
Dans notre veille jurisprudentielle de mars, nous vous proposons d’une part, quelques arrêts centrés sur le thème de l’inaptitude, d’autres part, des arrêts intéressants sur la priorité de réambauche dans le cadre d’un CSE, une nouvelle compréhension du “harcèlement sexuel ” et enfin la qualification de faute grave pour des actes managériaux inappropriés.
Bonne lecture.
Inaptitude
Inaptitude et obligation d’adaptabilité de l’employeur
Cass.Soc. 8 janvier 2025, n°23-15.410
Ce qu’il faut retenir
Lorsque l’employeur a respecté son obligation d’adaptabilité, c’est au salarié de rapporter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, à son égard, en raison du handicap.
Le cas détaillé
Un salarié, reconnu travailleur handicapé, à la suite d’une maladie réduisant son acuité visuelle, est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il saisit le conseil des prud’hommes d’une demande de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son handicap et du manquement de l’employeur à son obligation d’adaptabilité.
Saisie, la Cour d’Appel rejette la demande du salarié et constate que l’employeur a constamment adapté le poste de travail du salarié handicapé en considération des prescriptions du médecin du travail qu’il voyait tous les deux mois, de sorte qu’il n’a pas manqué à son obligation d’adaptabilité en raison du handicap.
Par ailleurs, le salarié ne rapporte pas d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à raison du handicap. En effet, les mesures prises étaient justifiées, nécessaires et appropriées au handicap du salarié.
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, confirme l’arrêt d’appel et rejette la demande d’indemnisation du salarié qui, en effet, ne présente pas d’éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination à raison du handicap commise par l’employeur qui, en l’espèce, avait respecté son obligation d’adaptabilité.
Consultation du CSE avant reclassement
Cass. soc., n°23-13.802 du 5 mars 2025
Ce qu’il faut retenir
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste de travail, les représentants du personnel doivent être consultés sur les possibilités de reclassement avant toute procédure de licenciement même si aucune proposition n’a été faite par l’employeur.
Le cas détaillé
Un salarié victime d’un accident du travail est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il saisit la juridiction prud’homale en invoquant un manquement de l’employeur à son obligation de consulter les représentants du personnel dans le cadre de son obligation de reclassement.
La Cour d’appel rejette la demande du salarié car, selon elle, la consultation des représentants du personnel devant obligatoirement avoir lieu avant la proposition de reclassement, elle n’est pas obligatoire en l’absence de celle-ci.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel car pour elle, l’employeur doit consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager toute procédure de licenciement et ce même si aucune proposition de reclassement n’est faite au salarié. En effet, la consultation tardive des représentants du personnel prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Pour rappel, la seule exception qui permet à l’employeur d’être dispensé de son obligation de reclassement et donc de consultation du CSE est l’indication, par le médecin du travail sur l’avis d’inaptitude, que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Inaptitude et motifs qui s’opposent au reclassement
Cass. Soc. 29 janvier 2025 n°23-17.647
Ce qu’il faut retenir
Un manquement à l’obligation de faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement n’ouvre droit à réparation que si l’existence d’un préjudice est démontré.
Le cas détaillé
Un salarié, déclaré inapte par le médecin du travail, est licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
Il saisit le conseil des prud’hommes d’une demande relative au défaut d’information sur les motifs s’opposant au reclassement alors que selon lui, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement et que le seul constat d’un manquement à cette obligation ouvre droit à réparation.
la Cour d’appel déboute le salarié de sa demande. En effet, elle constate bien le manquement de l’employeur à son obligation de faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement au salarié, mais ne constate pas de préjudice résultant de ce manquement.
La Cour de cassation, saisie du pourvoi, confirme l’arrêt d’appel qui a constaté que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice résultant du manquement de l’employeur et donc déboute le salarié d’un droit à réparation.
Contrat de sécurisation professionnelle et priorité de réembauche
Cass.soc. 26 février 2025 n°23-15.427
Ce qu’il faut retenir
Le défaut d’information sur la priorité de réembauche dans le cadre d’un CSP ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse.
Le cas détaillé
Après un entretien préalable au cours duquel lui ont été remis un dossier relatif au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu’un document d’information sur les motifs économiques de la rupture envisagée, une salariée adhère à un contrat de sécurisation professionnelle.
Le même jour, l’employeur lui adresse une lettre recommandée ayant pour objet la « rupture d’un commun accord suite à adhésion au CSP» qui précise : « Je vous informe que, conformément à l’article L. 1233-45 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. »
La salariée qui n’avait pas été informée de cette priorité de réembauche lors de l’entretien préalable, conteste la rupture de son contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes.
La Cour d’appel donne raison à la salariée et considère le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle qu’en application des articles L.1233-45 et L.1233-16 du Code du travail :
- Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être portée à sa connaissance, au plus tard au moment de son acceptation, et donc être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail.
- Cependant, le défaut d’information du salarié ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle sur la priorité de réembauche ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais permet seulement au salarié qui justifie d’un préjudice d’obtenir des dommages intérêts ».
En l’espèce, la rupture du contrat de travail était donc bien valide.
Harcèlement sexuel
Cass.crim. 12 mars 2025, n°24-81.644
Ce qu’il faut retenir
Un harcèlement sexuel peut, pénalement, être constitué par des propos tenus à un ensemble de personnes et non pas à une personne identifiée au sein de ce groupe.
Le cas détaillé
Un enseignant avait tenu des propos jugés sexuels, sexistes et dénigrants devant une quinzaine d’étudiants qui ont porté plainte.
La Cour d’appel relaxe pour partie cet enseignant et le condamne pour un seul fait sur les 15 reprochés. En effet, cette Cour reconnait comme établis les faits, mais elle estime que le harcèlement sexuel ne peut pas être collectif, les étudiants n’ayant pas été visés directement par les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste du prévenu, adressés à la cantonade lors de cours ou de séances de travaux dirigés.
Sur le fondement de l’article 222-33 al.1er, du Code pénal, selon lequel « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui a méconnu cet article 222-33 al.1er du code pénal en retenant que les étudiants n’avaient pas été visés directement par les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste du prévenu, adressés à la cantonade lors de cours ou de séances de travaux dirigés.
En effet, pour la Cour de cassation, une infraction de harcèlement sexuel peut être retenue à l’égard de personnes n’ayant pas été directement visées par les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, mais les ayant subis du fait de leur présence.
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Je le téléchargeCette décision rappelle la décision du 26 novembre 2024, Pole 6-Chambre 5 qui avait déjà retenu la notion de « harcèlement d’ambiance ».
Pratiques managériales et faute grave
Cass. soc., 26 février 2025, n°22-23.703
Ce qu’il faut retenir
Des pratiques managériales inappropriées peuvent constituer une faute grave.
Le cas détaillé
Un salarié, responsable d’agence, avait adopté à l’égard des collaboratrices placées sous son autorité un comportement malsain et agressif ayant provoqué le départ de l’une d’elles, et avait eu un mode de management maladroit et empreint d’attitude colérique.
Il est licencié pour faute grave en raison de ses pratiques managériales inappropriées de nature à constituer un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.
La cour d’appel donne raison au salarié. Pour elle, le comportement est « maladroit et parfois empreint d’attitude colérique » mais ne caractérise pas un non-respect de l’obligation de sécurité et ne peut pas être licencié en raison d’un manquement à son obligation de sécurité.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et considère, au contraire, que les pratiques managériales du responsable d’agence sont de nature à constituer un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, le licenciement pour faute grave de ce manager est donc justifié.
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