Quels sont les risques liés au contrat d’intérim ?

Quels sont les risques liés au contrat d’intérim ?
Laurence Ruaux

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

Si de prime abord, le recours à un contrat de mission peut apparaître moins “risqué” auprès des entreprises utilisatrices, certains risques juridiques existent néanmoins et doivent être pris en compte.

Le recours au travail temporaire conduit une Entreprise de Travail Temporaire (ETT) à conclure deux contrats : l’un avec le client utilisateur des salariés, communément appelé l’Entreprise Utilisatrice, et l’autre avec le salarié intérimaire, qui fixe les conditions de travail et encadre la mission réalisée au sein de l’Entreprise Utilisatrice.

La relation tripartite entre l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT), son client et ses salariés, sur laquelle repose le travail intérimaire, complexifie le cadre légal à respecter et accentue, de ce fait, les risques juridiques tant pour l’ETT que pour l’Entreprise Utilisatrice. 

La relation repose sur des obligations distinctes issues des deux contrats et impliquant plusieurs acteurs au cours d’une même mission d’intérim. 

Ces paramètres multiplient le champ des actions possibles pour les salariés intérimaires à l’encontre tant vis-à-vis de l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT) que de l’Entreprise Utilisatrice (EU) et ces dernières doivent être vigilantes et respecter leurs obligations pendant toute la durée de la relation contractuelle.

En effet, la loi est très stricte et encadre parfaitement le recours au travail temporaire

C’est la raison pour laquelle, en cas de manquement aux dispositions légales relatives au contrat intérimaire, tant l’Entreprise Utilisatrice (EU) que l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT) s’exposent à des risques de condamnation et des sanctions que ces dernières ne doivent pas négliger. 

Risques en cas de non-respect des obligations légales du contrat d’intérim.

Les salariés temporaires peuvent être amenés à intenter une action en justice à l’encontre de leur employeur de droit, l’Entreprise de Travail Temporaire, notamment en cas d’absence d’écrit, de défaut de signature du salarié, d’omission de la mention relative à la qualification ou à l’indemnité de fin de mission….

Ces mêmes salariés peuvent également intenter une telle action contre leur employeur de fait, à savoir l’Entreprise Utilisatrice, sur le fondement des articles L. 1251-39 et L. 1251-40 du Code du travail.

Une telle action se justifie, ainsi, si le motif du recours au travail temporaire ne repose pas sur un motif légitime ou lorsqu’il y a eu violation des dispositions relatives à la durée des missions, au renouvellement du contrat et à l’aménagement de son terme.

Reconnaissance du délit de prêt de main-d’œuvre illicite

Lorsque les salariés intérimaires occupent en réalité des emplois permanents dans l’Entreprise Utilisatrice (EU) et que l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT) et l’Entreprise Utilisatrice (EU) ont agi en connaissance de cause, il existe un risque important que le délit de prêt de main-d’œuvre illicite soit constitué.

Pour exemple, dans un arrêt du 13 novembre 2012, la Cour de cassation a jugé, qu’une Entreprise de Travail Temporaire qui avait mis à la disposition d’une Entreprise Utilisatrice, 70 intérimaires, représentant plus de 44 “temps plein”, sur un effectif moyen de 226 salariés en contrat à durée indéterminée et, en particulier, pendant cette période, que la présence constante au sein de l’Entreprise Utilisatrice de 6 travailleurs intérimaires avait pour objectif de leur faire effectuer des tâches relevant de l’activité habituelle de cette entreprise (Cass.Soc. 13 nov. 2012, 10-80.862).

Ce délit est susceptible d’entraîner des condamnations sur le plan pénal, non seulement au niveau financier, mais aussi en termes de peine d’emprisonnement.

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Condamnation en cas de non-respect de l’obligation de sécurité

L’Entreprise de Travail Temporaire a une obligation générale d’assurer la sécurité de ses salariés et de protéger leur santé physique et mentale, tandis que l’Entreprise Utilisatrice a une obligation en matière de conditions de travail (durée du travail, travail de nuit, repos hebdomadaire, etc.), de médecine du travail (surveillance particulière afférente aux travaux comportant des exigences ou des risques spéciaux) ou encore d’équipements des protections individuelles.

En cas de manquement à l’obligation de sécurité, qui est une obligation de résultat et pas seulement de moyens, les entreprises qui doivent en assurer l’effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques, s’exposent à être condamnées solidairement à payer au salarié des dommages et intérêts.

C’est pourquoi, les salariés temporaires, notamment en cas d’accident du travail, peuvent rechercher en justice la responsabilité conjointe des deux entreprises

Sanctions

En plus du paiement de dommages et intérêts à l’égard du salarié intérimaire, les sanctions encourues sont les suivantes :

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La requalification du contrat de travail temporaire en CDI à la demande du travailleur.

En cas de manquement à la législation relative au contrat de travail temporaire, le salarié peut demander la requalification de son contrat en CDI. Si la requalification est accordée, le salarié peut obtenir une indemnité au moins égale à un mois de salaire. Si la requalification est postérieure à la mission, le salarié peut également percevoir les indemnités allouées en cas de licenciement abusif.

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À l’égard de l’Entreprise Utilisatrice

Le Code du travail prévoit expressément la possibilité pour le salarié de demander à l’encontre de l’Entreprise Utilisatrice la requalification de son contrat de travail dans deux cas (articles L 1251-39 et L 1251-40 du Code du travail) :

  • Si l’Entreprise Utilisatrice a recours de façon abusive au contrat d’intérim ou si elle continue de faire travailler le salarié après sa mission sans contrat.

Quel que soit son motif, le contrat de mission ne peut avoir ni objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (article L 1251-5).

C’est pourquoi, le Code du travail prévoit un nombre limité de cas de recours au contrat d’intérim (articles L 1251-5 à L 1251-8 du Code du travail).

L’article L1251-6 prévoit qu’il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :

  • Remplacement d’un salarié.
  • Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
  • Emplois à caractère saisonnier.
  • Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, ….

Ainsi, une entreprise utilisatrice ne peut avoir recours à l’intérim comme un instrument de « gestion » habituel, dans le cadre de son activité habituelle et prévisible. Par exemple, le recours au contrat de mission ne peut pas pallier à un sous-effectif permanent.

  • Si la réglementation en matière de motifs de recours, de durée (notamment aménagement du terme) ou de renouvellement du contrat de mission n’est pas respectée.

Par exemple, lorsque des missions ont pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente, ce qui est caractérisé quand un salarié effectue un nombre de missions très élevé, un salarié intérimaire peut obtenir auprès de l’Entreprise Utilisatrice la requalification de son contrat en CDI. 

En effet, dans un arrêt du 9 avril 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que 108 missions d’intérim pour des tâches similaires sur une période de 2 ans (Cass. soc. 9 avril 2015, n°14-10168) traduisent le fait qu’un emploi était pourvu de manière durable. 

En revanche, le non-respect du délai de carence ne permet pas l’aboutissement de l’action en requalification du CDI (Cass.soc, 23 février 2005, n°02-40.336).

En fonction des horaires effectués par l’intérimaire, le CDI sera à temps complet ou à temps partiel. 

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Par exemple, si l’intérimaire travaillait 24h par semaine, en cas de requalification de son contrat intérimaire, il sera en CDI à temps partiel pour 24h/semaine.

À lire également :

À l’égard de l’Entreprise de Travail Temporaire

La requalification en CDI est encourue si le contrat de mission du salarié ne comporte pas la mention du terme de la mission ou la mention de la qualification des salariés remplacés (cadre ou non-cadre) ou s’il méconnaît le délai de 2 jours à compter de la signature du salarié.

Attention : Le salarié peut enclencher 2 actions en requalification, contre l’Entreprise de Travail Temporaire et l’Entreprise Utilisatrice, car ces actions sont indépendantes. 

Si le salarié intérimaire ne peut pas obtenir la requalification de son contrat de mission en se basant sur l’irrégularité du contrat de mise à disposition, puisqu’il n’est pas partie à ce contrat, en revanche, il pourra se retourner contre l’Entreprise de Travail Temporaire (Cass.soc, 19 juin 2002, n°00-41.354).

Des sanctions pénales

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À l’encontre de l’Entreprise de Travail Temporaire

L’agence d’intérim risque des sanctions pénales telles qu’une amende de 3 750 euros (sanctions complémentaires prévues et sanctions plus sévères en cas de récidive) si elle ne respecte pas les conditions de forme et de fond du contrat (ex : absence de contrat écrit, oubli de la mention relative à la rémunération etc).

À l’encontre de l’Entreprise Utilisatrice

En cas de manquement aux obligations définies par la loi lors d’un recours à un intérimaire par une Entreprise Utilisatrice, cette dernière peut encourir des sanctions pénales, pouvant aller d’une contravention de 2e, 3e ou 5e classes jusqu’à l’emprisonnement de ses dirigeants, dans les cas suivants :

  • Si le contrat de mise à disposition n’a pas été conclu dans le délai légal.
  • Si le contrat ne comporte pas l’ensemble des éléments de rémunération de l’intérimaire.
  • Si la mission intérimaire a pour objet ou effet de pourvoir un emploi permanent.
  • En cas de non-respect des cas de recours ou d’interdiction de recours à l’intérim.
  • En cas de non-respect de la durée maximale des contrats ou leurs conditions de renouvellement.
  • Si l’entreprise utilisatrice ne respecte pas le délai de carence entre les contrats.
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Laurence Ruaux

Avocate de formation, je suis consultante juridique auprès de TPE/PME de tous secteurs, et en particulier les entreprises du secteur de la restauration. Parallèlement, formée au coaching professionnel, j’accompagne les acteurs des professions juridiques et RH dans leur gestion de carrière et leurs transitions professionnelles.