Licenciement
Faute grave
Les seuls faits commis durant la mise à pied conservatoire peuvent justifier un licenciement pour faute grave
Cour de cassation, chambre sociale, 9 mars 2022, n° 20-19.744
Une salariée est soupçonnée de vols par son employeur. Elle est mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Durant sa mise à pied conservatoire, la salariée envoie un SMS à une collègue pour lui demander son aide et écarter les soupçons de vols formulés par son employeur à son encontre afin de préserver son emploi. Elle est licenciée pour faute grave en raison de ce SMS et conteste son licenciement.
La cour d’appel confirme le licenciement. Selon elle, il reposait bien sûr une faute grave, car l’envoi de ce SMS constituait un stratagème consistant à impliquer une collègue pour tenter de dissimuler frauduleusement un vol commis au préjudice de son employeur.
Cette dissimulation était à elle seule un manquement de la salariée à son obligation contractuelle de probité vis-à -vis de son employeur et rendait impossible la poursuite de son contrat de travail.
La salariée s’était pourvue en cassation, en soutenant que son licenciement était injustifié car aucune faute grave commise en amont de sa mise à pied conservatoire ne lui était reprochée et que son comportement durant la mise à pied n’importait pas.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que cette dernière avait souverainement considéré que les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis constituaient une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail de la salariée.
La Cour de cassation rajoute une précision importante : peu importe qu’aucune faute antérieure à la mise à pied conservatoire ne soit reprochée au salarié, un licenciement pour faute grave peut être justifié par une faute commise pendant une période de mise à pied conservatoire.
Une banalisation des violences faites aux femmes peut justifier un licenciement
Cass.soc.20/04/2022, n°20-10.852
Un animateur embauché dans une société de production prononce une blague douteuse à l’égard des femmes lors d’une émission sur une chaîne concurrente. Il est licencié pour faute grave.
L’animateur conteste son licenciement en invoquant la liberté d’expression dont il jouit dans et hors de l’entreprise « sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs” et en affirmant que sa blague prononcée en qualité d’humoriste était un trait d’humour provocant et non un abus à sa liberté d’expression.
La Cour d’Appel confirme le licenciement non seulement en raison de la blague sexiste, mais aussi en raison du comportement de l’animateur qui a continué dans les jours suivants à tenir des propos misogynes et injurieux à l’égard des candidates de son émission.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Pour cela, elle s’appuie sur les clauses du contrat de travail de l’animateur qui stipulent, d’une part, que “le respect des droits de la personne constitue une des caractéristiques majeures de l’esprit devant animer les programmes des chaînes publiques de télévision et que toute atteinte à ce principe constitue une faute grave” ; d’autre part, la Charte des antennes France télévision, signée par le salarié, prévoit « le refus de toute valorisation de la violence et plus particulièrement des formes perverses qu’elle peut prendre telles que le sexisme et l’atteinte à la dignité humaine ».
Selon la Cour, le licenciement fondé sur la violation de ces deux clauses poursuit bien l’objectif de lutte contre les discriminations en raison du sexe et des droits de l’employeur. En outre, elle estime que les propos réitérés de l’animateur constituent une banalisation des violences à l’égard des femmes et qu’à ce titre, son licenciement pour faute grave est justifié et non disproportionné.
Faute lourde
Le détournement de clientèle caractérise l’intention de nuire à l’employeur
Cass.soc. 6 avril 2022, n°20-20.128
Un salarié, exerçant les fonctions de comptable, est licencié pour faute lourde par son employeur en raison des actes fautifs suivants :
- Cessation de traitement informatique de plusieurs dossiers clients privant l’employeur d’écriture comptable et le mettant dans l’impossibilité d’établir les bilans et comptes de résultat.
- Cessation de facturation pour le compte de l’employeur des prestations effectuées en matière sociale.
- Remise à une société concurrence d’une liste de 16 clients de son employeur, prétendant qu’il s’agissait des siens.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de certaines sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
La Cour d’appel déboute l’employeur et juge que le licenciement repose sur une faute grave et non sur une faute lourde
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Or, selon la Cour, il résulte des faits de l’espèce que le salarié avait détourné la clientèle de son employeur, en sorte que l’intention de nuire était caractérisée.
La responsabilité pécuniaire d’un salarié ne peut pas résulter de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise
Cass. soc. 9 mars 2022, n° 21-10.173
Un salarié est licencié pour motif disciplinaire. Son préavis est interrompu de manière anticipée en raison d’une faute grave : le vol de matériels appartenant à l’entreprise et leur revente à des tiers au nom de la société. Le salarié est condamné, par la Cour d’Appel, à verser 70 000 euros de dommages et intérêts à son employeur pour violation de son obligation de loyauté.
Le salarié conteste sa condamnation. Il soutient que la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, qu’elle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et qu’enfin, elle ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Or, d’après lui, la cour d’appel, pour le condamner, se contentait d’indiquer que les faits qui lui étaient reprochés étaient contraires à l’intérêt de l’entreprise.
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Je télécharge les 8 fichesLa Cour de cassation donne raison au salarié. Faute d’avoir constaté la faute lourde et l’intention de nuire du salarié, la cour d’appel ne pouvait pas le condamner à des dommages et intérêts.
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Délai de notification du licenciement
Double entretien et point de départ du délai de notification du licenciement
Cass.soc. 6 avril 2022 n°20-22.364
Un employeur convoque en entretien préalable une salariée ayant commis des actes fautifs. Ayant été informé de nouveaux faits fautifs commis par cette même salariée, il la convoque à un deuxième entretien, 23 jours après le premier, et lui notifie son licenciement 15 jours plus tard.
La salariée conteste ce licenciement notifié plus d’un mois après le premier entretien et soutient que, compte tenu du délai écoulé, les faits ayant justifié la convocation au premier entretien ne pouvaient plus être invoqués à l’appui du licenciement.
Sa demande est rejetée par la Cour de cassation. En effet, selon elle, si, à l’issue d’un premier entretien préalable, de nouveaux faits fautifs justifient que le salarié soit convoqué à un deuxième entretien, le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour lui notifier le licenciement démarre à compter de ce deuxième entretien.
En l’espèce, la Cour confirme que le point de départ du délai d’un mois pour notifier le licenciement se situait bien à la date du second entretien.
Clause de non-concurrence
La clause qui s’applique pendant la relation de travail n’est pas une clause de non-concurrence
Cass.soc. 30 mars 2022, n°20-19.902
Le contrat de travail d’un salarié comporte une clause de loyauté selon laquelle il s’engage, dans le cadre de son activité salariée au sein de la société à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l’exécution de son contrat de travail et, au cours des missions qui lui sont confiées auprès des clients du groupe, à ne pas solliciter et à ne pas répondre à un client en vue de négocier son éventuelle embauche.
Selon la Cour de cassation, lorsqu’une clause du contrat de travail interdit au salarié, au cours des missions qui lui sont confiées, de solliciter ou de répondre à un client en vue de négocier une nouvelle embauche, elle s’applique uniquement durant la relation de travail et ne peut pas relever d’une clause de non-concurrence.
RTT
Le nombre de jours de RTT n’est pas forfaitaire
Cass.soc. 30 mars 2022, n°21-10.917
Un accord collectif portant sur la réduction de la durée du travail prévoit l’octroi de 10 jours de RTT par année civile au bénéfice des salariés.
Un salarié, absent plus de 4 mois sur l’année pour maladie, se voit attribuer un nombre de jours de RTT réduit à proportion de ses absences.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, reprochant à son employeur la diminution du nombre de jours de RTT. Il estime qu’en l’absence de précision dans l’accord, le nombre de jours en RTT est un nombre forfaitaire et que les absences survenant en cours d’année sont sans impact sur le nombre de jours acquis.
A contrario, l’employeur quant à lui fait valoir que la détermination du nombre de jours de RTT acquis au titre d’un accord de réduction du temps de travail dépend, par principe, du nombre d’heures de travail effectif au-delà de la durée légale du travail.
La Cour de cassation doit décider si le nombre de jours de RTT est forfaitaire ou s’il s’acquiert en fonction du temps de travail effectif effectué.
La Cour de cassation, rappelant que les jours de RTT ont pour objet de compenser les heures accomplies au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail, conclut que :
- Le nombre de jours de RTT doit être réduit à proportion des absences non assimilables à du temps de travail effectif.
- Et que le salarié absent pour cause de maladie ne peut donc pas prétendre à l’intégralité des jours de RTT.
Ainsi, selon la Cour, les jours de RTT s’acquièrent en fonction du travail effectif effectué et non établis forfaitairement.