L’optimisation des effectifs et l’éthique RH sont-elles compatibles ?

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L'accroissement de la rentabilité d'une entreprise passe souvent par un ajustement des effectifs. Mais est-ce réellement une si bonne solution ? Peut-on allier l'Humain et le financier au sein d'une organisation ?

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Le système économique capitaliste dans lequel nous évoluons est basé, entre autres, sur la recherche du profit, la croissance du capital.

N’étant pas économiste, je ne vais pas partager ici d’analyse du capitalisme, de ses forces et de ses limites. En revanche, en tant que défenseur de la pratique éthique de la fonction RH, je vous propose de nous questionner ensemble sur l’aspect humain de cette recherche de croissance, au travers de l’impact sur l’effectif.

Nous définirons tout d’abord le cadre de cette réflexion qui oppose chiffre et Humains. Ensuite, nous survolerons l’optimisation des organisations et ses enjeux humains et budgétaires. Puis nous ferons un focus sur la charge de travail par rapport à l’effectif d’une entreprise. Pour terminer, nous élargirons notre questionnement à l’optimisation des Ressources Humaines et sa dimension éthique.

Cadre de la réflexion et définition.

Comment relier une définition comptable à des pratiques de Ressources Humaines ?

Côté finance, les salariés sont analysés en tant qu’effectif, ETP ou masse salariale.

Côté finance, des budgets, des projections, des comptes de résultats sont les outils phares de pilotage d’une entreprise.

Ce sont ces mêmes outils qui sont présentés aux parties prenantes externes que sont les actionnaires, les investisseurs, qui dans une logique capitaliste regardent la rentabilité et le profit de l’entreprise.

D’après le dictionnaire Le Robert :

  • Effectif = nombre des membres d’un groupe.

D’après Service-public.fr :

  • Équivalent temps plein (ETP / FTE pour les anglophones) = une unité de mesure proportionnelle au nombre d’heures travaillées par un salarié sur un an.
  • Exemple : 1 salarié employé à 50% toute l’année représente 0,5 ETP.

Par raccourci provocateur, nous pouvons conclure que les instances qui décident de l’avenir d’une entreprise, se basent donc sur des nombres et unités de mesure, sans dimension humaine.

Pour certains, cette rationalisation à l’extrême des effectifs est un objectif permanent.

Il est vrai que derrière le nombre des ETP se trouvent les lourdes lignes de chiffres représentant la masse salariale, ses charges et autres frais de personnel. Oui, de ce point de vue, maîtriser les ETP est essentiel, mais faut-il en faire une quête ? Sur quels critères ? Quel en sera le coût humain ?

Abordons notre questionnement tout d’abord au travers du prisme organisationnel.

À lire également :

L’optimisation des organisations.

Optimiser une organisation, c’est lui donner les meilleures conditions de fonctionnement possibles pour atteindre les objectifs de performance business. Nous sommes en effet toujours bien dans la logique capitaliste. 

Il y a de nombreuses approches, expertises et méthodologies pour travailler sur les organisations : les entreprises font d’ailleurs souvent appel à des consultants pour les accompagner dans ce domaine. Dans notre monde en permanente mutation, savoir se réorganiser, s’adapter voire anticiper est fondamental.

En termes d’effectifs, un diagnostic peut déboucher sur des créations de poste, des évolutions/transformations de poste ou des suppressions de poste, de façon cumulative ou non.

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Si le diagnostic est une réponse aux exigences des actionnaires, par exemple, il y aura une attente d’optimisation des effectifs, et par optimisation, entendons baisse de la masse salariale, ou comment mieux faire avec moins de monde.

Prenons l’exemple plus précis d’une approche via les processus. 

Imaginons que la refonte d’un processus ait un effet significatif sur la charge de travail d’une équipe épuisée. En effet, certaines tâches, représentant 20% de la charge de travail, ont été automatisées ou attribuées à un autre service, libérant du temps pour chacun des 5 membres de cette équipe. 

Quelles hypothèses prenez-vous ?

  1. Il y a un poste de trop dans l’équipe.
  2. L’équipe va pouvoir prendre de nouvelles missions et projets.
  3. L’équipe était en surcharge de travail, elle va pouvoir revenir à la normale.

Dans un monde humainement idéal, l’hypothèse 3 serait la plus probable. En effet, depuis quand est-ce la norme qu’une équipe soit en surcharge de travail ? Si de nouveaux projets ou de nouvelles responsabilités arrivent, peut-être est-ce le moment d’ouvrir un nouveau poste ?

D’un point de vue financier, l’hypothèse 1 serait la plus évidente. Mais un manager privilégiera l’hypothèse 2, pour garantir et justifier les 5 postes dans l’équipe, et écarter rapidement l’hypothèse 1.

En tant que fonction RH, quelle est d’après vous la bonne solution ?

L’optimisation des effectifs en fonction de la charge de travail.

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L’optimisation des effectifs consiste à avoir juste le nombre de collaborateurs compétents nécessaires pour atteindre les objectifs de performance business. C’est le point de vue des investisseurs et actionnaires, toujours dans un souci de maximiser la rentabilité.

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Par le biais des ratios, des études, des benchmarks, en faisant parler les chiffres, il est possible de définir l’ETP requis pour chaque fonction. Mais en réalité, il y a de nombreux paramètres prévisibles ou imprévisibles qui viennent secouer ces ratios. L’utilisation de tels chiffres donne, certes, une tendance, mais ne remplace pas l’appréciation réelle de ceux qui ont l’expertise et le recul, que ce soit en interne ou en externe. 

Malheureusement, une telle logique amène souvent des situations de surcharge de travail. Si l’on ne prévoit pas de vivier, de soupape, que l’on travaille à flux tendu, le moindre imprévu, la moindre absence a un impact direct sur la charge de travail. 

À ce stade il convient de se demander : est-ce possible de travailler sur la charge de travail sans changer l’effectif (optimisé) d’une équipe ?

Il y a, certes, la charge perçue subjective et la charge réelle objective. 

Comment chiffrer les facteurs qui influencent la charge perçue et dimensionner une équipe en conséquence ? En effet, du fait de sa subjectivité, la charge perçue varie d’une personne à l’autre. Il est possible, en tant qu’entreprise d’agir sur certains facteurs, comme par exemple d’accompagner la progression technique. Inversement, il n’est pas possible d’agir sur la vie personnelle. 

C’est logiquement au manager de l’équipe d’évaluer cette charge globale, afin de répartir au mieux l’activité. Mais lorsque le contexte est tendu, il peut aussi bien faire appel à du soutien en interne auprès de la fonction RH, ou auprès de consultants externes s’il a le budget.

Enfin, est-ce humain de dire à l’équipe que leur constat de charge de travail est seulement une perception ?

Comme évoqué plus haut, l’écueil inverse existe aussi : une équipe perçue comme bien staffée va recevoir de plus en plus de demandes, des attentes plus élevées, un élargissement des missions. Il y a un côté motivant pour les salariés, de se voir confier plus de responsabilités, certes, mais comment tout faire tenir dans l’emploi du temps ? Là encore, la pression de l’effectif redescend directement sur les salariés concernés, qui risquent sur la durée un épuisement professionnel.

Et si l’optimisation des effectifs était finalement de donner les meilleures conditions de fonctionnement aux Humains pour atteindre les objectifs de performance business ?

À lire également :

L’optimisation des Ressources Humaines.

Recentrage sur l’Humain.

L’optimisation des Ressources Humaines est l’agrégation des différentes optimisations vues dans cet article, auxquelles on ajoute la prise en compte de l’Humain :

  • Travailler sur l’organisation et les effectifs permet de donner une tendance sur la taille des équipes.
  • Lorsque le travail sur l’organisation est fait en profondeur, il débouche aussi sur une cible en termes de compétence.
  • La bonne personne au bon endroit du point de vue de la personne et du business.

Arrêtons-nous sur ces mots : “du point de vue de la personne”, et raisonnons de façon macro.

Cela signifie que l’entreprise doit créer les conditions pour que les salariés se sentent bien dans leur poste. N’est-ce pas le cœur de notre fonction de Ressources Humaines ? Créer ces conditions se fait au travers de tous les domaines, par exemple :

  • Recruter les profils qui correspondent à ce que l’entreprise recherche. 
  • Entretenir un dialogue régulier avec les équipes, notamment au travers des managers.
  • Avoir une vision claire des compétences présentes, des compétences de demain, et des aspirations de chacun.
  • Créer un environnement de travail sain, notamment vis-à-vis de la charge de travail.
  • Prévoir “du mou” dans le budget de masse salarial pour absorber les imprévus.

Bien sûr, la pérennité du business reste le premier enjeu. Personne ici n’est naïf. C’est pourquoi la fonction RH a la complexe et passionnante mission d’accorder business et Humain. 

Vers une RH éthique.

Dans notre rôle de fonction RH, que l’on soit DRH ou pas, il est de notre devoir de questionner les décisions avant de les décliner, de mettre notre pouvoir d’influence au service d’une certaine éthique.

Dans un monde où les PDG se font remercier par les actionnaires, car trop sociaux, trop écolos, trop RSE, pas assez orientés rentabilité, comment défendre des décisions RH éthiques ? 

À chacun de répondre à cette question, en fonction de sa personnalité, de ses valeurs et de sa propre éthique.

Êtes-vous choqués lorsque l’on coupe des budgets de formation pour réduire les dépenses alors que les avantages en nature d’un comité de direction pèsent bien plus lourd ? 

Êtes-vous choqués lorsque le nombre de stagiaires représente plus de 20% de l’effectif d’un département ?

Êtes-vous choqués lorsqu’un manager encadre une équipe de jour et une équipe de nuit et qu’il fait régulièrement des journées de 14h avec la bénédiction de son responsable ?

Êtes-vous choqués lorsqu’on laisse partir un salarié CDD hyper compétent et intégré au bout de 18 mois de surcroît d’activité, car la Direction ne veut pas créer de CDI, et le remplacer par un nouveau CDD ?

Êtes-vous choqués lorsque la réponse à un salarié en souffrance liée à sa charge de travail est “tu as qu’à mieux t’organiser” ?

Oui ? Non ? Enfin, ça dépend du contexte me direz-vous ?

De ma fenêtre, je me dis que si je crée une confiance réciproque avec mon environnement professionnel, que je suis perçue comme légitime, que je suis capable de prendre le recul nécessaire pour challenger mes interlocuteurs alors je pourrai exercer mon influence, orienter des décisions, et décliner des actions RH en adéquation avec mes valeurs. 

Certes, je ne vais pas sauver le monde, mais je vais au moins œuvrer à mon échelle pour l’optimisation éthique des Ressources Humaines.

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