Au travail, elle bouscule les codes. La génération Z, ces jeunes, nés entre 1990 et 2000, fait parler d’elle aussi bien pour les questions de recrutement que de management. Selon Hrmaps, 72% n’aiment pas recevoir d’ordres, ce qui pose un défi en matière de management et de hiérarchie.
Et, selon le rapport Gen Z At Work, 80 % recherchent un travail qui leur permet de découvrir et de développer de nouvelles compétences, plutôt qu’un travail axé sur une seule compétence spécifique. Collaboratifs, autonomes, soucieux du sens au travail, ces jeunes ont fait couler beaucoup d’encre.
Mais qu’en est-il de leur rapport à l’apprentissage ? Apprennent-ils différemment des générations précédentes ? Peut-on réellement parler d’un style d’apprentissage spécifique à la génération Z ?
D’un côté, des études comme celle menée par Barnes & Noble College semblent indiquer des préférences d’apprentissage marquées chez ces digital natives : plus de la moitié (51%) déclarent apprendre mieux en pratiquant, tandis que 38% privilégient l’apprentissage visuel.
À peine 12% préfèrent les méthodes traditionnelles basées sur l’écoute passive. De l’autre côté, les recherches scientifiques sur les styles d’apprentissage nous invitent à la prudence face aux généralisations hâtives.
Alors, existe-t-il réellement une façon d’apprendre propre à cette génération, ou sommes-nous face à des évolutions plus larges qui touchent l’ensemble des apprenants dans un contexte qui a évolué ? Tour d’horizon.
Styles d’apprentissage : de quoi parle t’on ?
Le style d’apprentissage renvoie à la manière dont chaque apprenant commence à se concentrer sur une information nouvelle et difficile, la traite et la retient.
Depuis les années 1930, ce concept a fait l’objet d’une attention considérable dans le domaine de la recherche en éducation et en psychologie cognitive. Cependant, comme le révèle la littérature scientifique, ce champ d’étude est marqué par une grande disparité et une fragmentation des approches.
La psychologie cognitive y tient une place prépondérante, mais aussi la médecine, le management, l’industrie et la formation professionnelle. De nombreux chercheurs ont tenté d’identifier des méthodes permettant de comprendre les processus d’apprentissage des individus et de les classer selon une typologie.
Une profusion de modèles et de théories
L’étude des styles d’apprentissage a généré une multitude de modèles théoriques. Parmi les plus connus, on peut citer :
- Le modèle de Kolb (1984) : il identifie quatre styles d’apprentissage : divergent (concret, réfléchi), assimilateur (abstrait, réfléchi), convergent (abstrait, actif) et accommodant (concret, actif).
- L’approche de Honey et Mumford (2000) : elle distingue quatre types d’apprenants : actif, réfléchi, théoricien et pragmatique.
- Le modèle VAK (puis VARK) : il classe les apprenants selon leur préférence sensorielle : visuel, auditif, kinesthésique (et lecture/écriture).
- Les travaux de Vermunt : ils intègrent les stratégies d’apprentissage, la motivation et les préférences d’organisation de l’information.
Des fondements scientifiques questionés
Malgré leur popularité dans le milieu éducatif, les styles d’apprentissage font l’objet de critiques importantes dans la communauté scientifique.
Comme le souligne la revue de littérature menée par Marie Gaussel (Ce que la recherche nous dit sur les styles d’apprentissage ou retour sur un mythe tenace), “les styles d’apprentissage, bien que de nombreuses fois évoqués dans la littérature scientifique ou non, ne possèdent aucun fondement validé scientifiquement.”
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Je crée mon tableau de bordCette prudence scientifique est essentielle à garder à l’esprit lorsqu’on s’intéresse à d’éventuelles spécificités d’apprentissage liées à la gen Z.
Génération Z au travail : un nouveau type d’apprenants ?
Les jeunes, nés entre 1990 et 2000, apportent avec eux une vision radicalement différente de la formation, comme le révèle une étude approfondie menée par Barnes & Noble College. Les données recueillies dessinent un portrait assez spécifique de leurs préférences d’apprentissage.
Des préférences marquées pour l’apprentissage actif et visuel
Les statistiques indiquent que plus de la moitié (51%) de ces jeunes apprennent en pratiquant, tandis que 38% optent pour l’apprentissage visuel. À peine 12% préfèrent les outils et méthodes d’apprentissages traditionnels où l’on écoute passivement.
Cette prédominance de l’apprentissage actif et visuel n’est pas sans rapport avec leur environnement numérique. Baignés depuis l’enfance dans un monde d’écrans et de contenus interactifs, ces digital natives semblent avoir développé des habitudes cognitives qui privilégient l’expérimentation directe et la représentation visuelle de l’information.
La dimension collaborative au cœur de l’apprentissage
Ce qui caractérise cette génération, c’est sa volonté de travailler avec des pairs lors de l’apprentissage. Huit sur dix révisent avec d’autres apprenants, et les deux tiers disent que cela rend l’apprentissage plus intéressant.
Cette tendance à apprendre en groupe ne relève pas d’une mode passagère, mais plutôt d’une forte conviction que le partage d’idées améliore l’expérience d’apprentissage.
L’étude de Barnes & Noble College montre également que 64% des jeunes de la génération Z privilégient les discussions de groupe et 60% préfèrent travailler sur des cas concrets. Ces préférences s’accordent avec leurs habitudes numériques : habitués aux réseaux sociaux et aux plateformes collaboratives, ils ont intégré la dimension sociale dans leur façon d’apprendre.
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Le défi du temps d’attention
Un autre aspect concerne la durée d’attention. La durée moyenne d’attention de la génération Z est estimée à 8 secondes, soit 25% de moins que celle des millennials ! Cependant, cette caractéristique est souvent mal interprétée. Il ne s’agit pas tant d’une incapacité à se concentrer que d’une adaptation à un environnement dense en informations et de plus en plus rapide.
Ces jeunes ont développé une capacité à évaluer rapidement la pertinence de l’information et à basculer efficacement entre différentes tâches. Ils sont fondamentalement multi-tâches : 72% d’entre eux utilisent les réseaux sociaux tout en consommant d’autres types de médias.
Des attentes précises concernant la formation
Ces jeunes ne se contentent pas de méthodes différentes ; ils ont aussi des attentes claires concernant la formation. Leur priorité est de se préparer de manière concrète à leur futur professionnel. Ils recherchent des contenus qui peuvent être appliqués directement dans leur carrière. Le temps de la formation sans objectif est révolu ; chaque apprentissage doit avoir un but clair et pratique.
Cette génération consomme l’information différemment, privilégiant les formats courts et visuels. YouTube et TikTok sont devenus des canaux d’apprentissage informel majeurs, utilisés respectivement par 51% et 55% des jeunes en Europe pour acquérir de nouvelles connaissances. Plus surprenant encore, 40% de la génération Z utilise TikTok au lieu de Google pour rechercher des informations.
Ces observations suggèrent-elles l’existence d’un style d’apprentissage propre à cette génération ? Ou reflètent-elles simplement l’adaptation à un environnement numérique qui transforme les habitudes de tous les apprenants, quelle que soit leur génération ?
Le style d’apprentissage de la gen Z : un effet de génération ou de contexte ?
Si les observations sur les préférences d’apprentissage de la génération Z sont intéressantes, elles doivent être examinées avec un regard critique. L’attribution de caractéristiques d’apprentissage spécifiques à une génération entière soulève plusieurs questions importantes.
Les limites des généralisations générationnelles
La notion même de “génération” comme catégorie homogène est contestable.
Les individus nés entre 1990 et 2000 présentent une grande diversité de profils, de contextes socio-économiques et culturels, d’expériences éducatives et d’accès aux technologies. Réduire cette diversité à un style d’apprentissage unique risque de nous faire tomber dans la simplification excessive.
Comme le soulignent les recherches sur les styles d’apprentissage, “la question fondamentale est donc bien de savoir distinguer ce qui relève tantôt d’une préférence de surface modulable selon les contextes, tantôt d’un processus cognitif stable et immuable.” Ce qui est observé comme des préférences générationnelles pourrait donc en fait n’être que des adaptations à notre contexte actuel.
L’influence de l’environnement numérique sur tous les apprenants
Les caractéristiques attribuées à la génération Z – préférence pour le visuel, l’apprentissage actif, le collaboratif, les formats courts – sont-elles vraiment spécifiques à cette génération ou reflètent-elles une adaptation plus large à l’environnement numérique qui transforme les habitudes de tous les apprenants ?
De nombreuses études montrent que les millennials et même les baby-boomers ont également modifié leurs habitudes d’apprentissage avec l’avènement du numérique. La différence avec la génération Z résiderait alors principalement dans le fait qu’elle n’a pas connu de transition vers le numérique, étant née dans cet environnement.
Des styles d’apprentissage ou des stratégies ?
La recherche distingue clairement les styles d’apprentissage (supposément stables) des stratégies d’apprentissage (adaptatives). Ce que nous observons chez la génération Z ressemble davantage à des stratégies développées en réponse à un environnement informationnel spécifique qu’à des styles cognitifs innés.
Comme l’indique Marie Gaussel: “Contrairement aux théories qui partent du postulat que le style d’apprentissage est inné et immuable (Dunn et Dunn), d’autres affirment que le style d’apprentissage évolue avec les expériences individuelles et s’avère par conséquent changeable (Schmeck) avec un apprenant actif doté du pouvoir de choisir ses stratégies en fonction des contextes.”
Plutôt que de parler d’un style d’apprentissage propre à la génération Z, il serait plus juste d’évoquer des tendances adaptatives face à notre environnement numérique. Ces tendances influencent certainement les préférences d’apprentissage, mais ne constituent pas un style cognitif distinct et fixe.
L’approche la plus pertinente consisterait ainsi à reconnaître ces tendances tout en évitant les catégorisations rigides, et à développer des méthodes pédagogiques flexibles qui s’adaptent à la diversité des apprenants, quelle que soit leur génération !
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