En 2024, les contrôles de l’Urssaf ont abouti à 890 millions d’euros de cotisations redressées, en hausse de 11 % par rapport à 2023 (source : Bilan 2024 de la lutte contre le travail dissimulé – mars 2025). Un montant significatif, qui témoigne de l’ampleur des redressements potentiels pour les entreprises.
Les erreurs de paie ou les omissions déclaratives, même involontaires, peuvent en effet avoir un impact financier lourd, avec des rappels de cotisations, des majorations, voire des pénalités.
Cet article vous propose un panorama des principales causes de redressements et les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour minimiser les risques de redressement.
Qu’est-ce qu’un contrôle URSSAF ?
L’URSSAF peut intervenir à tout moment, mais dans les faits, une entreprise est contrôlée en moyenne tous les trois à cinq ans. Certains secteurs, en raison de leur exposition particulière aux risques de fraude, peuvent toutefois faire l’objet de contrôles plus fréquents. Mais en quoi consiste exactement un contrôle Urssaf ?
Un contrôle URSSAF, c’est quoi ?
Le contrôle URSSAF est une procédure administrative visant à vérifier la bonne application des règles en matière de cotisations et contributions sociales par les employeurs. Il s’agit d’un contrôle d’assiette, de taux, des exonérations applicables et du paiement des cotisations dues à l’Urssaf.
Qui déclenche un contrôle URSSAF ?
Les contrôles URSSAF peuvent être déclenchés de manière aléatoire ou ciblée. L’aléa statistique est le fondement de la majorité des contrôles. Toutefois, certains contrôles sont motivés par des signalements ou encore par des anomalies repérées dans les déclarations sociales, via la DSN.
Les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre ou à risques déclaratifs particuliers font également l’objet d’une attention accrue (BTP, restauration, services à la personne, etc.).
Quelles sont les étapes d’un contrôle URSSAF ?
Le contrôle débute formellement par l’envoi d’un avis de contrôle, au minimum 30 jours avant la date du début effectif des opérations de contrôle. Toutefois, l’envoi de cet avis préalable ne s’applique pas aux opérations de lutte contre le travail dissimulé.
- Phase préparatoire : l’inspecteur collecte les pièces et analyse les déclarations.
- Phase d’investigation : entretien, examen des documents comptables, paie, RH, etc.
- Lettre d’observations : synthèse des constats et propositions de régularisation.
- Réponse de l’employeur : délai de 30 jours pour formuler ses observations.
- Mise en recouvrement : en cas de maintien du redressement, émission d’un avis.
Quel est le pouvoir du contrôleur URSSAF ?
Le contrôleur dispose d’un large pouvoir d’investigation : accès aux documents comptables, sociaux, bulletins de paie, contrats de travail, tableaux d’heures, justificatifs de remboursement, etc. Il peut interroger les salariés, se rendre sur site, demander des justificatifs auprès de tiers (ex : expert-comptable, prestataire).
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J'accède au contenu'Quelles sont les erreurs les plus fréquemment redressées ?
Les chefs de redressement portent généralement sur l’application correcte du calcul des cotisations sociales, mais ils ne se limitent pas à cela. Les contrôleurs URSSAF examinent également avec attention d’autres éléments tels que les frais professionnels ou encore les avantages en nature.
Voici les principaux points de vigilance identifiés lors des contrôles URSSAF.
Lutte contre le travail dissimulé
Le travail dissimulé demeure la priorité d’action des URSSAF. Il peut s’agir d’une dissimulation d’activité (ex : établissement non déclaré) ou d’emploi salarié (absence de DPAE, contrat ou bulletin). En 2024, les redressements liés à la lutte contre le travail dissimulé ont représenté 15,3 millions d’euros selon le bilan officiel publié en mars 2025.
Prestataires extérieurs : Attention au salariat déguisé
Le recours à des prestataires extérieurs expose l’entreprise à un risque de requalification en salariat si un lien de subordination est établi entre le donneur d’ordre et le prestataire, quel que soit le statut juridique de ce dernier (auto-entrepreneur, société, etc.).
Le prestataire doit conserver son autonomie dans l’organisation de son travail sans lien de subordination permanent. Dès lors qu’un prestataire exécute ses missions sous l’autorité, le contrôle et les directives du donneur d’ordre, cela peut être considéré comme du salariat déguisé, entraînant un redressement URSSAF potentiel avec rappels de cotisations et pénalités.
Les dispositifs d’exonérations de charges sociales
Souvent mal paramétrées dans les logiciels et insuffisamment vérifiées par les gestionnaires du fait de la technicité des règles de calcul, les exonérations de cotisations patronales (et de cotisations salariales pour les heures supplémentaires) donnent lieu fréquemment à des redressements de l’Urssaf.
En raison de la complexité de ces mécanismes, il est recommandé de procéder à des contrôles réguliers et de suivre les évolutions du BOSS régulièrement.
Rupture conventionnelle des seniors : Vérifier les droits à la retraite
L’exonération des cotisations sociales sur l’indemnité de rupture conventionnelle ne s’applique que si le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire. L’employeur doit pouvoir en apporter la preuve avec un justificatif avant la signature de la convention de rupture.
En cas de contrôle Urssaf, ce document est demandé par l’inspecteur Urssaf pour toute rupture conventionnelle conclue avec un salarié sénior.
Licenciement avec transaction : Une pratique à risque
Certains employeurs tentent de « déguiser » des départs à la retraite ou des ruptures conventionnelles en licenciement avec transaction, pour optimiser les cotisations. Ce montage peut être requalifié par l’URSSAF si la fraude est démontrée (preuves indirectes, réseaux sociaux, presse locale, …).
Par ailleurs, en cas de régularité de la transaction, il faut bien cumuler l’indemnité de licenciement et l’indemnité transactionnelle pour calculer les limites d’exonérations sociales et fiscales.
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Avantages en nature : Des avantages soumis à cotisations
Les avantages en nature doivent tout d’abord être clairement identifiés. Tout avantage fourni gratuitement ou à un tarif préférentiel par l’employeur à un salarié en contrepartie ou à l’occasion du travail constitue un élément de rémunération. À ce titre, il doit être réintégré dans l’assiette des cotisations sociales, sauf exonération expresse prévue par les textes.
Dans un second temps, ils doivent être correctement valorisés selon les règles définies par le Code de la sécurité sociale et précisées dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS). Des méthodes forfaitaires ou réelles peuvent s’appliquer selon le type d’avantage.
Quelques exemples courants :
- Mise à disposition d’un véhicule pour un usage professionnel et personnel.
- Attribution d’un logement de fonction.
- Repas fournis gratuitement ou à un prix symbolique.
- Réductions tarifaires sur des produits ou services de l’entreprise.
Frais professionnels : Justifier de l’existence réelle des frais
Les frais professionnels correspondent à des dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité, dans l’intérêt exclusif de l’employeur. Les remboursements de l’employeur sont exonérés de cotisations sociales, à condition d’être justifiés, dans les limites fixées par la réglementation.
Les frais doivent être conformes à leur objet, justifiés par des pièces probantes en cas de remboursement au réel. Pour les remboursements au forfait, sans justificatif, les montants doivent impérativement respecter les barèmes fixés chaque année au 1er janvier et publiés dans le BOSS.
Si ces conditions ne sont pas respectées, les sommes peuvent être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales.
Par ailleurs, dans certaines entreprises, les remboursements de frais professionnels ne sont pas traités par le service paie mais par le service comptabilité. En cas de contrôle URSSAF, cette gestion fera l’objet d’une analyse spécifique pour vérifier l’éligibilité à l’exonération.
En tout état cause, les remboursements de frais professionnels, même exonérés de cotisations, doivent être déclarés en DSN.
Comment sécuriser ses pratiques et limiter le risque URSSAF ?
Afin de limiter les risques de redressement et les charges financières qui en découlent, il est essentiel de sécuriser ses pratiques en matière de paie. Voici quelques conseils concrets pour fiabiliser vos déclarations sociales et anticiper un éventuel contrôle URSSAF.
Réaliser un audit interne ou externe des pratiques de paie sensibles
Un audit des points de vigilance URSSAF permet de détecter les risques et de mettre en œuvre des actions correctives avant un contrôle. Il peut être réalisé par une équipe interne expérimentée ou un prestataire externe spécialisé.
Centraliser les justificatifs
L’URSSAF attend de l’employeur qu’il soit en mesure de produire tous les justificatifs : contrats, conventions de forfait, plannings, notes de frais, justificatifs de remboursement, etc.
Pour sécuriser cet aspect, il est fortement recommandé de centraliser les pièces au sein d’un référentiel documentaire partagé et, si possible, de recourir à des outils informatiques dédiés, notamment pour la gestion des notes de frais (applications de digitalisation, workflow de validation, archivage).
Formaliser les process RH/paie
Chaque processus RH et paie doit être formalisé de manière claire et opérationnelle : qui fait quoi, quand, comment, avec quels outils et selon quelles règles ? Cette formalisation permet de fiabiliser les pratiques, d’assurer la continuité en cas de changement d’équipe, et de répondre plus facilement à une demande des contrôleurs URSSAF. Ces modes opératoires internes peuvent être transmis en cas de contrôle.
Il est également essentiel de diffuser ces procédures aux salariés et managers via les canaux de communication interne (intranet, livret d’accueil, notes de service, chatbot, …) afin d’en garantir la bonne compréhension et l’application sur le terrain.
Vérifier le paramétrage du logiciel de paie et ses mises à jour
La réglementation sociale évolue constamment. Une veille réglementaire rigoureuse et une vérification régulière du paramétrage du logiciel de paie (RGCP, plafonds, réductions HS, etc.) sont indispensables pour éviter les erreurs de calcul des cotisations sociales.
L’apport du BOSS dans les contrôles URSSAF
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) est devenu la référence incontournable en matière de cotisations sociales. Il compile les instructions administratives, et contrairement aux anciennes circulaires, il est opposable à l’administration.
Il a permis d’uniformiser l’interprétation des règles entre les différentes URSSAF et entre les inspecteurs, offrant ainsi plus de sécurité juridique aux employeurs et une meilleure lisibilité des règles applicables.
Ainsi, une veille sociale proactive du BOSS est désormais une condition essentielle pour se prémunir contre les redressements.
La charte du cotisant contrôlé : un document de référence à connaître
Lorsqu’un contrôle URSSAF est engagé, l’employeur reçoit, en même temps que l’avis de contrôle, un exemplaire de la Charte du cotisant contrôlé. Ce document officiel rappelle les droits et obligations de l’entreprise tout au long de la procédure. Il constitue une garantie pour le respect du contradictoire, encadre les délais, les modalités de recours et l’assistance possible de l’employeur.
La Charte précise également les conditions dans lesquelles certaines demandes peuvent être formulées (remise de majorations, recours amiables, etc.). Elle est un outil indispensable pour se repérer dans le déroulé du contrôle et doit être connue de toute personne en charge du social dans l’entreprise.
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