L’année 2020 a été économiquement et socialement une année difficile pour la majorité des entreprises et des salariés que ce soit en France ou dans le monde entier. L’année 2021 s’annonce tout aussi particulière.
C’est pourquoi le gouvernement français a souhaité mettre en place et faciliter certaines mesures d’aides financières et assouplir des règles de Droit de façon temporaire.
De nombreuses questions se sont posées concernant l’acquisition des congés payés durant l’activité partielle, leur indemnisation, leur prise qui peut être imposée par l’employeur, ainsi que les aides de l’État pour financer des congés payés de salariés. Nous allons donc étudier ces aspects dans cet article.
L’acquisition des congés payés durant l’activité partielle.
Rappel de la règle d’acquisition des congés payés.
Pour rappel, les congés payés s’acquièrent dès le 1er jour de travail, en fonction du temps de travail effectif accompli sur une période dite de référence. Dans le Code du Travail, la période de référence s’étend du 1er juin au 31 mai de l’année suivante, même si des dérogations sont tout à fait possibles.
Dans ce même code, pour l’acquisition des congés payés, sont considérées comme équivalant à un mois de travail, les périodes de 4 semaines (c. trav. art. L. 3141-4). Ainsi, 48 semaines de travail effectif suffisent pour avoir 30 jours ouvrables (ou 25 jours de jours ouvrés) de congés payés.
Et comme dans une année, nous comptons 52 semaines, on peut dire qu’une absence globale dans l’année de 4 semaines ou moins n’a pas d’incidence sur l’acquisition des congés annuels du salarié.
Nous parlons de travail effectif, mais quelles sont les absences qui assimilées par la loi à du travail effectif ? Nous avons les périodes de congé de maternité et paternité, de congés individuels de formation, d’accidents du travail / trajet ou maladie professionnelle (maximum 1 an d’acquisition sauf si convention collective plus favorable), de préavis dispensé par l’employeur….
A contrario d’autres ne le sont pas, comme les absences maladie non professionnelles, les jours fériés chômés (dans la pratique, la plupart des entreprises assimilent les jours fériés à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés), les congés sans solde …
Attention, ces dernières périodes peuvent être assimilées à du temps de travail effectif si la convention collective applicable dans l’entreprise l’indique.
Mais qu’en est-il de la période d’activité partielle ?
L’acquisition de congés payés durant l’activité partielle.
La question s’est posée à de nombreuses reprises : est-ce qu’un salarié acquiert des congés payés alors qu’il est en activité partielle ?
Le Code du travail est assez clair sur ce point.
Art. R. 5122-11, modifié par un décret du 30 octobre 2020, indique que la « totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits aux congés payés. »
La période d’activité partielle, anciennement intitulée chômage partiel, fait partie des heures dites chômées. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que les salariés continuent d’acquérir des congés payés durant l’activité partielle, qu’elle soit totale ou non, et ce, quel que soit le type de contrat, qu’il soit en CDD ou CDI, ou quelle que soit la durée du travail hebdomadaire (temps plein ou temps partiel).
Exemple.
Un salarié a un CDD de 24 heures du 7 septembre 2020 au 31 octobre 2020, avec une période d’activité partielle du 12 au 31 octobre 2020.
La durée du contrat est de 8 semaines soit deux périodes de 4 semaines X 2,08 jours ouvrés = 4,16 Jours de congés payés arrondis à l’entier supérieur, cela donne 5 jours de congés payés pour le CDD, peu importe sa durée hebdomadaire et l’activité partielle.
En termes d’acquisition, nous venons de voir que l’activité partielle n’avait aucun impact sur l’acquisition des congés payés pour un salarié. Mais qu’en est-il de son indemnisation ?
L’indemnité des congés payés acquis durant l’activité partielle.
Avant d’indiquer si oui ou non l’indemnité de l’activité partielle est prise en compte pour le calcul de l’indemnité des congés payés, il convient de rappeler les règles de base.
Il y a deux méthodes pour calculer l’indemnité de congés payés. Il y a la règle du 10ème et la règle du maintien de salaire. Dès lors qu’un salarié prend des congés payés, la comparaison des deux méthodes doit être faite.
Le maintien de salaire.
La règle du maintien de salaire repose sur le principe que l’indemnité de congés payés est au moins égale à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé sur cette période.
La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu une décision qui indique que l’indemnité de congés payés ne doit pas être calculée sur l’indemnité d’activité partielle, mais sur la rémunération habituelle (CJUE, 4e ch., 13.12.2018, aff. C-385/17, Hein).
Le 10ème.
La règle du 10ème correspond à 1/10ème de la rémunération brute de la période de référence d’acquisition des congés payés (du 1er juin N au 31 mai N+1). Il y a, certes, certaines primes qui ne rentrent pas dans le 10ème notamment les indemnités attribuées pour des périodes non assimilées à du travail effectif, les primes exceptionnelles qui ont un caractère discrétionnaire…
Si l’on applique cette règle, les allocations de chômage partiel doivent être exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés (Cass., soc. 19.11.1997, n°95-44.093), car l’indemnisation de l’activité partielle ne rentre pas dans le brut comme on peut le constater sur le bulletin ci-dessous.
Dans tous les cas, il doit être appliqué le mode de calcul qui est le plus avantageux pour le salarié.
Exemple.
Reprenons l’exemple du CDD vu précédemment, de 24 heures du 7 septembre 2020 au 31 octobre 2020, avec une période d’activité partielle du 12 au 31 octobre 2020.
Nous avons vu qu’il avait acquis 5 jours de congés payés.
Imaginons que le salaire brut horaire est le SMIC, soit 10,15 euros de l’heure en 2020.
Le maintien de salaire est égal à (1055,60 / 21,67 * 5 jours) 243,56 euros pour les 5 jours.
Le 10ème est égal au 10ème du cumul brut de septembre (860,72) + le brut d’octobre (1055,60 – 730,80) = 1185,52 / 10 = 118,55 pour 5 jours.
Le plus favorable est le maintien de salaire.
Libellé | Base | Taux | Montant |
Salaire de base | 104 | 10,15 | 1055,6 |
Absence Activité partielle 12 au 31 octobre 2020 | -72 | 10,15 | -730,8 |
Indemnité Compensatrice CP | 5 | 48,71 | 243,56 |
Total Brut | 568,36 | ||
Charges sociales | |||
Indemnité Activité Partielle | 72 | 8,03 | 578,16 |
L’acquisition ainsi que l’indemnisation des congés payés a été vue, mais qu’en est-il de la prise des congés payés durant l’activité partielle ?
La prise des congés payés.
Avant d’étudier le changement lié à la crise sanitaire concernant la prise de congés payés, il convient de rappeler les règles de base.
Rappel des règles initiales.
Les congés payés acquis sur la période de référence précédente doivent être soldés à la fin de la période de référence suivante. C’est-à-dire que les congés payés acquis du 1er juin 2018 au 31 mai 2019, doivent être soldés au 31 mai 2020.
Un salarié peut-il alors poser des congés payés à tout moment dans l’année ? soit du 1er juin 2019 au 31 mai 2020 ? Selon les textes législatifs, la réponse est négative, même si les usages en entreprise peuvent être beaucoup plus souples.
Selon la loi, la période de prise des congés payés est fixée soit par accord d’entreprise / d’établissement ou par convention /accord de branche. Tout dépend de la taille de l’entreprise et du secteur d’activité. En l’absence d’accord ou de convention, il est possible que ce soit fixé par l’employeur, après avis du comité social et économique (CSE), si ce dernier existe dans l’entreprise.
La période est portée à la connaissance des salariés au moins 2 mois avant l’ouverture de la période.
La loi prévoit également que cette période doit comprendre la période légale allant du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
Concrètement, durant la période de prise de congés payés, l’employeur peut imposer au salarié de prendre des jours de congé (en cas de fermeture annuelle de l’entreprise par exemple). Et dès lors qu’un salarié souhaite prendre des congés, il doit soumettre la demande à l’employeur qui devra lui indiquer son accord ou désaccord. Sur ce dernier point, il n’y a pas de délai légal de prévenance du salarié ni de délai légal de réponse pour l’employeur.
S’il y a accord, l’employeur ne peut pas changer les dates de congés du salarié moins d’un mois avant le départ, sauf si le délai fixé par l’accord d’entreprise (ou d’établissement) ou, à défaut, par la convention / accord de branche. L’autre possibilité est s’il y a des circonstances exceptionnelles.
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Les circonstances exceptionnelles de la COVID 19.
Avant toute chose, il convient de rappeler que pour être mis en activité partielle, l’employeur n’a pas l’obligation de faire solder les congés payés à leurs salariés.
Une ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, art. 1, nous indique que « l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congé et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc » d’imposer des congés payés.
Donc l’employeur peut durant la période de crise sanitaire imposer aux salariés jusqu’à 6 jours de congé sans avoir à respecter les dispositions prévues par le Code du travail.
L’ordonnance indique également que l’employeur peut « décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés. »
L’employeur peut donc modifier les dates de congés payés déjà validées sans l’accord du salarié et déroger à la période de prise de congés payés.
Ces deux dérogations valaient pour un premier temps jusqu’au 31 décembre 2020, puis la date a été modifiée par l’ordonnance n° 2020-1597 du 16 décembre 2020, et ce jusqu’au 30 juin 2021.
Cette possibilité est cependant très encadrée. En effet, il faut que ces dérogations soient prévues par un accord collectif (soit au niveau de l’entreprise ou de la branche).
Mais quel est l’intérêt pour l’État, le salarié et l’employeur de cette mesure ?
L’intérêt pour l’État.
Pour connaître l’avantage d’une telle mesure pour l’État, il faut savoir que l’activité partielle est financée par l’État. Donc si les congés sont pris à la place de l’activité partielle, alors l’État a moins d’activité partielle à financer.
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Je télécharge les 8 fichesL’intérêt pour le salarié.
Pour les salariés, l’avantage est également financier. En effet, lorsque le salarié est en congés payés, il est rémunéré à 100% alors qu’en période de chômage partiel, sa rémunération est égale à environ 84% de son salaire net (en général, car il existe des exceptions comme pour les apprentis par exemple).
Il y a cependant la possibilité que l’employeur décide de compenser cette baisse de salaire et donc dans ce cas-là, il n’y a pas forcément d’avantage pour le salarié.
L’intérêt pour l’employeur.
Le coût des congés payés reste à la charge de l’entreprise mais les salariés seront disponibles pour reprendre l’activité économique de l’entreprise dès lors que l’entreprise pourra reprendre à 100% son activité.
Un autre intérêt apparaît avec une annonce faite fin novembre 2020 : afin d’aider les entreprises de secteurs d’activité le plus lourdement impactées par la crise sanitaire, l’État va financer jusqu’à dix jours de congés payés.
L’aide de l’État.
Le gouvernement a annoncé en cette fin d’année 2020 une mesure supplémentaire pour soulager les entreprises de secteurs d’activité les plus touchés par la crise sanitaire. En effet, l’État pourra prendre en charge jusqu’à 10 jours de congés payés, mais selon quels critères ?
Le premier étant que l’activité doit avoir été interrompue partiellement ou totalement pendant une durée totale d’au moins 140 jours depuis le 1er janvier 2020.
Le second est que l’activité doit avoir été réduite de plus de 90 % (baisse du chiffre d’affaires) pendant les périodes en 2020 où l’état d’urgence sanitaire était déclaré.
Ces deux critères visent les secteurs les plus touchés comme les hôtels, cafés, restaurants l’événementiel, les discothèques, les salles de sport, les salles de spectacle… qu’ils aient ou non été administrativement fermés. À partir du moment où ils ont été contraints à la fermeture par manque de clients dans les périodes de restriction des déplacements, ils pourraient y avoir droit.
Par exemple, durant le confinement, les personnes ne pouvaient pas se rendre dans une boutique de chaussures ou librairie, car ce n’était pas des commerces dits « essentiels », de même que pour les coiffeurs et une multitude d’autres activités.
Ces dix jours maximum pourront-ils être posés aux dates librement choisies par l’employeur ?
Non, les congés payés devront nécessairement être pris entre le 1er et le 20 janvier 2021, durant une période d’activité partielle. Ce seront soit des congés payés acquis pour l’année 2019-2020, qui sont à solder avant le 31 mai 2021, soit des jours pris en anticipation.
Une nuance doit être faite entre ces deux types de congés payés : acquis ou en cours de période d’acquisition (anticipation). En effet, dans le premier cas, l’employeur peut l’imposer, alors que dans le second cas il faut l’accord du salarié.
Cependant, il faut que les employeurs s’organisent dès l’annonce faite pour respecter le délai de procédure (ce qui peut sembler assez compliqué par ce manque de temps).
Pour le versement de cette aide, le Gouvernement utilisera les circuits de paiement de l’activité partielle via l’Agence de services et de paiement (ASP).
Sources :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2258
https://code.travail.gouv.fr/information/conges-payes-nouveautes-covid-19