Baisse de salaire : pouvoirs et obligations de l’employeur en 2024

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Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Suite à l’épidémie de Covid-19 et au confinement qui en a résulté, un grand nombre d’entreprises se retrouvent confrontées à de lourdes difficultés économiques et se demandent comment faire face. 

Pour tenter de sauver l’entreprise, la question se pose de savoir si l’employeur a la possibilité de diminuer la rémunération de ses salariés.

La fixation de la rémunération étant libre au moment de la conclusion du contrat de travail (dans la limite du SMIC et du salaire minimum conventionnel), si l’employeur veut revoir à la baisse le niveau de rémunération du salaire pendant l’exécution du contrat de travail, il devra nécessairement obtenir l’accord préalable du salarié.

Néanmoins, dans certains cas, des exceptions à ce principe existent. Faisons le point sur ce qu’il est possible, ou non, de faire.

Pas de baisse de salaire sans l’accord du salarié

Le Code du Travail n’interdit pas à l’employeur de diminuer le salaire d’un salarié. En revanche, la règle interdit la baisse de la rémunération sans l’accord du salarié. 

Autrement dit, Il est interdit à l’employeur de décider de diminuer le salaire des salariés sans leur accord, même si l’entreprise est en difficulté suite au covid-19.

A contrario, cela signifie que l’employeur a le droit de le réduire, à condition de respecter une règle essentielle : obtenir l’accord du salarié.

Pourquoi cet accord est-il obligatoire ?

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La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail que le salarié a signé. Et comme tout élément du contrat de travail, l’employeur ne peut pas revenir sur les termes de ce contrat ni le modifier unilatéralement, c’est-à-dire sans l’accord préalable du salarié. 

D’ailleurs, la jurisprudence confirme ce principe :

  • D’une part, le salaire ne peut être pas modifié sans l’accord du salarié et ce, même de manière minime (Cass Soc 19.05.1998 n° 96-41573)
  • D’autre part, pour réduire le salaire ou supprimer un avantage salarial résultant du contrat de travail, l’employeur a l’obligation d’obtenir l’acceptation claire et non équivoque du salarié. Elle ne peut en aucun cas résulter de la seule poursuite par le salarié de son travail (Cass Soc 16.11. 2005, n° 03-47560).

Cette exigence vaut pour le salaire de base, mais aussi pour les primes mentionnées dans le contrat: les éléments de la rémunération qui figurent dans le contrat de travail ne peuvent pas être unilatéralement modifiés par l’employeur.

Exemple : un salarié a un contrat de travail dans lequel sa rémunération est fixée à 1700 € avec une prime de 13ème mois et une prime d’ancienneté qui prévoit d’augmenter son salaire de 3% tous les 3 ans. Il est interdit à l’employeur de supprimer ou réduire la prime de 13ème mois, ou encore de modifier la prime d’ancienneté en la faisant passer de 3% tous les 3 ans à 3% tous les 6 ans.

De même, les clauses du contrat de travail prévoyant que l’employeur peut modifier la rémunération de façon unilatérale sont sans effet. De la même manière, celles qui permettent à l’employeur de modifier la structure de la rémunération (par exemple en modifiant la part du fixe et du variable).

Dans le même esprit, les sanctions pécuniaires sont également interdites : cela signifie qu’il n’est pas possible de diminuer le salaire, d’effectuer une retenue de salaire ou de faire payer au salarié une amende en raison d’une mauvaise exécution de son travail ou d’un mauvais comportement. Quelle que soit la raison invoquée pour justifier une amende ou une retenue de salaire, celle-ci est illégale et le salarié n’a pas à payer.

Exemple : l’employeur ne peut pas prévoir de retenir 15€ sur la rémunération d’un salarié au bout de 3 retards. De la même manière, il ne peut pas faire payer à un serveur l’addition des clients partis sans payer.

Donc, la diminution du salaire ne peut intervenir qu’à la suite d’un accord entre l’employeur et le salarié.

Mais attention : pour obtenir ce consentement, il est bien sûr essentiel de ne pas faire pression sur le salarié (pas de chantage, pas de menaces, ne pas forcer) et de s’assurer qu’il est parfaitement conscient et ouvert à cette baisse de salaire.

Quelle forme doit prendre l’accord du salarié ?

Selon que la réduction du salaire résulte d’un motif économique ou un motif personnel, une distinction est à opérer quant à la procédure à suivre :

Pour un motif économique, l’article L.1222-6 du Code du Travail impose que le salarié soit informé au moins un mois à l’avance par lettre recommandée avec accusé de réception. Le salarié dispose alors d’un choix : accepter ou refuser la diminution de son salaire.

Pour un motif de nature non économique, la procédure d’information posée par l’article L. 1222-6 du Code du travail n’est pas applicable. Toutefois, la pratique veut que l’employeur laisse au salarié un délai suffisant pour faire connaître son acceptation ou son refus. 

Si le salarié accepte la baisse de rémunération, aucune forme n’est requise pour acter cet accord mais un courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception est une bonne solution pour avoir la preuve que le salarié a bien reçu la proposition.

Par la suite, un avenant au contrat doit être rédigé, signé par les deux parties et annexé au contrat de travail.

Attention : la rémunération ne doit pas être inférieure au SMIC ou au salaire minimum prévu par votre convention collective si celui-ci est plus élevé.

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Que se passe-t-il si le salarié ne répond pas ou refuse la diminution de son salaire ?

 Si le salarié ne répond pas dans le délai imparti, l’accord est réputé acquis.

Si le salarié refuse la baisse de son salaire, ce refus peut être lourd de conséquences. En effet, l’employeur peut, bien sûr, renoncer à la réduction du salaire qu’il a envisagée, mais il peut également décider de procéder au licenciement du salarié.

Dans tous les cas, en cas de licenciement suite au refus du salarié de voir son salaire modifié pour raison économique ou non, l’employeur devra justifier d’une cause réelle et sérieuse de licenciement différente du refus de modification de salaire. En effet, le refus d’une modification de son contrat de travail par un salarié ne peut pas légalement constituer une cause de licenciement ( Cass Soc 07.07.1998 n° 96-40256).

Autrement dit, le motif du licenciement doit résider dans la raison pour laquelle l’employeur veut modifier la rémunération. Le licenciement est donc justifié si la modification elle-même est justifiée et licite (Cass Soc 13.10.1998 n° 96-43247).

Par ailleurs, après le refus du salarié de voir modifier son salaire et jusqu’au jour du licenciement, la rémunération d’origine doit s’appliquer, ce qui veut dire que, jusqu’à son licenciement, le salarié a droit au maintien de son salaire (Cass Soc 26.11.2002 n°00-44517).

Que se passe-t-il si l’employeur diminue le salaire d’un salarié sans son accord ?

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D’une part, le salarié peut parfaitement acter la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et obtenir la requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

L’employeur devra donc lui verser des indemnités (indemnité de licenciement, indemnité de préavis et de congés payés) et dommages-intérêts pour licenciement abusif.

D’autre part, la décision de l’employeur pourra être non seulement annulée, mais également, l’exposer à des sanctions pénales.

Il existe des exceptions à ce principe

En effet, dans certains cas, il est possible de baisser le salaire des salariés sans leur accord

Baisse de salaire pour raisons économiques

Si l’entreprise fait face à de grosses difficultés financières suite à la crise sanitaire du coronavirus, les articles L1222-6 et L1233-3 du Code du Travail donne à l’employeur la possibilité de proposer à ses salariés la diminution de leur salaire en raison d’un motif économique tel que :

  • baisse des commandes ou du chiffre d’affaires  
  • pertes d’exploitation 
  • dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation 
  • ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Pour constituer un motif économique valable, la durée de la baisse de commandes ou de chiffre d’affaires, en comparaison avec la même période de l’année précédente, doit être au moins égale à :

  • 1 trimestre (entreprise de moins de 11 salariés) ;
  • 2 trimestres consécutifs (entreprise de 11 à 49 salariés) ;
  • 3 trimestres consécutifs (entreprise de 50 à 299 salariés) ;
  • 4 trimestres consécutifs (entreprise de 300 salariés ou plus).

Un exemple récent, en avril 2020 illustre ce cas de figure :

Richard Moat, le directeur général du groupe Technicolor, groupe de technologie et de production d’effets vidéo, faisant face à de grosses difficultés économiques, s’est appliqué lui-même une réduction de salaire de 25%. Il a également demandé aux membres du comité exécutif de consentir une réduction de 20% et a encouragé ses salariés à participer, « sur une base volontaire », à cet effort collectif.

Dans cette hypothèse, quelle est la procédure à suivre ?

  • Informer le salarié du projet de baisse de salaire par lettre recommandée avec avis de réception et préciser dans la lettre que le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus ou son acceptation.
  • Laisser un délai de réflexion d’1 mois au salarié pendant lequel il peut donner son accord ou son refus (15 jours si redressement ou liquidation judiciaire).
    • si le salarié donne son accord dans le délai d’1 mois : son salaire peut être diminué et un avenant doit être signé entre les 2 parties.
    • si le salarié ne répond pas dans le délai d’1 mois : le salarié est réputé avoir accepté la diminution de salaire proposée (article L. 1222-6 du Code du travail).
    • si le salarié exprime son refus dans le délai d’1 mois : son salaire ne peut pas être baissé de force mais une procédure de licenciement pour motif économique peut être engagé à son encontre si l’employeur ne réussi pas à le reclasser

Exemple : LE CAS RYANAIR

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Baisse de salaire suite à réduction ou suppression de primes

Certains éléments de la rémunération ne sont pas contractualisés, c’est-à-dire qu’ils ne figurent pas dans le contrat de travail mais résultent d’un usage ou d’un accord collectif. Il peut s’agir de primes, ou d’un 13ème mois.

Dans ce cas, l’accord du salarié ne sera pas nécessaire et l’employeur pourra diminuer ou supprimer les primes et éléments de rémunération qui ne sont pas prévus au contrat.

Cependant, bon nombre de primes résultent d’un accord collectif ou sont devenues un usage. Dans ce cas, l’employeur devra dénoncer l’accord ou l’usage ou réviser l’accord en vue de le supprimer ou de diminuer la prime.

Négociation d’un accord de performance collective

Le dispositif d’accord de performance collective, créé le 22 septembre 2017 par les Ordonnances Macron, est un accord collectif qui permet d’aménager la durée de travail, la rémunération ou la mobilité d’un salarié afin de préserver ou développer l’emploi ou de répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise.

Par la négociation d’un tel accord, qui se substitue aux clauses du contrat de travail, l’employeur peut aménager la rémunération des salariés (la diminuer par exemple) en respectant les salaires minima de la Convention Collective et le SMIC.

Si ces derniers refusent, l’employeur peut envisager un licenciement.

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