Congés payés et arrêts maladie : ce que contient la loi adoptée

Congés payés et arrêts maladie : ce que contient la loi adoptée
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Congés payés : quels changements apporte le nouveau projet de loi pour les salariés en arrêt maladie ? On vous dit tout !

Le 10 avril 2024, députés et sénateurs ont adopté un projet de loi qui permet aux salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle d’acquérir des congés payés, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici malgré la législation européenne.

En effet, jusqu’à maintenant, seuls les salariés en arrêt maladie d’origine professionnelle pouvaient en acquérir, dans la limite d’un an d’arrêt.

Genèse de ce projet de loi

Souvenons-nous : le 13 septembre 2023, la Cour de cassation, à travers 3 arrêts remarquables, écarte, au profit des normes et principes généraux européens rappelés par la Cour de justice de l’Union européenne, les dispositions du Code du travail, qui limitaient l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt maladie, et qu’elle jugeait non conformes au droit de l’Union européenne, lequel garantit à tous les salariés un congé annuel de quatre semaines minimum, qu’ils soient en arrêt maladie ou non. 

À travers ses arrêts, la Cour de cassation a notamment considéré que les arrêts maladie, quels qu’ils soient, sont assimilables à des périodes de travail.

Trois enseignements découlent de ces décisions :

  1. Les salariés malades ou accidentés ont droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle.
  2. En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut pas être limitée à un an.
  3. La prescription du droit à congés payés ne commencera à courir que lorsque l’employeur aura mis le salarié en mesure d’exercer son droit en temps utile. 

Ces arrêts de la Cour de cassation avaient provoqué une forte inquiétude chez les employeurs, quant à une rétroactivité éventuelle, et une forte insécurité juridique pour tous. 

Le Conseil Constitutionnel, saisi par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité, juge, le 8 février 2024, que les dispositions du Code du travail en matière d’acquisition de droits à congés payés en cas de maladie du salarié sont conformes à la Constitution. 

Il reconnaît, cependant, que cette conformité à la Constitution des dispositions du Code du travail relatives à l’acquisition de droits à congés payés en cas de maladie du salarié ne remet pas en cause leur contrariété au droit de l’Union européenne et l’obligation du droit français de se conformer au droit européen. 

Par ailleurs, cette conformité à la Constitution ne changeait en rien la situation des entreprises françaises qui restaient confrontées aux incertitudes consécutives aux arrêts de cassation du 13 septembre 2023 et attendaient le dépôt d’un projet de loi par le gouvernement.  

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Ce que contient le projet de loi

Désormais, avec l’adoption de ce projet de loi, le droit français se met, de manière effective, en conformité avec le droit de l’Union européenne. 

Les dispositions proposées sont les suivantes :

Acquisition de congés payés pour tout salarié en arrêt maladie

Les salariés en arrêt maladie non professionnelle, comme les affections longue durée par exemple, pourront acquérir des droits à congés payés à hauteur de deux jours ouvrables par mois d’arrêt, soit jusqu’à 24 jours ouvrables de congés payés pour année complète d’arrêt, soit 4 semaines par an. 

L’indemnité de congés payés perçue tiendra compte de la rémunération touchée en arrêt à hauteur de 80%.

Les salariés en arrêt pour maladie professionnelle verront, quant à eux, leur durée d’acquisition des congés payés étendue à toute la durée de l’arrêt et non plus limitée à un an comme c’est le cas actuellement. En revanche, ils continuent à acquérir des congés payés pendant toute la durée de leur arrêt maladie au même rythme qu’aujourd’hui, à savoir 2,5 jours ouvrables par mois d’arrêt, soit 30 jours ouvrables par an, soit 5 semaines par an.  

À compter de la reprise du travail par le salarié, l’employeur doit informer ce dernier du nombre de jours de congé acquis ainsi que la date d’expiration de ces congés, dans un délai d’un mois, par tout moyen y compris dans le bulletin de salaire

Les jours acquis pendant l’arrêt ainsi que ceux non pris avant l’arrêt maladie sont à prendre dans un délai de 15 mois, à compter de la date à laquelle le salarié reçoit l’information de son employeur sur les congés dont il dispose.  

Application rétroactive des dispositions du projet de loi

Le projet de loi prévoit une rétroactivité de ses dispositions relatives à l’acquisition et de report des droits à congés payés. 

  • L’acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie non professionnelle sera rétroactive depuis le 1er décembre 2009 pour les salariés toujours liés contractuellement à leur employeur. Cependant, ils ne bénéficieront que d’un délai de deux ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour les réclamer et saisir la justice le cas échéant.
  • Les salariés, dont le contrat a été rompu avant l’entrée en vigueur de la loi, ne bénéficieront que d’une rétroactivité de trois ans maximum, et ne pourront réclamer qu’une indemnité correspondant à trois années de congés payés.

Cela signifie qu’aucun recours ne serait possible pour les salariés ayant quitté leur ancien employeur depuis plus de 3 ans. 

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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.