Le digital est-il l’avenir de la formation professionnelle ?

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L'année 2020 aura profondément marqué nos vies et nos esprits. Et plus particulièrement encore l'aspect professionnel. Du télétravail à la formation, le distanciel a pris ses quartiers, mais cela va-t-il durer ? Le digital est-il la nouvelle référence de la formation professionnelle ?

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Nos vies ont certainement pris un tournant différent le 17 mars 2020. La crise sanitaire, le confinement, l’absence quasi-totale d’interactions sociales nous ont profondément secoués. Notre quotidien s’est trouvé bouleversé, notre vie professionnelle aussi et comme tous les autres domaines de notre vie active, la formation s’est retrouvée K.O debout.

La visioconférence est rapidement devenue l’outil au service de la communication avec nos proches, puis au service de notre travail, des réunions avec les collègues et enfin au service de la formation professionnelle continue. Beaucoup disent déjà que c’est une ère nouvelle et que la formation en salle vit ses derniers instants… Vraiment ?

Réagir dans l’urgence.

La situation était inédite, incontrôlable aussi. On n’avait pas de date de fin : celle du confinement était repoussée puis lorsque nous en sommes enfin sortis, c’était pour mieux retourner dans de nouvelles formes du quotidien : la distance et le télétravail.

Comme les autres acteurs de la vie économique, la formation a compris qu’elle allait devoir s’adapter à cette nouvelle réalité. Comme les outils étaient là (Zoom et consorts), nous allions simplement mettre le formateur de l’autre côté de l’écran et faire la formation à distance. Telle quelle. Il fallait à ce moment-là répondre aux besoins des clients et continuer l’activité coûte que coûte.

Dans les mois qui ont suivi, une autre prise de conscience s’est faite : on était en retard. La formation digitale chez nous n’était pas aussi développée, réfléchie, éprouvée que dans d’autres pays, comme le Canada ou les États-Unis par exemple. Certains organismes de formation avaient complètement raté ce virage, d’autres se disaient bien qu’ils allaient devoir s’y mettre, mais qu’ils avaient encore un peu de temps… et surtout en toile de fond, toujours cette idée que la formation à distance était de la « sous-formation », peu qualitative, surtout bonne à colmater des brèches ici et là.

Bien sûr, il y avait eu l’essor des MOOC, des SPOC et l’arrivée du mobile learning. Bien sûr, les technologies avaient évolué et permettaient désormais de concevoir des modules e-learning plus engageants. Mais on faisait encore une séparation entre la formation « en salle » et la formation complètement à distance, représentée par ces formats.

Du coup, lorsqu’il a fallu passer les formations initialement présentielles à des formations réalisées 100% à distance, on ne s’est pas vraiment posé de questions. On s’est dit qu’il suffisait de copier/coller ce qui existait en salle pour le faire vivre aux participants de l’autre côté de l’écran. Et les failles de ce raisonnement sont apparues très vite.

Un format en tant que tel.

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La formation digitale est une modalité de formation à part entière. C’est-à-dire qu’elle offre des opportunités et répond à des contraintes. Elle ne peut pas être l’équivalent d’une formation en salle au sens premier. C’est-à-dire que pour une efficacité et une pertinence équivalente à ce qui se serait passé en salle, il faudra adapter la formation à un déploiement digital.

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L’attention n’est pas la même, l’équipement n’est pas le même, la qualité du réseau internet non plus, l’aisance des participants avec la technique encore moins. Le format « journée de 7 heures Â» des formations en salle se prête mal à la distance. Ce sont des contraintes à prendre en compte.

Mais le digital offre aussi de formidables opportunités. Il permet de multiplier les formats : en synchrone et en asynchrone par exemple. C’est-à-dire en « live Â» comme avec une classe virtuelle ou à son rythme, au moment que l’on choisit, comme la consultation de ressources par exemple ou la réalisation de travaux.

Les formats de la formation digitale sont très nombreux et un peu comme les parfums de glace, le plus dur est de choisir ! Webinaires, classes virtuelles, modules e-learning, serious game, activités interactives, vidéos, podcasts, forum… On peut ainsi trouver une réponse adaptée à chaque besoin de formation.

On a aussi souvent cette idée que la formation à distance est de moins bonne qualité notamment parce qu’elle rend difficile les échanges ou la cohésion du groupe. Or là encore, le digital permet de créer du lien, avec le formateur ou avec les autres. La mise en place du tutorat par exemple pour des accompagnements individualisés. Les travaux en binôme pour se sentir moins isolé, le social learning pour bénéficier de l’expérience et des partages des autres participants.

Je reprends souvent cette image de la recette de cuisine. Le digital rassemble une quantité d’ingrédients impressionnante. Et lorsque l’on décide de concocter sa formation, tout est possible. On utilise une pincée de ceci, quelques grammes de cela. On ajoute alors une autre dimension à la réponse pédagogique.

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La disparition programmée de la formation présentielle ?

Je vais répondre à cette question de la façon la plus nuancée possible : je n’y crois pas une seule seconde !

La formation présentielle a de réels atouts dans sa manche, notamment la possibilité d’être ailleurs que sur son lieu de travail ou chez soi, de rencontrer des pairs en chair et en os, de partager des expériences en groupe, de les expérimenter « physiquement ». On sait aujourd’hui combien nos sens donnent un coup de pouce à la mémorisation. La formation en salle offre des possibilités d’animation plus faciles à réaliser en présentiel, plus pertinentes aussi (je pense à l’occupation de l’espace, à l’utilisation du jeu, aux exercices mettant en avant la posture, etc.).

La formation en présentielle crée du lien social, permet de développer du réseau. Expérimenter ensemble quelque chose rapproche. Même si l’on peut expérimenter de belles expériences à distance, la création du lien entre les personnes est plus exigeante encore. De par son essence même la distance laisse de la place, de l’espace entre les participants.

Beaucoup voient encore dans le fait « d’aller en formation Â» une opportunité d’avoir du temps pour eux, de se déconnecter de leur quotidien (professionnel et familial) et de vivre autre chose pendant 2 ou 3 jours. Cet aspect-là demeure. Notre besoin viscéral de contacts et d’échanges avec d’autres êtres humains demeure. Et la pandémie l’a encore mis en avant : combien d’entre nous ont souffert de cette absence brutale de contacts pendant de longs mois ?

S’ouvrir à une réflexion plus large.

Même si le digital apporte de la souplesse et des opportunités d’apprentissage, il n’est pas une fin en soi. C’est l’un des outils / formats / modalités que le formateur ou l’ingénieur pédagogique a dans sa caisse à outils.

Le digital apporte une amplitude nouvelle à la formation tout simplement parce qu’il nous oblige à repenser la formation au sens large. À questionner nos approches, nos façons de faire, les objectifs que l’on souhaite atteindre. J’ai accompagné beaucoup de formateurs sur ces questions : ce que je trouve passionnant c’est qu’ils réalisent rapidement combien digitaliser une formation les fait s’interroger aussi sur la manière dont ils conçoivent une formation en salle.

Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut plus penser la formation comme avant. Et que l’on peut oser des formats hybrides, avec du présentiel et de la distance. Que l’on peut penser des formats plus courts (2 heures ou 3 heures) ou différents (des ateliers, des learning expéditions, des parcours mixtes…).

On a beaucoup entendu cette phrase ces derniers mois, mais je trouve qu’elle s’applique bien ici aussi : « Tout est possible Â».

En résumé.

Les deux formats ne s’opposent pas, ils se complètent. Mais surtout ils ouvrent une réflexion plus large autour de la raison d’être de la formation. Elle est là pour accompagner les adultes dans leur évolution, professionnelle et/ou personnelle. Comment peut-elle le faire au mieux ? Comment peut-elle être efficace, pertinente… dans ce monde tout change si rapidement, où il faut s’adapter sans cesse ? Elle n’est pas la dernière roue du carrosse, elle est le carrosse.

L’avenir de la formation professionnelle s’oriente vers la flexibilité des offres et des formats pour répondre à des attentes qui ne cessent d’évoluer.

Elle se dessine au cœur des situations de travail, avec des approches comme l’AFEST par exemple (Action de formation en situation de travail).

Et surtout la formation professionnelle doit poursuivre sa capacité à être efficace, à servir, à s’adapter aux situations individuelles. La formation professionnelle doit être une marche sur laquelle s’appuyer pour progresser, en confiance.