conséquences ?

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Votée le 4 décembre 2024, la motion de censure va avoir des impacts pour les entreprises et les collaborateurs, mais quelles sont-elles ?

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Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

Le 2 décembre 2024, Le Premier ministre, Michel Barnier, a décidé de recourir à l’article 49.3 de la Constitution et à engager la responsabilité de son Gouvernement, pour adopter le Projet de loi de financement de la sécurité sociale et le Projet de loi de finances 2025, suscitant le dépôt de deux motions de censure par l’opposition. 

L’une des motions de censure ayant été adoptée le mercredi 4 décembre, la chute du gouvernement Barnier entraîne le rejet des deux projets de loi et le début d’une grande incertitude politique, économique et sociale car aucune disposition constitutionnelle ou organique ne prévoit ce qui se passe en cas de rejet du PLFSS et du PLF.

Quelles sont les conséquences de cette motion de censure sur le système de protection sociale et les textes législatifs en cours ? Qui sont les gagnants et les perdants de la chute du gouvernement ?

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Conséquences du rejet des deux projets de loi

Un système de protection sociale en difficulté

En l’absence de PLFSS, l’État ne dispose plus de la base législative nécessaire pour autoriser l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) à emprunter sur les marchés financiers. Cette autorisation, fixée chaque année dans le budget, est essentielle pour garantir la trésorerie permettant le versement des prestations sociales, des pensions de retraite ou encore le financement des hôpitaux publics.

Juridiquement, l’absence de PLFSS crée un vide normatif qui menace la continuité du service public. Les prestations sociales devraient continuer à être versées dans l’immédiat et les cotisations à être collectées, mais la loi est indispensable pour encadrer les financements nécessaires à la continuité du système.

Le droit actuel ne prévoit pas de mécanismes permettant de pallier une telle situation, ce qui pourrait obliger le gouvernement à devoir adopter en urgence un texte exceptionnel, par voie législative ou réglementaire, pour maintenir les opérations essentielles, au nom de la continuité de l’État et à devoir recourir à des lois spéciales pour autoriser la collecte des impôts et les emprunts nécessaires au fonctionnement de la Sécurité sociale.

Cela entraînerait des retards dans la fixation des tarifs hospitaliers et des difficultés pour financer les prestations, notamment en raison du déficit structurel des caisses.

La suspension de plusieurs textes législatifs

La loi d’orientation agricole 

Cette loi prévoyait de faciliter la transmission des exploitations et l’allègement de la règlementation complexe qui pèse sur la profession. 

De plus, le budget 2025 prévoyait :

  • Une réforme du calcul des pensions de retraite des agriculteurs.
  • Des mesures pour améliorer leur compétitivité à travers des allègements de charge. 
  • Des mesures d’avantages sociaux et fiscaux.

Ces mesures deviennent caduques de même qu’est reportée une nouvelle fois le projet de loi d’orientation agricole.

Le projet de loi pour la simplification économique

Ce texte prévoyait une série de de mesures de simplification administrative pour les entreprises, dans divers domaines, et notamment : 

  • L’information des salariés.
  • La revue des 1 800 formulaires Cerfa et des 2 500 autorisations administratives qui concernent les entreprises.
  • Une meilleure lisibilité du bulletin de salaire, avec 15 lignes maximum.

Une exception : l’accord conclu par les partenaires sociaux sur l’assurance chômage

L’accord conclu entre les partenaires sociaux, le 14 novembre 2024, sur les nouvelles règles de l’assurance chômage à partir du 1er janvier, sera malgré tout, agréé par le gouvernement censuré, dans le cadre de la gestion des affaires courantes, pour permettre le versement automatique des allocations chômage.

Ces nouvelles règles, qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2025, prévoient de durcir l’indemnisation des séniors en relevant de deux ans l’âge à partir duquel ils peuvent toucher une indemnisation plus longue.

Exemple : il faudra attendre 55 ans pour avoir droit à 22,5 mois d’indemnisation au lieu de 53 ans actuellement. Les seniors perdront 4,5 mois d’indemnisation, et auront droit comme le reste des chômeurs à 18 mois de versements d’allocation. 

En revanche, la baisse des indemnisations des chômeurs transfrontaliers est abandonnée pour des raisons juridiques. 

A lire également :

Les gagnants et les perdants du rejet du PLFSS et du PLF 2025

Les gagnants

Les retraités

Le PLFSS prévoyait une sous-indexation partielle des retraites à compter du 1er janvier 2025, une revalorisation de toutes les pensions de 0,8% en janvier et une seconde augmentation pour les petites pensions en juillet 2025. 

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Sans PLFSS, les pensions de base, en vertu du Code de la sécurité sociale, seront donc d’office revalorisées sur l’inflation moyenne, estimée à 2,2%. Début janvier 2025, les pensions des 17 millions de retraités français seront donc revalorisées au rythme de l’inflation, quel que soit leurs revenus. 

En conséquence, cette revalorisation de toutes les retraites sur une inflation attendue entre 1,5 et 2,2%, devrait coûter autour de 7 milliards d’euros et creuser un peu plus le déficit actuel. 

Les grandes entreprises françaises

Le PLF 2025 du gouvernement Barnier prévoyait une contribution exceptionnelle sur les profits des grandes entreprises, ciblée sur environ 450 entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en France. 

Le PLFSS prévoyait aussi une baisse des exonérations sociales dont bénéficient les entreprises, qui aurait renchéri le coût du travail pour une partie des salariés.

Les grands entreprises sont donc plutôt bénéficiaires de ce blocage budgétaire. 

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Les contribuables les plus aisés

Le budget 2025 prévoyait une contribution additionnelle pendant trois ans sur les hauts revenus (CDHR) pour les foyers fiscaux gagnant plus de 500 000 euros (ou 250 000 euros pour les célibataires, séparés, divorcés, veufs) qui aurait rapporté 2 milliards d’euros. Cette mesure ne sera pas mise en place. 

Les perdants 

Les actifs 

IIs seront plus nombreux à payer l’impôt sur le revenu. 

En effet, dans son projet de budget, le gouvernement prévoyait d’indexer le barème de l’impôt sur l’inflation. L’impôt n’aurait augmenté alors que pour ceux dont les revenus avaient subi une hausse plus forte que l’inflation. Avec le rejet du budget 2025, le barème de l’impôt sur le revenu ne sera pas indexé sur l’inflation, ce qui entraînera une hausse des impôts pour 17,6 millions de foyers. 

Selon l’OFCE, ce gel représenterait un coût moyen de 50 à 100 euros par an pour les ménages proches du niveau médian, et de 250 euros pour les 15% les plus aisés. De plus, 380 000 ménages deviendraient imposables alors qu’ils en auraient été exonérés dans le cadre du budget 2025.

Les entreprises  

Certes, certaines éviteront la hausse des taxes et la plupart échapperont aux allègements sur les exonérations de charges prévues dans les textes budgétaires de l’ancien gouvernement. 

Mais l’instabilité politique créée par la chute du gouvernement risque d’entraîner une instabilité économique, de mettre l’économie à l’arrêt et d’engendrer un manque de visibilité, moins d’investissement et de commandes et un gel des projets et des recrutements.  

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