En 2022, la France a comptabilisé la création de plus d’un million d’entreprises, dont 61% d’auto-entreprise. Le paysage médiatique mettant plus régulièrement en avant les grandes entreprises, il est difficile de se rendre compte que les TPE (moins de 10 salariés)-PME (moins de 250 salariés) représentent plus de 99% des entreprises françaises.
La question des risques psychosociaux est donc à se poser du côté de ces entreprises.
Dans cet article nous nous poserons donc la question suivante : Existe-t-il des risques psychosociaux spécifiques aux TPE du fait de leur format et des lignes hiérarchiques resserrées ? Nous irons ensuite regarder la manière dont un premier bilan peut être dressé et enfin nous explorerons des pistes d’actions spécifiques à ces formats d’entreprise.
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J’accède au contenuRisques psychosociaux et obligations juridiques
« Juridiquement, les PME et les TPE, comme les grandes entreprises, sont tenues de mettre en œuvre des moyens de prévention adéquats et de répondre à des risques pour la santé au travail encourus collectivement et concomitants à un contexte de tensions sociales et de crise économique (article L. 4121-1 et L. 4121-2, -3 du Code du travail) » (12-13). Mais les petites entreprises cumulent un certain nombre de spécificités.
Premièrement, le manque de ressources allouées à la politique de prévention, dans une TPE de moins de 10 salariés la formation à la gestion des risques n’est pas souvent priorisée. De plus, les liens étroits de subordinations peuvent rendre complexe la mise en place de la phase de diagnostic et plus encore de mise en œuvre du plan d’action.
Risques psychosociaux et spécificités des TPE
Les risques psychosociaux sont paradoxalement moins étudiés dans les petites entreprises tandis qu’elles représentent une grande majorité de ces dernières.
Dans un article de N. Rascle, C. Lagabrielle et G. Encrenaz sur le harcèlement au travail, les auteurs établissent un lien clair entre la taille de l’entreprise et l’impact sur la santé des salariés. Il y aurait dans les entreprises de petite taille de meilleures conditions de travail en comparaison aux plus grandes entreprises, mais lorsque la situation se détériore l’impact sur la santé des salariés serait d’emblée plus élevé.
Ces petites entreprises ont des particularités en matière d’organisation du travail et le rapport à la hiérarchie est bien différent. Le N+1 est généralement le chef d’entreprise de manière directe, et la culture familiale de ces entreprises pousse aussi les salariés à s’y investir émotionnellement et factuellement de façon plus prononcée que dans les grandes entreprises.
La majorité des petites entreprises échappe aux droits de la santé et de la sécurité au travail, à la fois par manque de protection juridique (absence de CSE, de délégués du personnel ou de représentants syndicaux) mais aussi parfois par manque de connaissances sur ce qu’il est possible de mettre en œuvre malgré ce format complexe.
TPE et risques psychosociaux, comment y remédier ?
Il existe différentes manières d’aborder la question des RPS dans les TPE. La première des démarches est comme toujours d’élaborer un état des lieux des conditions actuelles afin de savoir où porter ses efforts et d’établir un plan d’action.
Un outil diagnostic à remplir collectivement
L’INRS propose un outil diagnostic à remplir de façon collaborative. Au vu du nombre de salariés maximum des TPE, l’outil diagnostic proposé par l’INRS peut être rempli collectivement avec l’ensemble des salariés et le dirigeant sans omettre personne.
Avant de se lancer, pensez à établir des règles en matière de prise de parole (durée, mode d’expression), et de prévoir la possibilité de laisser des questions en suspens et d’accepter que des questions puissent être discutées surtout en cas de désaccord.
Cet outil est avant tout un support à l’élaboration et à la co-construction de nouvelles règles dans l’entreprise. Il peut donc être à la fois un outil diagnostic, mais aussi un support à la parole et à la résolution de certaines difficultés rencontrées. Si le climat de la TPE est trop détérioré, vous pouvez faire appel à une personne extérieure afin de vous aider à réaliser le diagnostic de la société.
https://www.inrs.fr/publications/outils/faire-le-point-rps.html
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Mettre en place une organisation « capacitante »
Le pouvoir d’agir est une des clés quant à la réduction des risques psychosociaux. La liberté à agir sur son activité professionnelle et le fait d’accroître ses possibilités d’action et ses marges de manœuvre sur son poste peuvent être supportées par l’organisation, on peut donc dans ce cas parler d’organisation capacitante.
Mais comment mettre en place cette organisation capacitante ?
Une des possibilités est de redistribuer des fonctions de management à une partie des salariés. La possibilité d’auto diriger un petit groupe de la TPE est une bonne manière d’accroître ses responsabilités et d’élargir ses espaces de liberté dans la façon dont le travail peut être réalisé.
Ces espaces peuvent donc accroître la créativité de façon intra et interindividuelle et libérer du temps pour le dirigeant tout en améliorant la qualité du travail rendu. Déléguer une partie du management permettra également de redéfinir les procédures de l’activité et de résoudre des problèmes sans faire appel à un tiers, en permettant aux salariés de débattre entre eux de la meilleure façon de parvenir à un travail de qualité au sein de l’organisation en place.
Cette liberté d’initiative doit être accompagnée d’une confiance et d’un respect mutuel afin de porter ses fruits, des points réguliers co-construits sur ce nouveau mode d’organisation sont donc nécessaires à ce changement.
Analyser le travail avec la méthode « situation-problème »
La méthode situation-problème est une méthode proposée par le réseau Anact-Aract. Elle permet d’isoler une situation qui pose problème quelle qu’en soit la raison (qualité du travail, tensions dans les équipes, manque de moyens associés…) afin d’être analysée en groupe et être en mesure de co-construire une réponse adaptée à l’organisation.
Elle peut être utilisée dès lors qu’une situation de tension survient, avant même parfois d’en comprendre l’origine et à la double fonction de diagnostic et de résolution de problèmes selon le moment où elle est utilisée. Elle part de situations concrètes vécues sur le terrain et permet donc d’intégrer toutes les spécificités des TPE sans devoir plaquer une réponse pré-écrite et inefficace.
Pour plus d’informations vous pouvez vous référer directement à la page de l’ANACT : https://www.anact.fr/comment-analyser-le-travail-avec-la-methode-situation-probleme
Faire appel à un médiateur
Parfois, malgré les efforts déployés ou lorsque la question des risques psychosociaux arrive dans des situations déjà sclérosées, le meilleur des recours sera de faire appel à un intervenant extérieur. Vous pouvez prendre contact avec un IPRP enregistré auprès de la DREETS. (Intervenant en Prévention des Risques Professionnels). Leurs profils sont variés (psychologues, ergonomes, toxicologues) mais tous sont formés à répondre à une problématique spécifique que les TPE-PME pourraient rencontrer.
Dans la mesure ou au sein des TPE, aucun service spécifique n’est dédié à la prévention des risques professionnels, l’IPRP peut s’y substituer et intervenir à n’importe quelle phase de votre démarche. Soit dans la phase de diagnostic, lorsque les relations sont déjà tendues, soit dans l’accompagnement de la mise en place du plan d’action et/ou dans l’animation des échanges autour des moyens de résolution.
Pour conclure
En matière de RPS, les TPE-PME partent avec des difficultés de par leur format si l’on regarde ce sujet par rapport aux grandes entreprises, mais elles ont aussi la possibilité de parler du travail réel, et de mettre au centre de leurs échanges des situations spécifiques qui posent question à l’équipe toute entière.
Le format requiert un soin spécifique dans les échanges, mais ces échanges peuvent être plus approfondis sans tomber dans l’écueil parfois rencontré par les grandes entreprises de vouloir plaquer à une problématique une réponse toute faite.
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